1789-1989, ou la longue marche du socialisme


par  A. PRIME
Publication : juillet 1989
Mise en ligne : 12 mai 2009

La Révolution bourgeoise

Le "siècle des lumières" engendra la Révolution ; la misère du peuple à la fin de ce 18ème siècle déclencha l’accouchement.
Les idées des Encyclopédistes, dont aucun, hélas, ne verra la Révolution, furent le bouillon de culture des aspirations des classes exclues des privilèges réservés du clergé et de la noblesse. Mais la composition même du tiers-état-bourgeois et peuple du travail (artisans et paysans) fera vite apparaître l’hostilité entre ses deux composantes dès lors que le problème de la royauté, après bien des hésitations et des compromissions, aura été réglé par la décapitation de Louis XVI. La Convention, entrainée de ce jour par les purs et durs, notamment Robespierre et Saint-Just, tente de faire la Révolution du peuple pour le peuple. C’est compter sans la bourgeoisie, car la Révolution de 1789 a été faite pour elle : le IX Thermidor met fin à la tentative -idéologiquement admirable, mais historiquement prématurée- d’élargissement de la Révolution au peuple laborieux.
La bourgeoisie comprit vite le danger que faisait courir à sa victoire la corruption de nombre de ses dirigeants d’après Thermidor  : les Barras, Tallion et leurs suppôts. Rapidement elle allait se chercher un maitre pour faire régner le "nouvel ordre" bourgeois et garantir son accession "aux affaires" : ce fut le 18 Brumaire. Il fallait une "épée" sûre elle aurait pu être celle de Moreau ; ce fut celle de Bonaparte.
On connait la suite : empire et noblesse d’empire, allers et retours des rois, république éphémère, empire à nouveau et Ille République.
En résumé, la Révolution de 1789 ne pouvait être que celle de la bourgeoisie, détenant les moyens de production et de création de richesses, face aux classes parasites qu’étaient la noblesse et le clergé, et frustrée de n’avoir pas droit au "pouvoir", tout simplement parce qu’elle n’était pas "née". Les développements techniques balbutiaient et l’heure n’était pas venue pour le peuple du travail - deuxième volet du tiers-état - d’occuper le pouvoir ; il était tout juste bon à fournir les bataillons de combat contre l’ennemi intérieur ou extérieur de la Révolution. Seul Babeuf, dit Gracchus, tenta encore ("conspiration des égaux") de forcer l’histoire ; il fut arrêté et exécuté sous le Directoire en 1797.

L’essor industriel

Le 19ème siècle bourgeois fut celui de l’essor industriel et de la grande misère des ouvriers des "fabriques" : emploi des enfants en bas âge, temps de travail illimité, salaires de misère, chômage endémique, etc... Parallèlement, cette situation inspira - comme un écho aux penseurs du siècle des lumières - les grands penseurs du socialisme au sens large, dénonçant les inégalités et injustices sociales, s’efforçant d’en expliquer les causes, et proposant des solutions : Sismondi en Suisse, SaintSimon, Fourrier, Louis Blanc, Proudhon, en France ; Owen en Angleterre. La liste n’est pas exhaustive. Quatre d’entre eux avaient connu la Révolution et l’Empire.
Mais la pensée socialiste atteignit son point de rationalité maximum avec Marx et Engels : Manifeste du parti communiste en 1848, "le Capital" en 1867. Le marxisme deviendra dès lors l’outil essentiel de la lutte des classes des travailleurs contre le capitalisme la première Internationale fut fondée à Londres en 1864, la deuxième à Paris en 1889.

La Révolution prolétarienne

Lénine fut le plus remarquable héritier de la pensée de Marx. Toute sa vie, en Russie ou en exil, fut consacrée à la deuxième grande révolution, celle des ouvriers, des exploités. Sans entrer dans les détails, sons que pour Marx, le socialisme devait historiquement - non sans lutter certes - prendre le relais du capitalisme parvenu au stade où il ne pouvait plus sortir de ses contradictions production-distribution. Mais l’histoire allait s’écarter de la théorie. C’est en Russie, où la pensée de Lénine - plus précisément le marxisme-léninisme, sorte de synthèse adaptée à la situation en Russie - a formé des militants organisés, qu’éclate la révolution de 1917 (il est vrai au départ bourgeoise - quelques mois - sous Kérenski). L’évolution du capitalisme, et donc du prolétariat, étaient limités, sans être inexistants, et l’agriculture quasi féodale. Ce n’étaient pas les conditions idéales envisagées par Marx et Engels pour le meilleur passage du capitalisme au socialisme (l’expérience se répétera en Chine avec Mao Tse Toung et dans divers pays moins importants).
Ces conditions par contre étaient réunies dans l’Allemagne de 1918, où, à la fin de la guerre, se créent des soviets sur les modèles russes. Un socialiste, Scheideman, proclame la République le 9 novembre 1918. Et c’est la social-démocratie qui sera au pouvoir pour réprimer et décapiter la révolution populaire. Les Alliés, prudents, avaient renvoyé aux dirigeants allemands l’ascenseur que Bismark avait envoyé à Thiers en 1871. Les Allemands, vainqueurs, s’étaient alors retirés aux portes de Paris et avaient laissé à Thiers, réfugié à Versailles, une armée suffisante pour écraser la Commune de Paris. Ce qui fut fait dans le bain. de sang et avec la sauvagerie que l’on sait. Après l’armistice de 1918, les Alliés laissèrent à l’Allemagne - à ce "boche" pourtant tant honni et dont la France avait tant souffert - une "armée" de 100.000 hommes, armée de police bien sûr, sans armes lourdes, pour écraser la révolution menaçante. Et de fait, lorsque le groupe Spartacus déclenche l’insurrection le 5 janvier 1919, la répression est sans pitié : Karl Liebnecht et Rosa Luxembourg seront assassinés le 15 janvier sans que les auteurs soient poursuivis. Tenir l’Allemagne hors de la révolution prolétarienne était l’objectif prioritaire du capitalisme en 1918-1919. Sinon tout pouvait basculer : Allemagne, France, Italie, Espagne, etc... Pour la plupart, ces pays avaient une industrie suffisamment développée pour passer d’une production-distribution capitaliste à une production-distribution socialiste, évidemment radicalement différente. Les vrais socialistes de toute nuance peuvent toujours rêver a posteriori sans ce cadeau de 100.000 soldatspoliciers à l’Allemagne vaincue de 1918, la face du monde eût pu changer...

Hitler au service de la lutte antisocialiste

La menace allemande écartée, le capitalisme poursuivit sa lutte anti-socialiste en envoyant de toutes parts des armées susceptibles de détruire le jeune Etat socialiste russe : il échoua, partie remise, on verrait plus tard...
Avec Hitler par exemple. En le laissant faire, en le finançant, en ne réagissant pas à la réoccupation de la Sarre. Dans "Mein Kampf" Hitler ne cache as son but : détruire le communisme. t le soir de sa nomination comme Chancelier, le 30 devant 1933, il confirme sa mission devant témoins : « A l’étranger, aujourd’hui, on m’a traité d’antéchrist, je suis seulement un antiLénine ». Propos notés par Frank dans ses mémoires qui précise qu’Hitler, ce soir- là, revenait toujours sur le communisme dont la destruction était sa mission historique.
Si Hitler ne s’était pas avéré être un fou dangereux pour l’humanité tout entière, s’il avait été un dirigeant "convenable et raisonnable", les pays capitalistes l’auraient pudiquement laissé attaquer et vaincre si possible "la patrie du socialisme" ; tout comme, dans des circonstances comparables, ils avaient, quelques années auparavant, laissé écraser la révolution populaire espagnole ; écrasement qui permit à Hitler de commencer à réaliser sa "mission historique" et de tester ses armes et ses méthodes de guerre (exemple : Guernica en 1937).
Le demi-siècle qui suit nous amène en 1989. La période est suffisamment connue et objet de nombreux articles dans la Grande Relève pour arrêter là - provisoirement du moins - cet aperçu de la longue marche du socialisme.


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