1935 - En route vers l’abondance


Publication : octobre 1978
Mise en ligne : 14 octobre 2006

Ce livre en deux volumes contient six lettres adressées à un cultivateur et publiées dans la revue « Terre Libre ».

...« PUISQUE, par l’intermédiaire de La Terre, on me fait l’honneur de me demander de t’écrire quelquefois, je vais commencer par te raconter une histoire qui, j’espère, réussira à t’intéresser.

Il était une fois un brave cultivateur qui se donnait beaucoup de mal, avec sa femme, ses fils et ses filles. Tous travaillaient de bon coeur aussi longtemps qu’il était nécessaire, et souvent dès le lever du soleil. Leur principal souci était de faire pousser du blé.

Autrefois ce cultivateur trouvait moyen de récolter chaque année 200 sacs de blé. Sa famille et lui vivaient simplement, mais en joignant tout de même les deux bouts. Mais, outre qu’il était travailleur, notre homme était intelligent. Il apprit à sélectionner les semences, à utiliser les bons engrais, à se servir de moyens mécaniques. Cette année, ce n’est pas 200 sacs qu’il a récoltés, mais 400 sacs d’un blé superbe. Il a donc trouvé moyen de doubler le résultat qu’il obtenait péniblement autrefois. Il devrait être heureux et content. Tout au contraire, il est malheureux et sa situation lui donne des inquiétudes qu’il n’a jamais connues. Au lieu de marcher, grâce à son labeur, sur le chemin de la fortune, il s’aperçoit avec terreur qu’il se dirige vers la misère.

Cultivateur, mon ami, cette histoire ne paraît pas te surprendre, et c’est à croire que tu la connais déjà. Bien mieux, tu l’as vécue toi-même. Si, au lieu de m’adresser à ceux qui cultivent du blé ; je la raconte à des ; vignerons ou à des betteraviers, ou aux hommes qui font pousser des choux, des carottes, des navets, des primeurs, ma petite histoire n’aura pas plus de succès. Eux aussi la connaissent pour l’avoir vécue. C’est donc vraiment qu’il y a quelque chose qui ne va plus. Il y a quelque chose de changé dans le monde.

Surtout ne va pas t’adresser à ceux qui t’ont poussé à produire en te chantant l’hymne à la production. Tu as suivi leurs conseils à la lettre, mais ils ont oublié, eux, de s’acquitter de leur rôle : il consistait à faire en sorte que la ruine ne vînt pas couronner tes efforts...

...Cultivateur ami, j’insiste à nouveau pour que tu gardes ton sang-froid en face des incohérences que tu entends dire et que tu vois faire. Surtout ne t’imagine pas que les manifestations de violence puissent aider à résoudre le problème. Ne va pas envahir ta sous-préfecture et causer quelque inutile émotion au fonctionnaire qui l’occupe : il n’est pour rien dans l’énormité des événements dont nous sommes les témoins. Ton député non plus, d’ailleurs. C’est toi qui l’as choisi et, neuf fois sur dix, tu as choisi un brave homme. Ne le rends pas responsable d’un bouleversement que l’on constate, au même moment, dans tous les grands pays du monde. Mais il faut essayer de lui faire comprendre ce qui se passe, et lui reprocher les lois d’assainissement sur le blé et sur le vin, s’il les a votées. Assainir... en faisant le vide, c’est un travail d’aspirateur de poussière et non pas de législateur. Et s’il ne comprend pas, il faut qu’il s’en aille pour faire place à quelqu’un qui comprendra que les seuls bénéficiaires de la pauvreté des hommes (par la rareté des produits) se cramponnent égoïstement au passé qu’ils voudraient faire revivre.

Enfin il existe une autre raison de te prêcher le calme : c’est qu’il est bien inutile d’aller offrir ta poitrine au tir des armes automatiques. Tu connais leur, puissance pour t’en être servi pendant la guerre ! Rappelle-toi que le progrès technique, entre les mains des hommes, a été utilisé pour leur bien comme pour leur mal. Ceux qui te disent de descendre dans la rue et d’élever des barricades sont des gens de 1848 ! Ils retardent aussi fâcheusement que ceux dont tu subis la loi.

Dis-toi qu’il n’y a plus place aujourd’hui dans tous les grands pays modernes, que pour deux partis politiques : ceux des partisans de l’abondance ; celui des bénéficiaires de la rareté.

Les partisans de l’abondance proclament que l’homme est mis au monde pour vivre, et qu’il doit travailler dans la mesure où c’est encore nécessaire. Ils réclament donc leur part de travail, leur part de loisirs, leur part dans la richesse produite grâce au patrimoine scientifique qui nous appartient à tous indistinctement.

Les partisans de l’abondance ne parleront jamais de surproduction tant qu’il y aura des êtres humains qui manqueront du nécessaire.

Les bénéficiaires de la rareté veulent artificiellement recréer de la rareté qui permet le profit. Ils parlent de surproduction alors que celle-ci ne peut exister que si l’on regarde les choses sous l’angle du profit. Or l’abondance tue le profit ! L’abondance a fait son entrée dans le monde et bouleverse tous les petits calculs égoïstes qui, jusqu’à ces derniers temps, dirigeaient les actions de la plupart des hommes.

(Extrait de « En Route pour l’Abondance »)

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