Au fil des jours

ACTUALITE
par  J.-P. MON
Publication : avril 2002
Mise en ligne : 21 janvier 2007

 L’IMPORTANT...

...C’est le commerce ! Denis Jeambar, président-directeur de l’Express, est choqué par les mesures unilatérales que vient de prendre G.W. Bush pour mettre la sidérurgie américaine à l’abri de la concurrence internationale [1]. « C’est un déni de droit. Dans cette affaire Washington s’est, tranquillement, assis sur les règles de l’Organisation mondiale du commerce, déclenchant le courroux légitime de l’Europe et du reste du monde ». Suivent quelques vérités bien senties : « Le libéralisme que les États- Unis entendent faire régner sur la planète s’arrête à leurs frontières. Le coup est d’autant plus tordu que Bush agit aussi par électoralisme, dans la perspective du scrutin législatif de novembre prochain. Pour un vote d’acier, il se moque de ses alliés. [...] Quand leurs intérêts sont en jeu, les Américains ne se gènent jamais pour “abolir” leurs concurrents. Comme le prédisait le général de Gaulle, c’est ainsi qu’ils finiront par se faire détester de tout le monde ». Par contre, la menace de guerre, éventuellement nucléaire, que fait peser l’administration Bush sur la planète ne semble absolument pas avoir impressionné l’éditorialiste de l’Express. C’est pourtant beaucoup plus dangereux que les pertes que pourraient subir les sidérurgistes du reste du monde.

Mais il est vrai que lorsque le capitalisme va mal, le recours à la guerre est devenu le remède favori.

 
VIVE LA GUERRE !

Les analystes de la banque d’affaires Merrill Lynch spéculent déjà sur une guerre contre l’Irak [2]. Dans leur dernière note de conjoncture, à la question : « Si l’Irak est le prochain pays sur la liste, que va-t-il se passer pour l’industrie de la défense ? » ils répondent sans états d’âme : « Une campagne militaire en 2002 et 2003 contre le régime de Saddam Hussein devrait profiter aux actions des sociétés qui fabriquent des munitions ». Ces braves analystes ont même étudié plusieurs scénarios d’attaque qui présentent des effets plus ou moins “positifs” (!!!) pour diverses sociétés d’armement. « Tous les scénarios ne sont pas tous aussi favorables pour l’ensemble des valeurs » concluent-ils. Autrement dit, choisissez bien les actions d’armement que vous allez acheter ! Pour cela, dans un premier temps, misez sur une guerre aérienne et privilégiez les valeurs des fabricants de missiles et de munitions, comme Alliant Techsystems, Raytheon et L-3 Communications. Les choses sont plus délicates en ce qui concerne le démarrage des opérations au sol : « Cette phase serait décisive pour Alliant Techsystems et General Dynamics parce qu’ils fournissent des munitions pour les tanks et les hélicoptères d’attaque ». Mais, « même si les forces irakiennes sont affaiblies par rapport à 1991 », une dérive de la guerre reste possible : « On ne peut exclure des réactions non conventionnelles (!!!) de l’Irak, comme les bombardements chimiques ou biologiques de ses voisins [...] Il y aurait dans ce cas un besoin supplémentaire de fonds pour aider les victimes d’armes de destruction massive, ce qui pourrait enlever des ressources au ministère de la défense ». Je tiens personnellement à rassurer les analystes de Merrill Lynch : dans ce dernier cas, le gouvernement américain ferait appel à la générosité du peuple américain pour venir au secours des victimes des pays alliés et le ministère de la défense continuerait à disposer de tous ses moyens ( qui sont très grands et à rallonge) pour la guerre ! A-t-on jamais vu une guerre s’arrêter faute d’argent ? Enfin, autre scénario envisagé, l’implication de l’Iran ou de la Russie dans le conflit entraînerait « des pertes plus élevées pour les avions et les véhicules américains » et, dans ce cas, les constructeurs d’avions militaires et civils Boeing et Lockheed seraient les principaux bénéficiaires de l’extension du conflit. Par contre « il pourrait y avoir des effets négatifs pour l’aviation commerciale si le trafic aérien était de nouveau touché par les craintes d’attaques terroristes ». Ah misère ! On ne peut pas gagner à tous les coups sur tous les tableaux !

 
L’EUROPE ET LE SHÉRIF

C’est en gros l’histoire [3] que nous conte haineusement l’ancien directeur de la CIA, James Woolsey. Ce fidèle ami de G.W. Bush ne supporte pas que l’on ne soit pas d’accord avec la politique guerrière des États-Unis : pour avoir osé considérer comme « simpliste » l’expression « axe du mal » employée par Bush pour désigner l’Irak, l’Iran, la Corée du Nord,... ou pour avoir déclaré que les États-Unis traitaient les Européens comme des « satellites » ou encore pour avoir parlé d’« absolutisme » et d’« accélération unilatérale » à propos de l’approche antiterroriste de Bush, les ministres des affaires étrangères français et allemand et le commissaire européen pour les relations extérieures sont accusés de « persister dans une vision du monde hargneuse et délibérément aveugle à la réalité dont le ressort central est que tout ce qui suscite une certitude ou un enthousiasme de l’Amérique est, au mieux hautement suspect ». Généralisant avec le même simplisme que son maître, il ajoute que cette opinion est celle de nombreuses élites européennes, à l’exception voyante de Tony Blair et de quelques autres fidèles (Berlusconi, sans doute ?). Et là, ne se contenant plus, il laisse éclater sa hargne et sa haine : « Cette attitude découle largement de leur choix de mener la belle vie, de maintenir des services sociaux généreux, de prendre de longues vacances et de laisser les États-Unis porter le fardeau principal consistant à préserver la paix dans le monde ». À croire qu’il est jaloux... Woolsey nous raconte ensuite, à sa façon, l’histoire du shérif du film le train sifflera trois fois, qui, selon lui, « s’efforçait vraiment d’être multilatéral ». Et il conclut méchamment : « Rentrez chez vous vous occuper de vos gosses, Européens. Et puis faites vos prières pour que, lorsque tout sera fini, nous ne rendions pas notre étoile en la laissant tomber dans la poussière ». Si en plus des dieux des trois religions révélées, il faut maintenant prier les États-Unis, où allons nous ?


[1L’Express, 14/22-3-2002.

[2Le Monde, 13-2-2002.

[3La Tribune, 5-3-2002.


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