Au fil des jours
par
Publication : mai 1977
Mise en ligne : 18 mars 2008
Il faut exporter, on le sait, et à n’importe
quel prix... même s’il faut payer pour cela. Un certain nombre
de banques allemandes, argentines et brésiliennes viennent d’accorder
un prêt de 700 millions de nos francs lourds au Chili de Pinochet
pour financer des importations de biens d’équipement en provenance
de ces trois pays.
Ce qui montre, si besoin en était, de quel côté
sont la finance et l’industrie : ce n’est par le Chili progressiste
du président Allende qui aurait bénéficié
d’avantages comparables.
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La France n’est pas en retard sur l’Allemagne pour
les aides à l’exportation : le gouvernement vient d’ouvrir pour
1977 un crédit de 1,8 milliard de francs (soit 20 % de plus qu’en
1976) pour un certain nombre de pays en voie de développement
afin de les « inciter » à acheter des biens d’équipement
français. Le taux de ces « prêts » n’est que
de 3 % pour une durée allant jusqu’à trente ans. Ce n’est
pas une mauvaise affaire pour les bénéficiaires de prêts.
Quoi qu’il en soit, le contribuable français n’en est pas à
ça près. Il finance aussi la « garantie de risque
économique », c’est-à-dire l’assurance donnée
par l’Etat aux exportateurs français de biens d’équipement
que si leurs coûts de fabrication augmentent et dépassent
les prix convenus avec les acheteurs étrangers, la différence
sera prise en charge par le Trésor public, c’est-à-dire
encore vous et moi.
C’est ça le libéralisme économique !
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Malgré toutes ces petites astuces, le déficit
commercial des pays industrialisés, s’est accru l’an dernier.
En effet, selon le Fonds monétaire international, leurs importations
ont augmenté de près de 15 % alors que leurs exportations
n’ont progressé que d’un peu plus de 11 %. Mais le F.M.I. ne
va quand même pas jusqu’à nous dire que ce sont les pays
en voie de développement qui ont bénéficié
de la différence.
C’est en fait une véritable guerre économique que se livrent
les pays capitalistes. Tout le monde veut vendre à tout le monde
et de préférence plus qu’il n’achète.
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C’est ainsi que la Communauté économique
européenne reproche au Japon d’avoir réalisé à
son détriment un bénéfice de 4 milliards de dollars
en 1976. A quoi les Japonais rétorquent que les membres de Ia
CEE doivent s’efforcer d’accroître leurs exportations... vers
d’autres pays.
Moyennant quoi le Japon reste un farouche défenseur du principe
du libre échange.
Pour tout compliquer au granrd désarroi des économistes
ne voila-t-il pas que certains pays se mettent à pratiquer une
« économie sauvage » qui consiste essentiellement
à pratiquer le troc (Comme les peuplades primitives ! Passe encore
pour l’URSS ou les pays de
l’Est qui le pratiquent depuis fort longtemps, mais voir la France s’y
mettre aussi doit pousser au désespoir les économistes
les plus distingués).
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C’est pourtant la réalité : on vient
d’apprendre que la société SPIE-Batignolles a accepté
le principe d’un accord de troc avec l’Iran, comportant la construction
de gazoducs, de pipelines, d’autoroutes, de voies de chemin de fer en
échange de quelques millions de tonnes de pétrole brut
par an.
Au lieu de chercher un vain équilibre de la balance commerciale,
c’est cette voie que devrait suivre la gauche française lorsqu’elle
sera au pouvoir.
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En attendant, le premier économiste de France,
qui est aussi Premier ministre (ça doit être un très
bon élément, il est premier en tout !) veut pour faire
plaisir au patronat, « régulariser le flot de certaines
importations ». Entendez par là qu’il faut éviter
que des produits fabriqués à bas prix dans les pays en
voie de développement viennent concurrencer certaines productions
françaises. Ca permettrait pourtant de faire baisser les prix.
Mais M. Barre juge plus important de « donner de l’air aux entreprises
qui, petites ou moyennes mais quelquefois fort grandes, ont mal supporté
la pression conjointe des salaires, des charges sociales, des impôts
et de la concurrence extérieure ».
Arguant que « les pays de l’Est sont organisés et regroupés,
que les peuples en voie de développement le sont aussi, grâce
notamment à l’OPEP et au Club des 77 ». M. Barre demande
innocemment « Pourquoi ne pas préparer l’organisation des
pays industrialisés à régime libéral autour
du triangle Europe-Amérique du NordJapon ? »
A notre connaissance, c’est déjà fait et M. Barre ne l’ignore
pas puisque, comme J. Carter, président des Etats-Unis, il est
Iui-même membre de la Trilatérale, Ia fameuse Commission
créée à l’initiative du banquier américain
Rockefeller pour s’opposer au développement du communisme !