Au fil des jours


par  J.-P. MON
Publication : juillet 1978
Mise en ligne : 3 septembre 2008

L’absurdité de notre système économique devient chaque jour plus évidente à un nombre croissant d’observateurs. C’est ainsi qu’on pouvait lire dans le n° 78 de « Contact », mensuel de la F.N.A.C. : « Il est bien naturel que la conscience humaine se révolte devant la destruction ici de produits qui manquent là. Lorsque des agriculteurs mécontents jettent sur la voie publique des dizaines de tonnes de primeurs, chacun pense en secret que le système économique doit être une machine bien vicieuse pour qu’un tel gâchis soit inévitable alors qu’à quelques heures d’avion des enfants meurent de faim.  »

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Si, comme on le voit tous les jours, nos idées sur la répartition du travail font de spectaculaires progrès, les solutions que nous proposons aux problèmes monétaires ne sont pas encore évoquées par la science économique officielle. Ce qui n’empêche pas les choses de bouger : c’est ainsi que sans tambours ni trompettes, l’or, en tant qu’étalon monétaire international, a vécu : depuis le 1er avril dernier, date à laquelle l’accord de Bretton Woods a officiellement été définitivement abandonné, l’or n’a plus aucune valeur monétaire.
N’est-ce pas là un grand pas de franchi ?

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En République Fédérale Allemande la base bouge : contre l’avis de ses dirigeants, le congrès de la Confédération des Syndicats Ouest Allemands, réuni à Hambourg, s’est prononcé le 25 mai en faveur de la semaine de 35 heures et pour six semaines de vacances pour tous les travailleurs.
Gageons que nos ministres et les dirigeants du patronat français vont rapidement cesser de nous vanter les mérites et le «  sens des responsabilités » des syndicats d’outre-Rhin.

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Le slogan « exporter ou mourir », cher à Hitler et à nos dirigeants (et repris par le Crédit Lyonnais sous la forme « Exporter c’est vital ») va-t-il être contesté par ceux là mêmes qui en profitent  ?
C’est ainsi qu’analysant les difficultés de l’industrie chimique, M. Malat, président du directoire d’ATO-chimie, filiale d’Elf-Aquitaine et de Total, dénonçait récemment les échanges intracommunautaires « qui sont un commerce artificiel, entretenu et développé à dessein par chacun des pays de la Communauté Economique Européenne dans le seul but de pousser les exportations... C’est davantage une source d’appauvrissement qu’une source de richesses ».
Les chimistes européens se plaignent d’autre part de la concurrence de plus en plus efficace des pays du COMECON (association économique des pays de l’Est) qui assurent plus de 22 % de la production mondiale (l’Amérique du Nord atteint 26 %).
Le plus drôle de l’histoire, c’est que les pays du COMECON ont été équipés et même suréquipés par les pays occidentaux eux-mêmes !

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Pareille mésaventure ne va pas tarder à arriver à d’autres industriels dans d’autres domaines : c’est que, dans nombre de milieux pensants (???) gouvernementaux et industriels, la dernière mode est de prôner l’exportation de matière grise et de haute technologie. Il y a là, paraît-il, un « créneau » à prendre !
Tout esprit moyennement constitué peut cependant imaginer que les pays (en voie de développement ou non) dans lesquels des usines ultra-perfectionnées auront été installées vont les utiliser pour produire ce pour quoi elles ont été conçues. Mais comme, pour payer ces usines, les pays concernés devront vendre la plus grande partie de leur production aux pays mêmes qui les auront équipés, ils le feront à des prix défiant toute concurrence puisqu’ils bénéficieront de la très haute productivité que leur conféreront leurs usines ultra sophistiquées et leur main d’oeuvre à bas prix. De sorte que les p a y s industriels deviendront totalement dépendants des pays qu’ils auront équipés.
C’est ce qui se passe déjà pour le textile et qui commence à se manifester pour la télé couleur dont Taiwan (Formose) a exporté plus de 124 000 postes en février dernier, devançant ainsi le Japon. Tout cela grâce aux investissements allemands et hollandais.

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L’abondance tue le profit, c’est pourquoi tout le monde s’organise pour tuer l’abondance :
- Les chimistes européens demandent une révision des règlements communautaires qui leur permette « d’unir leurs efforts et d’harmoniser leurs politiques tant en ce qui concerne les investissements que la REDUCTION des capacités de production ;
- La capacité de production des panneaux d’aggloméré de bois excédant de 30 % la demande, les prix de vente ont chuté de 15 % entre 1974 et 1978 aussi pour « améliorer » ses résultats, la société Isorel vient- elle de procéder à une réduction de 25 % de ses capacités de production en espérant être imitée par ses concurrents  ;
- Après plusieurs mois de discussions engagées avec la bénédiction des instances communautaires, les grands producteurs européens de fibres chimiques, Hoeshst, Bayer, Rhône- Poulenc, ICI, Courtaulds, AKSO, Montédison, SIR, ANIC, SNIA Viscosa) se sont mis d’accord pour limiter leurs productions et leurs ventes pendant au moins trois ans.
L’accord prévoit une réduction globale d’environ un tiers des capacités de production et la suppression de 12 000 à 15 000 emplois (7 % des effectifs) .
Il n’est pas exclu qu’un accord analogue soit conclu pour les plastiques.


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