Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Mise en ligne : 30 novembre 2010

 Les marchés font la loi

Pourquoi le gouvernement n’a pas, jusqu’ici, reculé sur la réforme des retraites en dépit de la radicalisation du mouvement qui, d’ailleurs, dépasse maintenant le seul problème des retraites pour devenir : « nous voulons vivre autrement » ? —Parce que les agences de notation ont prévenu la France : la réforme sera un élément décisif du maintien du pays dans le groupe des AAA, les États les plus solvables [1]. De même, la réunion des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne qui s’est tenue à Bruxelles le 28 octobre avait pour but de pérenniser le fonds de solidarité financière destiné à soutenir les pays de l’UE qui, comme la Grèce, pourraient être en difficulté. Or ce fonds, mis en place en mai dernier, n’avait qu’une durée de vie de trois ans. Ce qui par les temps qui courent ne semble pas suffisant pour rassurer les marchés, car comme le disait en substance un conseiller de l’Élysée : « Plus le temps passe et plus l’échéance du mécanisme risque de produire des effets dangereux pour la zone euro ».

 Surtout pas un économiste !

S’étonnant que tous les sondages mettent Dominique Strauss Khan en tête de tous les candidats de gauche, Jean-Pierre Dupuy, Professeur de philosophie économique, sociale et politique à l’École polytechnique, pense que « ce dieu caché présente pourtant des traits médiocres » et que le phénomène DSK est une « bulle politique » [2]. En économie, explique-t-il, une “bulle” est « l’écart entre la valeur marchande d’un bien, appréciée par son prix, et sa valeur intrinsèque » et il pose la question : « le phénomène DSK serait-il une bulle ? » Que penser en effet d’un économiste qui, au moment de prendre les rênes du FMI, déclarait en octobre 2007 : « La crise financière ne devrait pas avoir d’effet dramatique sur la croissance mondiale. La situation est maintenant sous contrôle ». Dupuy ajoute :« S’il a passé avec succès son examen de passage, c’est que ses juges étaient sans doute encore plus aveugles que lui… » [2]

Pour dégonfler la bulle, J-P Dupuy a passé en revue la presse de gauche anglo-saxonne, déchaînée contre le FMI. Quelques exemples : « Les avis du FMI sont-ils meilleurs que ceux d’un ivrogne dans la rue ? La réponse est non et au moins ces derniers sont-ils honnêtes » [3] ; « des cinglés aux commandes » [4]. Il est surprenant qu’en France, DSK soit épargné par les critiques qu’on fait couramment à l’étranger sur le FMI. L’économiste de Berkeley, Barry Eichengreen, un ancien du FMI, pense que la politique, ou plutôt la rhétorique, de DSK s’expliquerait par le désir de faire les gros titres dans son pays d’origine [5] ; il trouve évident que « c’est en séduisant les banques plutôt que “le peuple de gauche” que DSK arrivera à ses fins électoralistes ». J-P Dupuy pose la question : « À supposer même que DSK fût un bon économiste, est-ce d’un économiste dont la France a besoin ? C’est l’économie qui empoisonne la société et on appelle des économistes à son chevet ? » Il estime que même les capitalistes savent maintenant que les peuples riches sont inquiets sur leur avenir : « Ce doute n’est pas un problème que les techniciens des finances puissent résoudre. Les Trissotin de la macroéconomie, les Diafoirus du retour à la croissance n’ont pas encore compris que la question n’est pas de leur ressort. La civilisation matérielle étouffe de ses excès, c’est un problème anthropologique […] Si vraiment la France a besoin d’un chef, seul quelqu’un qui voit tout ça clairement pourra jouer ce rôle. Que le futur président ait une culture économique de base, cela est nécessaire. Que ce soit un économiste, non merci ».

 Économistes atterrés

Quelques économistes, dont plusieurs sont membres d’ATTAC, viennent de se déclarer « atterrés » par l’archaïsme des politiques économiques européennes, élaborées sous la pression de la Commission européenne, du FMI et des agences de notation. Ils pensent que cette « orthodoxie néolibérale » risque bien d’accroître l’instabilité, les inégalités, et d’aggraver la crise européenne.

Ils ont lancé un manifeste, ouvert à signatures, qui dénonce de nombreux clichés, en particulier celui de l’augmentation de la dette publique.

Ils ont tenu un colloque le 9 octobre à Paris. Après l’introduction de Philippe Askenazy (CNRS), initiateur de ce manifeste, qui a expliqué la démarche des « économistes atterrés », se sont tenues trois “tables rondes” dont les thèmes étaient respectivement :

• Régulation financière : protéger ou désarmer les marchés ?

• Sortir du piège de la dette et de l’austérité en Europe.

• Croissance, emploi, consommation, écologie, solidarités : quelle économie pour quelles finalités ?

Après un débat avec la salle, les synthèses et perspectives ont été dégagées. On peut trouver les compte-rendus des tables rondes et la vidéo des débats sur le site des économistes atterrés, http://atterres.org/.

 Les économistes atterrants

Ce sont ceux de la Commission Attali mise en place à la demande de Sarkozy. Ils proposent « une stratégie à dix ans » pour relancer la croissance en commençant par trois ans de traitement de choc pour les finances publiques qui devrait permettre d’économiser 75 milliards d’euros en gelant au delà de 2011 le salaire des fonctionnaires, et en étendant le non remplacement d’un départ sur deux à la retraite aux collectivités locales et à la sécurité sociale. Cette Commission prévoit aussi une révision de la prise en charge des affections de longue durée, l’instauration de conditions de ressources pour les allocations familiales, etc., mais un allègement de la fiscalité du travail… et une hausse de la TVA.

Le Président de la République s’est félicité [6] des « convergences » entre sa politique et les conclusions du rapport. C’est tout dire !


[1Le Monde, 10-11/10/2010.

[2Le Monde, 24-25/10/2010.

[3Dean Baker, The Guardian, 29/06/2010.

[4Paul Krugman, New York Times, 07/06/2010.

[5New York Times, 11/05/2010.

[6Mis à part les godillots de l’UMP et les cireurs de bottes du gouvernement, il n’y a guère que lui même qui puisse se féliciter !


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