Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : février 2012
Mise en ligne : 10 mars 2012

 Un optimisme de façade

L’objectif essentiel des responsables européens reste toujours de « redonner confiance aux marchés » (Quel aveu !). C’est ce qui ressort des débats du Forum Économique de Davos, ouvert le 25 janvier par le discours de la chancelière allemande, A. Merkel, intitulé « Ma vision de l’Europe », une vision optimiste que le Premier ministre britannique David Cameron a vigoureusement critiquée le lendemain en prenant pour cibles principales la France et l’Allemagne. La vedette du sommet a été sans conteste M. Draghi, le nouveau président de la BCE, très auto satisfait : « La somme des progrès que nous avons réalisés est spectaculaire » s’est-il réjoui, en précisant : « Si l’on compare la situation d’aujourd’hui à celle d’il y a cinq mois, la zone euro est un autre monde ». Il faut dire que Draghi y avait mis les moyens, demandant à la BCE de mettre à la disposition des banques près de 500 milliards d’euros de prêts à trois ans à un taux de 1%.

Avant l’intervention de M. Draghi, le ministre allemand des finances, W. Schläuble, avait souligné « les évolutions positives sur les marchés qui montrent que la confiance se rétablit progressivement » et tancé la Grèce « qui ne doit pas seulement prendre des engagements mais aussi les remplir ».

C’est tout de même faire preuve d’un cynisme peu ordinaire quand on connaît le passé du président de la BCE [1] et qu’on sait que les banques allemandes sont les plus concernées par les prêts consentis aux Grecs… notamment pour acheter des quantités délirantes de matériel militaire allemand !

Toujours est-il que le problème de la dette grecque, qui devait être résolu juste après le sommet européen du 31 janvier, ne l’est toujours pas.

 Un pessimisme mesuré

Trois rapports du FMI “Prévisions 2012”, “Rapport sur la stabilité financière” et “Moniteur budgétaire”, publiés le 24 janvier, demandent aux « pays qui ont un certaine marge budgétaire, y compris à certains pays de la zone euro, de revoir le rythme de leur resserrement budgétaire à court terme ». Les prévisions de la croissance mondiale viennent en effet d’être abaissées à 3,3% pour 2012 et 3,9% pour 2013, soit respectivement de 0,7 et 0,6 points de moins que prévu en septembre dernier. Les pays “avancés”, en pleine crise de la dette et des déficits, devraient pratiquement stagner (+1,2 en 2012 et 1,9% en 2013). Les pays de la zone euro seront en récession et seuls les pays en développement “tireront” la croissance, notamment grâce à la Chine (8,2 et 8,8%) et l’Inde ( 7,0 et 7, 3%). En bref, selon les experts du FMI, l’économie mondiale serait entrée dans une phase de « ralentissement mais pas d’effondrement ». Seuls, les pays de la zone euro entreraient en récession mais si les leurs gouvernements parviennent à juguler la crise de l’euro, les taux des obligations souveraines pourraient se stabiliser et commencer à se normaliser début 2013. Le FMI recommande cependant de ne pas trop « serrer la ceinture de la rigueur » ce qui risquerait « d’exacerber les tensions des marchés au lieu de les réduire en raison de son impact négatif sur la croissance ». Les “experts” ne se hasardent pourtant pas à désigner les pays qui pourraient adoucir leur austérité.

 Austérité ou pas

C’est un problème dont on a aussi débattu à Davos lors de la session intitulée La prospérité avec l’austérité ? Pour l’Américain Summers, ancien secrétaire d’État au Trésor des États-Unis, actuellement Professeur à l’Université de Harvard : « Le retour à des finances publiques saines suppose un niveau de croissance raisonnable, lequel ne sera pas atteint en période d’austérité budgétaire. […] Avoir pour seule politique de s’attaquer aux déficits publics, ce n’est pas une stratégie suffisante » [2]. Selon lui, c’est, pour les États-Unis, le moment propice de lancer une grande politique d’investissements dans les infrastructures américaines « dont l’état lamentable pèsera demain sur les générations futures au moins autant que les déficits que nous leur laissons ». Le Premier ministre britannique, D. Cameron, lui a indirectement répliqué en expliquant que, pour lui, la Grande-Bretagne a besoin, pour redevenir compétitive, de l’impitoyable cure d’austérité budgétaire à laquelle il la soumet, compensée, ajoute-t-il, par une politique monétaire généreuse qui injecte massivement des liquidités dans l’économie et qu’il peut mener parce que la Grande-Bretagne n’est pas dans la zone euro. Il en a profité pour inviter l’Union Européenne a être plus radicale dans la poursuite des réformes de structures « allant dans le sens d’un allégement de tout ce qui peut peser sur le dynamisme des entreprises » et pour dénoncer « le poids des contraintes de protection sociale imposées par Bruxelles » [2]. En un mot du vrai sarkozisme !

 Une fausse piste

Pour le Professeur Michel Aglietta, « les pays de la zone euro font toujours une erreur de diagnostic en ne se focalisant que sur les problèmes de la dette publique. La première “règle d’or”, c’est de ne pas chercher à réduire précipitamment l’endettement de l’État tant que le secteur privé ne peut soutenir l’économie. Après 1945, il a fallu 20 à 25 ans de croissance soutenue pour absorber le surcroît de dettes dû à la guerre » [3] . Pour lui le remède serait que « les États acceptent des déficits quand l’économie tourne au ralenti et enregistrer des excédents lors des phases prospères ». D’autre part, « il faut séparer les dépenses de fonctionnement et d’investissement. Ces dernières, fondement d’une croissance durable, ne devraient pas figurer dans l’équilibre budgétaire à respecter ».


[1Ancien président pour l’Europe de la Banque Goldman Sachs et qui, à ce titre, a aidé la Grèce a maquiller ses comptes pour entrer dans l’Euroland.

[2Le Monde, 28/01/2012.

[3Zone euro : Eclatement ou fédération, éd. Michalon, 2012.


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