Au fil des jours

CHRONIQUE
par  J.-P. MON
Publication : mars 2005
Mise en ligne : 4 novembre 2006

 FLEXIBILITÉ

Le Medef et le gouvernement Chirac- Raffarin à sa botte n’arrêtent pas de déplorer les rigidités du marché du travail français. En fait, la flexibilité, comme ils disent, s’étend considérablement. Entre 1995 et 2003, le nombre d’emplois intérimaires a plus que triplé et concerne maintenant 465.000 personnes ; 1,64 million de salariés sont en contrat à durée déterminée et les emplois précaires représentent 8,6% des actifs. Si l’on ajoute les contrats aidés, les stagiaires, les apprentis, on arrive à un total de 2,5 millions de personnes “flexibles” [1]. Ce phénomène se généralise, les salariés enchaînant les missions et les emplois à durée déterminée. Seuls 9% des intérimaires réussissent à décrocher un emploi stable au bout d’un an de travail [2].

 « CHIFFRES TERRIBLES »

C’est l’expression qu’a utilisée le ministre allemand de l’économie et du travail pour qualifier le nombre de chômeurs qui vient d’atteindre 5 millions, un record depuis la fin de la guerre. Sur l’année 2004, le nombre moyen de chômeurs est pratiquement resté stable malgré la radiation des statistiques de 93.000 chômeurs en formation ou occupant des “mini-jobs”. Mais en décembre, 200.000 chômeurs qui recevaient jusqu’alors l’aide sociale sans être inscrits à l’agence pour l’emploi ont du s’inscrire à nouveau au chômage en application du nouveau système d’allocations chômage mis en place à la suite de la réforme Hartz IV [3]. Bien que l’Allemagne reste le premier exportateur mondial [4] (“Exporter ou mourir !” est toujours d’actualité…), l’année 2005 ne s’annonce pas meilleure que 2004 avec une prévision de croissance de 1,6%. Ce qui n’empêche pas certains analystes de prédire un retour sous la barre des 4,5 millions de chômeurs [5] grâce à la mise en place des “emplois à un ou deux euros [6]” prévus par le plan Hartz IV pour les chômeurs de longue durée qui disparaîtront ainsi des statistiques du chômage.

 IL N’EN RATE PAS UNE…

Serge Dassault , sénateur UMP de l’Essonne, PDG du groupe Dassault et de la Socpresse (Le Figaro, l’Express, …) s’était déjà illustré par ses déclarations sur le rôle de la presse [7] : « les journaux doivent diffuser des idées saines », c’est à dire « les idées qui font que ça marche. Les idées de gauche ne sont pas des idées saines. Nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche qui continuent… » Il vient à nouveau de se distinguer en déclarant le 21 janvier à la Mission locale pour l’emploi de Draveil où deux ministres, Dutreil et Borloo, étaient venus dialoguer avec des jeunes (qui étaient 13… !!!) : « Je ne suis pas pour multiplier le nombre des fonctionnaires ; ça coûte cher. Si l’on supprimait l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans, ça résoudrait beaucoup de problèmes » [8]. Mais ça ferait des chômeurs en plus !

 REPRISE SANS EMPLOI

Aux États-Unis, les créations d’emplois sont décevantes. L’économie américaine a créé 146.000 emplois en janvier au lieu des 190.000 prévus mais une baisse de la population active (le nombre de prisonniers aurait-il encore augmenté ???) a fait reculer le taux de chômage à 5,2% contre 5,4% en décembre. L’industrie a perdu 25.000 emplois [9].

Ce qui n’a pas empêché les entreprises américaines de faire des profits records. Depuis la récession de 2001, elles ont pu réduire leurs coûts et leur endettement et engranger des bénéfices. En 2004, les profits représentaient environ 10% du PIB des E-U (un record). Cette rentabilité, et ces trésoreries abondantes (600 milliards de dollars pour les sociétés de l’indice Standard & Poors 500) sont dues à un dollar faible favorisant leur compétitivité, et à la loi adoptée à l’automne dernier par le Congrès permettant de rapatrier aux États-Unis les profits accumulés à l’étranger en ne payant que 5,25% de taxes au lieu de 35% auparavant. Cette loi, votée en pleine campagne électorale, baptisée American Jobs Creation Act (loi sur la création d’emplois américains) a pour but de lutter contre les délocalisations. Il n’est cependant pas sûr que les centaines de milliards de dollars ainsi rapatriés créent le moindre emploi aux États- Unis : ils alimentent la vague des fusions et ont, pour le moment, fait remonter le cours du dollar face à l’euro et au yen.

La plupart des économistes pensent cependant que de telles performances ne peuvent pas continuer en 2005. La croissance va diminuer et les taux d’intérêt remonter. En outre, les gains de productivité ont commencé à ralentir : entre 1995 et 2000, ils avaient progressé en moyenne de 2,5% par an et entre 2002 et 2003 de 4,2%. Mais en dépit de la reprise en 2002 et 2003, les entreprises ont continué à limiter leurs coûts, à ne pas augmenter les salaires, à délocaliser et à ne pas embaucher, contribuant à créer la “reprise sans emploi”.

 LA DETTE

Selon l’ONG Agir Ici, en 2002, les pays à faibles revenus ont remboursé 39 milliards de dollars au titre du service de la dette, soit plus de 100 millions de dollars par jour9. Dans le même temps, ces mêmes pays n’ont reçu que 17 milliards de dollars au titre de l’aide publique au développement.

 CONTRE LA PAUVRETÉ

« Il faut dire et redire que, pour la première fois dans sa longue histoire, l’humanité a les moyens techniques, humains et financiers d’éradiquer la faim sur la planète. Il ne s’agit que de la décider. Et ce n’est pas cher » a justement martelé l’ancien président Bill Clinton lors du forum de Davos « quelque 50 milliards de dollars, bien moins que les 80 milliards de surcoût pour un an de la guerre en Irak demandés par Georges Bush au Congrès américain… » [9].


[1Rapport à l’assemblée générale de l’Agence nationale d’information pour le logement.

[2Enquête Emploi de l’Insee, 2004.

[3Voir La Grande Relève , n° 1049, décembre 2004.

[4Sur les 10 premiers mois de 2004, le solde positif de sa balance commerciale s’élevait déjà à 133 milliards d’euros.

[5En 1998, le chancelier Kohl, prédécesseur de Gerard Schröder, promettait déjà de faire passer le nombre de chômeurs sous la barre des 2 millions.

[6Il s’agit d’activités d’intérêt général dans le secteur public ou non lucratif consacrées aux services aux personnes, rémunérées à partir de 1 euro de l’heure et cumulables avec la perception de l’aide sociale.

[7France Inter, 10/12/2004.

[8Le Monde, 02/02/2005.

[9Le Monde, 06-07/02/2005.


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