Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : juillet 2017
Mise en ligne : 13 novembre 2017

 « La reprise accélère, le chômage perdure »

C’était le grand titre de la rubrique “Pertes & profits” du Monde Eco & Entreprises du 26 mai dernier. On y lisait qu’en France, en Allemagne, dans la plupart des pays de la zone euro et même au Royaume Uni, les indicateurs sont au vert soutenu et que, selon les indices du cabinet Markit [1], la croissance de l’activité privée y est au plus haut niveau depuis six ans. Le cas le plus spectaculaire serait celui de l’Allemagne où le rythme de création d’emplois est exceptionnel, la confiance au sommet, les milieux d’affaires euphoriques et les carnets de commandes pleins à craquer…En France, toujours selon le cabinet Markit, le secteur privé est en expansion pour le onzième mois d’affilée et, selon l’Insee les entrepreneurs sont bien plus nombreux qu’en avril à signaler une augmentation de leur activité… en bref, quels que soient les qualificatifs que l’on utilise, la reprise est là et s’accélère.

Quelle chance pour l’emploi ! Eh bien non : il semble que l’amélioration de l’activité n’ait qu’un effet très modeste sur l’emploi : avec un taux de chômage officiel autour de 10% et près de 3,5 millions de personnes sans aucun emploi, la situation reste dramatique. Dans une de ses notes, la banque Natixis se demande « si le chômage de masse français est encore sensible à la conjoncture, autrement dit, si une amélioration de la demande, en augmentant l’activité, réduit le chômage ». Constat qui met à mal la théorie keynésienne selon laquelle une stimulation forte de la consommation conduit naturellement à une hausse de l’activité. Mais Keynes avait oublié, ce que savent bien les lecteurs de La Grande Relève, que pour consommer il faut d’abord être solvable, et, dans le système actuel, c’est disposer d’un salaire décent, ce que le sous-emploi interdit.

 L’analyse de la BCE

Pour une fois, la Banque Centrale Européenne s’intéresse à autre chose qu’à la stabilité des prix et au taux d’inflation [2]. Ainsi vient-elle dans son Bulletin économique du 10 mai de consacrer un chapitre à « l’évaluation des capacités inutilisées sur le marché du travail ». C’est le décalage constaté entre le recul du chômage en zone euro [3] et la faible progression des salaires. La BCE n’hésite pas à conclure que « le chômage est plus élevé que ne l’indiquent les statistiques officielles ». Pour elle, en effet, les chiffres officiels du chômage excluent toutes les personnes « découragées » de rechercher un emploi et celles qui ne sont pas immédiatement « disponibles » pour travailler pour diverses raisons, sans parler des personnes en sous-emploi notoire, notamment les personnes en travail partiel subi. Si on les prend en compte les « capacités inutilisées sur le marché du travail » représentent environ 18% de la population active de la zone euro, soit à peu près le double du taux de chômage.

 Un jeu de dupes

Dans la future “loi travail”, si chère à Macron, l’idée que l’assouplissement des règles de licenciement favoriserait l’emploi est présentée comme une évidence. C’est loin d’être le cas comme l’expliquent les enseignantes-chercheuses Emmanuelle Nègre et Marie-Anne Verdier [4] : « Alors que les réductions d’effectifs sont présentées comme l’ultime (et inévitable) recours pour sauver une entreprise, plusieurs études scientifiques portant sur les licenciements dans les grandes sociétés montrent que les raisons et les effets des licenciements sont loin d’être aussi évidents. En effet, il est important de distinguer les licenciements “réactifs” des licenciements “proactifs”. Les premiers sont une réponse à une baisse de performance de l’entreprise, alors que les seconds ont lieu dans un contexte de hausse de la performance ». Une étude récente effectuée sur la période 2007-2012 montre que plus de 40% des licenciements effectués dans des entreprises françaises cotées sont proactifs, c’est-à-dire réalisées alors que les performances de l’entreprise sont en hausse [5]. Les raisons invoquées par les entreprises pour justifier les réductions d’effectifs sont souvent en décalage avec leur situation économique réelle. Dans leur communication, elles présentent les licenciements « comme une réaction à des perturbations extérieures telles que la dégradation de la situation économique au niveau mondial, la modification soudaine du marché, etc… Elles cherchent à cacher leur bonne santé… Le marché financier joue aussi un rôle dans ce vaste jeu de dupes ». Et on sait depuis longtemps que « le marché financier ne récompense pas l’honnêteté ».

Rien d’étonnant donc qu’on ne s’entende pas sur les chiffres du chômage.

 Quelques nouveaux chiffres

• Microsoft, un des très grands des nouvelles technologies, va supprimer des milliers d’emplois « dans le cadre d’une vaste réorganisation de ses équipes commerciales pour mieux se recentrer sur les activités de “cloud”, de stockage et de logiciels en ligne » [6].

• Le nouveau “plan social“ de l’entreprise canadienne Bombardier (matériel ferroviaire) va alléger de 2.200 emplois ses 7 sites de production situés en Allemagne [7].

• La filiale canadienne du groupe américain Sears vient d’annoncer la fermeture de 59 magasins et la suppression de 2.900 postes parmi ses 15.000 employés [8].

• Le groupe de Télécom français SFR prévoit la suppression de 5.000 postes, soit un tiers de l’effectif du groupe [9].


[1Entreprise américaine d’information économique.

[2Le Monde, Economie & entreprise, 14-15/05/2017

[39,5% au mois de mars (taux le plus bas depuis 2009).

[4Voir leur article dans Le Monde, Economie & Entreprise, 29/04/2017.

[5Journal of accounting and public policy, avril 2017.

[6Tech-crunch, site d’information américain spécialisé dans l’actualité des start-ups Internet, 03/07/2017.

[7Le Monde, Economie & entreprise, 01/07/2017.

[8Le Monde, Economie & entreprise, 24/06/2017.

[9Le Monde, Economie & entreprise 03/06/2017.


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