Aujourd’hui une révolution monétaire, Demain une révolution économique ?
par
Publication : octobre 1985
Mise en ligne : 31 mars 2008
Apparue il y a près d’un siècle dans
le roman d’Edward Bellamy (1), reprise au cours des dernières
décennies par divers auteurs, l’idée d’une carte de paiement
porteuse d’un crédit positionnable au fur et à mesure
des achats, n’est pas toute nouvelle, loin s’en faut. En 1970, les Américains
inventaient la « carte codée ». La monnaie électronique
était née. Dix années plus tard, les travaux de
recherche et de mise au point de Roland Moreno allaient déboucher
sur le procédé INNOVATRON utilisé dans la carte
à mémoires.
Après une période d’expérimentation de quelque
18 mois à Lyon, Blois, Caen, puis à St-Etienne et Lille,
la « carte à puce » aborde une seconde étape
avec la mise en service prochaine de 12 millions de ces titres de paiement
porteurs de monnaie électronique.
On doit envisager d’ores et déjà quel pourrait être
le terme d’une troisième étape amorçant la plus
étonnante révolution économique de tous les temps,
avec la suppression des terminaux couplés aux lecteurs de cartes,
celle des transferts d’argent qui, depuis toujours, servent à
former les revenus.
Quand le public aura pris l’habitude de cette monnaie électronique,
de cette carte que l’on approvisionne à la banque et qui se vide
en fonction des paiements, alors naîtra la « monnaie de
consommation ». Il suffira de neutraliser dans le lecteur de carte,
le dispositif transfert débit-crédit et de munir chaque
consommateur, salariés et non salariés, producteurs et
distributeurs, de sa carte à mémoires. Ainsi seront supprimés
les mouvements d’argent d’un compte à un autre, chaque personne
adulte ayant le sien crédité périodiquement, selon
un barème à définir à l’intérieur
de chaque groupe socioprofessionnel, libre de « charger »
sa carte à concurrence de ses besoins hebdomadaires ou mensuels,
dans la limite de son revenu ou de son avoir.
Gagée par un ensemble de valeurs d’offres rendues indépendantes
des coûts, la monnaie de consommation distribuée en guise
de revenu, devient le revenu lui- même. Ce revenu, mis en place
selon de nouvelles conventions, doit répondre à de nouveaux
critères tenant compte, dans une plus large mesure, de l’âge,
de l’ancienneté, de la qualification de l’individu, de la fonction
qu’il remplit, de son utilité sociale, de sa compétence,
de son efficacité, enfin de ses besoins individuels et familiaux,
c’est-à-dire de son revenu antérieur. Il serait, en effet,
maladroit et inutilement cruel, de transformer les mieux nantis assurant
aujourd’hui des postes de responsabilité, en révoltés
victimes d’une révolution qui se veut sans perdants, afin d’obtenir
les meilleures chances de réussite, la maintenance à un
rythme soutenu, d’une production abondante et de qualité.
On discerne les immenses simplifications apportées à la
vie courante par l’usage d’une monnaie de consommation, celles découlant
notamment de la disparition du profit en tant que source de revenus,
de la suppression des emplois et organismes dont la seule fonction est,
actuellement, d’assurer la circulation de l’argent, la formation des
revenus. Gagés par les fruits du travail commun, la monnaie de
consommation remplit un peu le rôle d’une monnaie- matière
à usages polyvalents. Elle assure la sécurité des
familles, moralise les activités, met un terme aux ruineuses
concurrences, source de gaspillages, réduit la durée du
travail au bénéfice du loisir sans perte de revenu, donne
le feu vert à la qualité dans l’abondance. Otant à
l’argent son pouvoir dominateur, oppresseur, la monnaie de consommation
n’est- elle pas le Deus ex machina propre à se substituer aux
expédients, aux solutions bâtardes, au sein d’une crise
qui n’en finit pas.
(1) Loocking Backward (1888).