Bientôt l’échéance


par  G.-H. BRISSÉ
Mise en ligne : 31 mai 2008

Quelle époque ! Nos compatriotes viennent de montrer qu’en choisissant l’équipe au pouvoir actuellement ils se sont lourdement trompés, car moins d’un an après, aux élections municipales, ils viennent de se prononcer massivement pour l’opposition qui remporte ainsi une large majorité au sein des communes, des Conseils Généraux et Régionaux.

Mais on a beau dire que 1e Premier Magistrat de France, une fois élu, est le Président de tous les Français, dans la réalité il est demeuré le Président du principal parti de droite, l’UMP, qui est, lui-même, divisé en multiples courants d’opinion. Et à l’intérieur de cette formation politique, la confusion des genres est totale. Pour que la séparation des pouvoirs législatif et exécutif soit réelle, il faudrait d’abord que l’interdiction de cumul de mandats soit strictement imposée.

Alors, que peut cette opposition, à l’échelle nationale, pour faire barrage à l’équipe actuelle ? Elle pourrait se faire mieux entendre, sans abandonner ce soin aux manifestations de rues, et sans doute d’une manière moins cacophonique, à travers un contre-gouvernement institutionnalisé, structuré et audible, dont le statut devrait être élaboré, et qui réunirait des parlementaires - députés et sénateurs – des élus locaux et des représentants des collectivités territoriales. Ce serait sans doute la meilleure manière, et la plus rationnelle, d’être à l’écoute de la population et de faire barrage aux projets de lois les plus corrosifs, de faire pièce aux décisions les plus contestables de l’exécutif en place. Car, quels que puissent être son énergie, ses talents et ses compétences, ce n’est pas le rôle du Président de la République : il doit se réserver la mission de suprême arbitre, celui qui tranche en dernière instance. Faute de quoi il sera vite la cible de toutes les contestations.

Et pareil aboutissement ne pourra que nuire à l’autorité de l’État et à la stabilité des institutions.

 Un fatras de contradictions

Face aux redoutables défis actuels comment réagit le pouvoir ? — Par la confusion la plus totale ! Au lieu d’énoncer quelques orientations bien ciblées et compréhensibles par tous, il publie un catalogue de mesures, toutes plus obscures les unes que les autres.

Après avoir dispensé les faveurs, en deniers de l’État, en direction des plus privilégiés (qui n’en demandaient pas tant), le pouvoir prend des mesures qui lèsent en priorité la masse des plus modestes, mais il n’intervient pas pour empêcher la hausse des prix, favorisant ainsi les spéculateurs tout en pénalisant encore, et lourdement, les classes populaires.

Nos “responsables” s’efforcent de noyer le poisson en submergeant le bon public sous un flot de prétendues réformes auxquelles celui-ci ne comprend rien… si ce n’est que son niveau de vie baisse et que sa situation s’aggrave de jour en jour !

Ainsi les 176 mesures du “Grenelle de l’environnement” s’avèrent du grand cinéma. Seuls deux ou trois points en seront effectivement adoptés, au grand dam de Mme Kosciusko Morizet, qui a … tenté de dénoncer la politique du gouvernement à propos des redoutables cultures OGM. 

Quant aux 300 propositions de la commission présidée par Jacques Attali, tout en provoquant, entre autres, l’ire des chauffeurs de taxis, elles ne semblent pas résoudre la situation des candidats au permis de conduire, ni celle des conducteurs de véhicules sans permis, ni les embouteillages au centre des grandes cités, ni empêcher les excès de vitesses dus à des moteurs qui ne sont toujours pas “bridés”. La contradiction est flagrante entre la publicité qui est faite autour de l’automobile et les appels à utiliser des transports en commun, qui sont saturés, la privatisation de la gestion des autoroutes et l’augmentation des péages pour offrir au minimum 15 % de rentabilité aux actionnaires, etc.

On annonce 166 mesures destinées à réaliser 7 milliards d’euros d’économies, mais ce n’est qu’une misère par comparaison avec le gaspillage des deniers publics qui est estimé à quelque 70 milliards d’euros au cours des six dernières années !

 Faire face à la hausse mondiale des prix

À l’échelle de la planète le facteur dominant actuellement est la hausse des prix des matières premières, dont le pétrole et les produits agricoles de base. Elle se répercute évidemment sur les prix à la consommation. Il est donc urgent que les grandes organisations internationales telles que le FMI, la Banque Mondiale, le G7, la Banque Centrale Européenne, le PAM, etc. s’accordent pour faire barrage à ce phénomène qui est dù, essentiellement, à deux causes : la part de la production agricole réservée aux bio-carburants et la spéculation financière.

Il faut absolument qu’un pourcentage de la production agricole soit réservé à la consommation alimentaire.

Par ailleurs, il convient de créer une monnaie mondiale de référence pour remplacer le dollar. Et d’admettre enfin que tout être humain doit pouvoir bénéficier, a priori et indépendamment de ses autres revenus, d’un revenu social garanti. En France, les organisations de défense des consommateurs, les organisations caritatives, les associations qui militent pour le développement durable, pour le commerce équitable et l’économie solidaire, devraient déléguer des représentants à un Syndicat National d’Usagers et de Consommateurs, qui serait chargé de gérer ce revenu social garanti au niveau national et qui pourrait être élargi ensuite à un Syndicat Européen d’Usagers et de Consommateurs…

Au lieu de cela, la récente loi Chatel (du nom du secrétaire d’État au commerce), qui fait suite aux lois Galland et aux lois Royer, signera l’arrêt de mort des petits commerces ou services dits “de proximité”, mais sans pour autant assurer la baisse des prix. Elle tend à supprimer les marges arrière et à instaurer une concurrence accrue, comme si la libre concurrence devait avoir un impact durable sur les prix, alors qu’elle n’aboutit toujours qu’à des ententes et des fusions d’entreprises ! En outre, cette nouvelle loi, qui vise à accroître les implantations de grandes surfaces, va créer de nouvelles servitudes au niveau du consommateur en le contraignant à utiliser la voiture pour aller faire ses courses …

 Le temps des illusions

Il est de plus en plus clair que les prétendues « réformes » dont se vante le gouvernement ne profitent qu’à une minorité de privilégiés de la fortune et du pouvoir.

Cette tendance n’est pas nouvelle, mais elle prend désormais des proportions inquiétantes avec l’ultra-libéralisme clairement affiché et avec la mondialisation qui permet aux entreprises d’investir là où elles espèrent faire le meilleur profit, sans tenir compte des besoins réels des gens.

Je suis partisan d’une régulation financière plus forte, en accord avec Henri Gaino quand il dit que « le capitalisme des spéculateurs finira par tuer le capitalisme des entrepreneurs ». Mais ces propos de bon sens, rapportés le 1er avril 2008 par Le Monde, sont-ils de nature à rassurer sur les objectifs de ce pouvoir ? Rien n’indique que les puissances d’argent aient tiré les leçons de la crise actuelle ; la tendance est plutôt de s’en accommoder, en gommant d’un trait de plume les extrêmes les plus inacceptables ; les uns continuent à boursicoter, comme d’autres jouent au loto ou au tiercé, et à placer leurs profits dans les paradis fiscaux. L’écart se creuse ainsi de plus en plus entre les gros actionnaires qui exigent une rentabilité de plus de 15% et la masse des pauvres bougres. Ces derniers, jeunes en quête d’emploi, petits agriculteurs, artisans, retraités et modestes salariés qui triment tout la journée et passent une partie de leur vie dans des transports de plus en plus chers et inconfortables, sont tous pénalisés par le coût de la vie qui ne cesse d’augmenter, par des conditions de travail plus rudes, et ils en arrivent à désespérer, parfois jusqu’au suicide.

Face à cette évolution si néfaste, le pouvoir ne réagit, et dans la plus grande confusion, que par la multiplication de “réformes” qui, sous le prétexte de réaliser des économies, visent, en fait, à supprimer d’un trait de plume ce qui restait d’État et de services publics. Il favorise ainsi les puissances d’argent et la concurrence sauvage. C’est toujours plus de profit d’un côté et toujours plus de flexibilité et de précarité de l’autre. Tous les acquis sociaux, si âprement négociés à la Libération, sont systématiquement démolis.

L’activité humaine ne saurait se ramener à faire toujours plus de profit, au prix d’un combat sans merci. Elle doit au contraire consister à développer des solidarités qui, dans un contexte social et international pacifié, pourraient répondre aux besoins fondamentaux et aux aspirations de l’humanité.

C’est dans cet esprit que le combat doit continuer. On ne peut indéfiniment rechercher le pouvoir personnel, la puissance, l’enrichissement, bref, la jouissance absolue. Tôt ou tard, l’âge et la santé se rappellent à votre bon souvenir : cette loi universelle est plus forte que celles qu’on attribue au marché !


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