Changeons de vocabulaire !

Tribune libre
par  M.-L. DUBOIN
Publication : décembre 2000
Mise en ligne : 24 mars 2009

« Dans l’édito du N°1002 de M-L D qui semble s’adresser aux nouveaux abonnés, une précision s’impose quant à la définition exacte des mots que nous employons en “économie”, nous écrit Guy Oostenbroek, qui ajoute : « Si nous parlons économie distributive, si nous souhaitons voir s’instaurer ce modèle différent dans les rapports sociaux économiques, nous devons dès maintenant nous démarquer totalement de l’économie traditionnelle. Non seulement par nos thèses mais également par les termes que nous utilisons pour les expliciter. En ED nous n’investissons pas, nous ne finançons pas, et il est nécessaire que ceux qui veulent un changement en soient bien informés et parfaitement conscients. »

Pour nous aider dans notre choix de termes, notre ami a joint à sa lettre les définitions, ex-traites du dictionnaire, des mots capitalisme, charité, collectif, collectivisme, communisme, dirigisme, droit, équité, etc., jusquà solidarité.

Il poursuit « Il faudrait une bonne fois définir la monnaie de consommation et surtout la “valeur” de celle-ci. Jusqu’à présent, aucune monnaie n’a de valeur puisqu’à leur origine, leur constituant n’avait pas de mesure…monétaire », reprenant ainsi les explications qu’il a développées sous le titre “Périmée cette monnaie-là !” [1]. Il ajoute « à la fin de l’article [2] sur la monnaie distributive il est question “d’investissements nécessaires”. Si le verbe investir signifie “placer des capitaux afin de les faire fructifier”, on ne peut investir en ED puisque la monnaie ne peut pas rapporter. Même dans notre actuelle économie …il serait souhaitable de choisir un autre mot, approvisionner par exemple, quand il s’agit d’investir dans des choses non rentables, des crèches, etc. » Il conclut « La phraséologie de l’ED doit impérativement se singulariser. »

Réponse. Toujours cette même difficulté dans le choix des mots ! Même en s’appuyant sur les définitions du dictionnaire, il y a risque d’égarer le lecteur si les termes employés ne lui sont pas habituels !

Est-ce que remplacer investir par approvisionner, pour parler du fait qu’en économie distributive on pourra réserver non plus de l’argent, mais des biens, des matières premières, des machines et du travail en vue des productions futures, permettra d’être mieux compris ? On va essayer.

Démocratie économique ? Quel autre mot pour dire que les questions relatives à la production et la distribution les richesses ne doivent plus être tranchées arbitrairement ou en vertu de règles imposées par ceux qui en profitent, mais au contraire faire l’objet de décisions prises en commun après un débat où tous les aspects pourront être pris en compte en examinant tous les points de vue ?

Que cette démocratie économique soit directe ou représentative, la question est à débattre, et elle dépend de l’échelle du problème concerné. Mais quel autre mot employer pour dire que chacun doit pouvoir participer aux prises de décision ?

Il est certain qu’une vraie démocratie nécessite un long apprentissage…

Expliquer la monnaie de consommation n’est pas tant un problème de vocabulaire que la difficulté de faire passer une idée à laquelle le public n’est pas habitué, d’autant moins habitué que la notion de monnaie est entourée, dans notre subconscient collectif, d’un mythe qui remonte au fond des âges [3].

Disons simplement que la monnaie de consommation n’est qu’un pouvoir d’achat. C’est un symbole, qui permet, quel que soit le nom donné à son unité, de mesurer des quantités d’un bien ou d’un service qui passe de sa production à sa consommation. De même que la monnaie actuelle, cette monnaie n’a donc aucune valeur intrinsèque. Mais contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, avec une telle monnaie on ne pourra plus dire que « l’argent va à l’argent ».

Ce sont les biens et les services qui ont une valeur. En système capitaliste, la valeur d’un bien mis en vente, qu’on appelle son prix, est fixé de façon tout à fait arbitraire mais les économistes classiques prétendent le contraire en s’épuisant à les expliquer par de savantes théories élaborées sur des hypothèses… fausses, et à l’aide de soi disant “lois du marché” ! En ED, le prix (nombre d’unités de monnaie nécessaire pour acquérir un bien) est fixé au cours du débat sur les contrats engagés, donc au moment où la production de ce bien est décidée : il s’agit d’un prix qu’on peut qualifier de “politique” parce que débattu en prenant en compte tous les aspects de cette production et pas seulement sa rentabilité.

Les contrats de productions (ensemble de contrats civiques) des diverses entreprises d’une région permettent de savoir quelles quantités de marchandises seront offertes à la vente, par exemple au cours d’avril 2001, à quels prix, et quels moyens cette production aura nécessités. Ces moyens, produits au préalable, seront fournis aux entreprises sans que leurs prix donnent lieu à création monétaire distribuée (les productions d’investissement et d’exportation entrent dans d’autres comptabilités, séparées de celle du pouvoir d’achat). Par contre, le prix total des biens qui seront offerts en avril 2001 à la population de la région donnera lieu à la création monétaire distribuée sous forme de revenus individuels pour ce mois à l’ensemble des habitants de la région. Cette souplesse d’adaptation du pouvoir d’achat aux productions mises en chantier puis en vente fait de l’ED un processus dynamique, capable de s’autocorriger en permanence grâce à sa monnaie qui permet de gérer les transferts de biens et de services en excluant la capitalisation et la spéculation financière. Il reste que cette monnaie doit être créée, distribuée puis annulée au moment de la vente, toutes opérations monétaires qu’on aurait tort, comme le fait remarquer Guy Oostenbroek, de qualifier de financières si cela peut prêter à confusion.


[1dans la tribune libre deGR-ED N° 980, août-septembre 1998.

[2“les dés sont pipés”, GR-ED N°1002 août-septembre 2000.

[3voir ci-dessus, à ce sujet, de l’article de J-C Pichot p.6.


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