Chômage et emploi


par  A. PRIME
Publication : avril 1988
Mise en ligne : 16 juillet 2009

CHOMAGE : OU EN SOMMES-NOUS ?
Les 2.500.000 chômeurs "incompressibles", plus personne n’y croit. Seuls s’accrochent à ce chiffre nos gouvernants, élection présidentielle oblige. Ils triturent le moindre pourcentage -0,1, 0,2 qui les avantage, les variations saisonnières ; ils ordonnent de rayer de l’ANPE ceux qui, fussent-ils diplômés, refusent un travail de Tucard (peut-être doit-on dire "tuciste", c’est plus doux !) : voir à ce sujet la GR de Mars.
Le chiffre le plus couramment évoqué, c’est 3 millions de chômeurs, soit 12,5 % - et non 10,5 selon les statistiques officielles - de la population active estimée à 24 millions d’individus (ne pas oublier que, statistiquement, les chômeurs sont classés dans la population active). Les préretraités, souvent dès 55 ans, les stagiaires et les personnes en congé-conversion ne sont bien entendu pas pris en compte comme chômeurs ; non plus que ceux qui arrivent sur le marché du travail et n’ont pas encore eu d’emploi. D’où le trompe l’oeil.
En 1961, la France ne comptait que 141.000 chômeurs ; 15 ans plus tard, environ 350.000. Mais dès 1981, 1.700.000 et 3 millions en 1988. On mesure l’accélération de la courbe. On invoque l’augmentation de la population active, qui s’est accrue, par exemple de 1975 à 1982 de 1.350.000 personnes : c’est le résultat conjugué du baby-boom d’après guerre et de l’accroissement du nombre de femmes au travail. On oublie :
- que ces nouveaux travailleurs touchant un salaire font croître la consommation des ménages, et partant la production : ce n’est donc pas cela qui génère le chômage, au contraire.
-que l’allongement des études et l’abaissement de l’âge de la retraite réduit ipso facto le chiffre de la population active.

Oui, c’est bien la crise, c’est-à-dire l’incapacité du système capitaliste à maîtriser le couple production accrue par des machines de plus en plus performantes/adéquation du pouvoir d’achat distribué qui jette les salariés sur le pavé. Entre 1975 et 1982, 870.000 emplois industriels ont été détruits ; le fameux secteur tertiaire, surnommé par certains "secteur poubelle", qui devait tout absorber, n’en a créé dans le même temps que 200.000. Pour une démonstration radicale du phénomène, nous renvoyons le lecteur à la courbe de la page 20 de notre brochure "L’économie libérée". A la destruction des emplois industriels, il faut ajouter bien entendu la destruction des emplois agricoles.
Et ce n’est pas, hélàs, fini : l’INSEE prévoit la disparition chaque année de 90.000 emplois d’ici 1992 et confirme que la France connaîtra environ 3.500.000 chômeurs réels, les emplois dans les hautes technologies dont on nous avait promis monts et merveilles pour la création de postes, ne représentant au mieux alors que 5% de l’emploi total.

***

ÉTATS GÉNÉRAUX DU CHÔMAGE ET DE L’EMPLOI
J’ai tenu à assister à ces Etats Généraux, organisés à l’initiative du Mouvement National des Chômeurs et des Précaires, du Syndicat des Chômeurs et de Partage, à Paris, les 5 et 6 mars. Nombreux économistes, chercheurs au CNRS, sociologues, responsables syndicaux, et même un Ministre (Zeller) comme intervenants ; nombreux chômeurs dans la salle. On nous a annoncé 1500 participants à ces journées en roulement ils ont pu suivre quelques-uns des 5 forums et des 20 carrefours (quelques médias, dont FR3, ont évoqué cette manifestation). En ce qui nous concerne, la librairie ayant accepté d’exposer quelques livres et brochures, nous avons eu un succès particulier avec "les Affranchis de Tan 2000" et "I’Economie libérée" de M.L. Duboin.
N’ayant pas le don d’ubiquité, je n’ai pu suivre que 2 forums  : "Révolution technologique et emploi" "Comment vaincre le chômage ?" ; et 2 carrefours : "Crise du syndicalisme, société duale et chômage" "La montée des petits boulots ; vers une précarisation croissante des emplois et nouvelles formes d’exploitation".
Vous voyez que ce sont là des sujets au coeur de nos thèses. Comment résumer en quelques lignes l’esprit de ces journées et les arguments développés ?
- Tout d’abord, soulignons que les intervenants - 4 ou 5 par forum - devaient s’exprimer assez brièvement pour laisser une large place à la discussion. Ce qui fut fait.
- On ne peut passer sous silence des témoignages bouleversants sur la condition morale faite au chômeur. Une jeune femme évoqua le suicide de 2 de ses amis, une femme de 43 ans, un homme de 40 ans. M. Pagat confirma qu’au Syndicat des Chômeurs, ils avaient connaissance de nombreux cas de suicide, dont parle rarement la presse. Et que dire de toutes les dépressions nerveuses qu’entraîne la situation de chômeur !
- Cela explique en partie -toujours selon M. Pagat- que, politiquement, le Mouvement et le Syndicat des Chômeurs ne rencontrent qu’un écho limité, sans aucun rapport avec le nombre des chômeurs. Le chômeur a tendance à se replier sur luimême. Et surtout il a une obsession majeure : retrouver du travail.
D’autre part, les responsables gouvernementaux, les partis et même les syndicats ont tendance à vouloir ignorer les chômeurs, surtout depuis qu’ils sentent que le chômage est devenu un phénomène de société, qu’il est "incompressible". Bref, tout le monde se défile. Les syndicats sont surtout préoccupés de défendre ceux qui ont un "job".
- Il nous a semblé - corollairement à cette situation -que le Mouvement créé par Pagat a tendance à glisser dans le Caritatif ; il est largement soutenu du reste par des catholiques. Un syndicat des Chômeurs politiquement actif,. agressif, reste à créer. Mais est-ce possible ?

Toujours est-il qu’il existe de très nombreuses maisons de chômeurs en France, qui agissent dans un esprit d’aide morale ou matérielle, servent de conseil juridique ; si des amis distributistes veulent en contacter, ils peuvent écrire pour se renseigner à "Partage", 54, rue des Entrepôts, 93400 Saint-Ouen, et s’ils le souhaitent, s’abonner au journal mensuel "Partage" (90 F).
Nous terminerons sur les questions de fond qui ont été débattues et les propositions qui ont été faites. On peut les résumer ainsi :
1. Revenu social garanti. On évite à juste titre de parler de minimum social garanti, laissant ainsi la porte ouverte à des sommes allant de 2.000 F à 2/3 du SMIC. Cette idée est donc bien dans l’air et c’est probablement ainsi que les futurs gouvernements - de droite ou de gauche - règleront les risques d’explosion sociale.
2. Journée de 35 heures. Idée couplée avec le travail à mi-temps. Ce qui se passe, en Allemagne capitaliste confirme que ce n’est plus, à moyen terme au moins, une vue de l’esprit.
3. Développement de la "nébuleuse" tertiaire. Là, des idées nombreuses, souvent contradictoires, voire confuses. La création d’emplois "conviviaux" ; de petits boulots, souvent mal rémunérés, constituent des "gisements d’emplois" importants. Ça rejoint la théorie actuelle des socialistes.

Aucun orateur n’a évoqué sérieusement la rupture indispensable avec le capitalisme pour "en sortir"  : de nombreux congressistes par contre ont posé, et souvent avec virulence, la question. J’ai moi-même interrogé un intervenant "Pensez-vous que le problème du chômage puisse être résolu dans le cadre d’un régime de marché ?" Réponse de l’orateur, Professeur d’Économie, très brillant dans l’analyse de la situation actuelle : "C’est un faux problème. La question ne se pose pas ainsi, c’est plus complexe que cela. Compte tenu de la mondialisation de l’Economie, on ne peut pas... etc... etc..." Bref, l’antenne habituelle : nous sommes des utopistes.
Il a été beaucoup débattu de la redistribution des gains de productivité, seule façon d’alimenter les créations d’emplois dans le tertiaire et de répondre aux impératifs de solidarité dans la société d’aujourd’hui et de demain. Pour la même raison, les prélèvements obligatoires ne peuvent diminuer. Sur ce point, les faits confit confirment ce que, nous aussi, nous avons toujours soutenu : en 1987 sous la droite qui devait diminue impôts et taxes, il s’avère que les P.O ont continué à croître de 0,3 pou atteindre 44,7 %.


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