De la propriété


par  R. ROCHE
Publication : décembre 1978
Mise en ligne : 9 septembre 2008

DU communisme, et même du socialisme, émane une peur, ancrée dans la conscience populaire : celle de perdre sa propriété. L’homme au couteau sanglant entre les dents délogerait férocement les gens paisibles, les expulserait de leur habitation, de leur petite entreprise et les jetterait à la rue. Ces gens seraient alors assujettis à travailler sans contre-partie sous le joug d’une collectivité aveugle et sans aveu. Dans un tel paysage il fallait être le dernier des parias pour adhérer au parti communiste, mais Dieu sait combien ces parias étaient innombrables en 1920.
En cette année 1920, mon oncle, ouvrier parisien, acquérait un petit terrain particulièrement bon marché de 250 m2, lequel faisait partie d’un morcellement non viabilisé situé dans la grande banlieue. Ç’avait donc été au vu d’une annonce parue dans « L’Humanité » qu’il effectuait cet achat et il y mettait toutes ses économies et tout son coeur. Les acheteurs des cinquante lots du lotissement étaient tous communistes.
Quelques années plus tard, la plupart des heureux bénéficiaires avaient construit leur petite bicoque en bois ou en dur à la sueur de leur front et en se saignant aux quatre veines, et habitaient là. Ils étaient devenus « des propriétaires  » avec le jardinet soigneusement cultivé... les fleurs... idéal énorme à l’époque pour de petits salariés parisiens.
Tous, doucement, du rouge passèrent au rose... et d’aucuns virèrent au jaune bon teint.
Giscard d’Estaing le sait quand il pousse le peuple vers l’accession à la propriété en 25 années de dettes. Il veut voir de moins en moins de locataires et de plus en plus de propriétaires de petit pavillon ou d’appartement : honnête moyen de faire baisser le nombre d’électeurs orientant leur scrutin du côté gauche. De Gaulle poursuivait une vue parallèle lorsqu’il préconisa la « participation » : les minuscules et dérisoires porteurs d’actions de l’entreprise, comme les gros actionnaires, votent à droite. Telles sont les vertus de la propriété.
La propriété est la chose la plus naturelle qui soit. Elle est inscrite dans la Nature. On la décèle en observant les comportements de la plupart des espèces animales. Des oiseaux défendent leur nid, leur arbre, leur espace d’action et n’empiètent guère sur ceux des voisins. L’aigle se sent le maître de son aire. Les lapins possèdent leur propre terrier et la plupart des mammifères assurent leur domaine vital.
Si l’homme se complaît à participer à des activités de groupe, un moment vient toujours où le besoin se fait sentir de retrouver son chez-soi, sa famille, l’intimité et la sécurité du home et, si la possibilité s’en présente, de pouvoir se réfugier dans son coin personnel de solitude. Même en vie collective monastique chacun possède sa cellule où il peut dormir et penser seul.
La nécessité impérieuse des choses bien à soi est immanente, légitime et intouchable.
D’évidence, cela continuera d’être aussi vrai quand l’homme aura surmonté le capitalisme et accédé à une société distributive et lisse lui permettant enfin de réaliser pleinement sa vie. Il aura, pour ce faire, abandonné les fausses valeurs, les fausses préciosités, la finance, lesquelles permettaient aux gros propriétaires de spéculer et d’amasser toujours davantage au détriment du plus grand nombre.
Le régime distributif rendu nécessaire par l’abondance ne supprime pas la propriété. Au contraire, il la généralise. Et cela il faut le dire fortement, le faire savoir à la ronde. Il se pourrait en effet que des esprits naturellement portés à admettre le bien-fondé de cette voie se trouvent arrêtés dans leur élan par une crainte innée, confuse, irraisonnée de se voir dépossédé par la société de l’abondance. Cela n’est pas. D’ailleurs Jacques Duboin a écrit  : « Ainsi chacun devrait posséder une demeure spacieuse, élégante, confortable, où il soit possible de s’isoler pour lire, étudier, ou simplement réfléchir ». (« Rareté et Abondance », page 260).
C’est certain : le droit imprescriptible à la propriété individuelle sera inscrit en toutes lettres dans la Constitution de l’Economie Distributive. La propriété sera même héréditaire et l’Etat en garantira les modalités d’application.


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