En Catalogne aussi


par  J. CASALS
Publication : décembre 1990
Mise en ligne : 17 décembre 2008

Conscients, comme nous, du rôle fondamental que joue la monnaie dans les divers systèmes économiques et de la nécessité d’en changer la nature si l’on veut changer la société, un groupe de Catalans vient de créer l’association "Eco Concern". Dans le but de confronter nos propositions et de chercher les moyens de combattre de concert, l’un d’eux, Joan Casais, nous envole l’analyse qu’Il a faite de la brochure de M-L Duboin, "L’économie libérée"

La lecture de ce petit livre est très stimulante. En plus, son analyse du système capitaliste autour de la monnaiemythe, ainsi que son idée du but de l’économie autour des besoins, sont tout à fait convergentes avec les nôtres.

Quant au système alternatif proposé, l’économie distributive, il nous offre une occasion d’essayer le commentaire critique d’un modèle théorique dans lequel le changement monétaire joue un rôle décisif.

BUTS DE L’ÉCONOMIE

Oui, il faut insister sur le but principal de tout système économique : la satisfaction des besoins de tous, besoins dans un sens large (épanouissement, santé, formation, culture, qualité de vie...) et toujours en progression. Car leur développement équilibré est une condition nécessaire au déroulement des libertés et solidarités concrètes.

ROBLEMES PRIORITAIRES

Nous sommes d’accord : le problème de notre temps n’est plus de produire, mais de distribuer la production. Nous sommes également d’accord sur la "redistribution" qui est une caricature et on doit en effet s’attaquer à l’origine du manque de pouvoir d’achat des consommateurs. En plus, la sousconsommation provoque un ralentissement de l’économie et un freinage de la production. Ce qui devient stupide à une époque où les capacités productives sont énormes (même avec peu d’intervention de maind’oeuvre) à côté de grands besoins non satisfaits.

Mais à ce point, nous nous demandons s’il serait préférable qu’on fabrique du pouvoir d’achat (pour tous ceux que les robots ont exclus de la production) ou bien qu’on cherche à balayer les principaux parasites existant dans la distribution, lesquels ramassent la plus grande partie des revenus de la production... sans y avoir contribué vraiment.

Car ces grands revenus parasitaires (intérêts sur crédits à la consommation et à l’investissement, spéculation sur les devises étrangères, plus-values sur actifs financiers et sur terrains...) non seulement diminuent le pouvoir d’achat de la population productive mais, surtout, ils s’égarent et entretiennent sous forme de grands lacs de pouvoir d’achat et à l’exception d’une petite consommation somptuaire, ils ne demandent rien à la production.

Par contre, leur grand pouvoir d’achat reste enfermé sur lui-même (spéculation financière et immobilière...) et son montant augmente sans arrêt moyennant des mécanismes où la monnaie joue un rôle décisif. On dirait que la société capitaliste est organisée pour fournir au capital-argent les clients (débiteurs) dont il a besoin pour leur appliquer des intérêts (presque équivalents à un impôt privé).

En admettant l’hypothèse de pouvoir supprimer ces parasites, les revenus de la production seraient capables d’absorber ce qui a été produit. L’économie ne serait plus freinée et le chômage ne serait plus aussi gênant car les besoins seraient loin d’être satisfaits et la nouvelle production ne serait pas obligatoirement aussi destructive de ressources naturelles.

Nous pensons que l’économie communiste a échoué à l’Est, notamment par manque de motivation des agents productifs : les revenus n’étaient pas en fonction ni du mérite, ni de l’effort productif. L’économie capitaliste de l’Ouest peut aussi échouer à cause des revenus parasitaires également sans relation avec le mérite et l’effort productif et qui, croissant sans cesse, arriveront à fatiguer les agents qui restent productifs, et de qui on exige de plus en plus de gains de productivité... Ces agents se rendront compte que, sous le prétexte de surprenantes lois du marché, ils sont trompés depuis longtemps.

Bien que, pour l’instant, le problème du capitalisme soit la distribution, il a quand même une grande influence sur la production. C’est pour ceci que la mauvaise distribution, même si elle n’a pas été capable de faire bouger grand’chose dans le système (sauf dans sa périphérie du tiers monde), peut conduire à un ralentissement excessif de la production. Ce qui serait mortel pour le système.

Jusqu’à présent, le progrès des technologies a assuré la croissance, mais on est arrivé à un point délicat avec risque de plafonnement dans la satisfaction des besoins de base. D’où l’intérêt actuel du système de se présenter comme le seul possible.

RAPPORTS DISTRIBUTION/PRODUCTION

Nous sommes d’accord sur la nécessité de dissocier davantage les revenus du temps de travail et de les relier à la production. Mais on peut y parvenir, soit en supprimant le salaire (et distribuer à chacun en fonction de ses besoins), soit en conservant le salaire (et distribuer, en supplément à tous, les revenus du capital). C’est-à-dire distribuer tout l’équivalent monétaire de la production entre tous, d’une façon plus équilibrée au lieu de réserver les revenus du capital pour une faible minorité peu productive (économie capitaliste) ou ne rien distribuer à titre de producteur et tout à titre de consommateur (économie distributive).

Nous croyons que, parmi les trois options, le système le plus motivant, participatif et décentralisé, serait le premier, c’est-à-dire celui qui pourrait mieux assurer l’obtention du surplus nécessaire au développement. Car l’accroissement de la production, même dans un système centralisé, n’est pas indépendant des perspectives d’accès à la distribution par ceux qui la produisent.

Par contre, dans les systèmes où la distribution de la production a été séparée de l’effort créateur du producteur, celui-ci est contraint à renoncer à la propriété de sa création. Et on a vu que, à partir d’un certain taux d’expropriation, cette renonciation devient démotivante chez le citoyen moyen et très difficile à compenser avec d’autres motivations.

En revenant au système préconisé, tout se passe comme si la collectivité agissait comme une famille où tous contribuent et participent à la propriété du patrimoine, c’est-à-dire du capital productif. Dans ce cas, tout le monde doit devenir héritier des ancêtres et, au fur et à mesure que le capital-outil croît, intervient davantage dans la production, les revenus du capital deviennent plus conséquents pour les héritiers. A côté des revenus du capital venant du travail passé, rien n’empêche qu’un héritier reçoive un salaire pour son travail actuel.

LES HÉRITAGES

Nous sommes bien d’accord  : on devrait donner à tous les humains accès à l’héritage légué par les générations passées. Mais nos mécanismes actuels d’héritée ont un effet dynamique cumulatif qui va en sens contraire.

II faut observer que le mode d’héritage est capable de changer le modèle de société en quelques générations. Le seul mécanisme qui lui ressemble est celui de l’intérêt composé. Les deux mériteraient probablement plus d’attention que celle qui leur a été consacrée. Rappelons qu’un taux annuel de 10 % multiplie par 17 le montant initial après une génération, soit 30 ans.

II est évident qu’on pourrait diminuer les taux cumulatifs de ces mécanismes. Par exemple, dans le cas particulier de la ligne directe, l’héritage serait réservé à titre d’emprunt et partagé ainsi, lentement, avec la collectivité.

D’un côté, tous les revenus du capital (rentes et bénéfices) au lieu d’être taxés davantage, devraient être investis en partie sous forme de "renteépargne" obligatoire. Rappelons que l’investissement en équipement productif est une source d’emploi et, en conséquence, une première voie d’accès à l’héritage social.

La même contrainte pourrait être imposée aux revenus du salaire à condition d’inciter dans les conventions collectives à ce que les employeurs distribuent aux salariés une partie du bénéfice des entreprises comme supplément "salaireépargne" sous une forme, par exemple, d’un équivalent aux participations des fonds d’investissement. Il est important de signaler que ce transfert de "revenusépargne" pris des actionnaires et donnés aux travailleurs ne diminue pas le financement de l’ensemble des entreprises. Par contre les disponibilités de financement à long terme devront augmenter grâce aux "rentes-épargne". Mais pour les salariés, c’est une deuxième voie d’accès à l’héritage social.

Quant aux rentes (de l’argent, de la terre, de l’énergie, etc...) nous proposons qu’on aille beaucoup plus loin. II s’agit en général de revenus dont le rapport production/gain est le plus faible, car leur source provient des plus-values favorisées par des situations de rareté ou de concurrence très imparfaite. Leur maîtrise demanderait donc de vraies mesures structurelles de protection du consommateur. Faute de quoi, on laisserait intacte la plus large voie d’accumulation parasitaire qui, pour la plupart des humains, constitue un barrage à l’accès à une grande partie de leur héritage.

LA MONNAIE ET LA FINANCE

Oui, la fonction essentielle de la monnaie est bien celle de différer et multiplier les trocs. Mais, par contre, la fonction qu’on lui a attribuée d’être thésaurisable au-delà des nécessités du délai production / achat, a été l’origine des pires conséquences.

Car, sous ce prétexte, on a décidé que l’épargne nécessaire pour investir en nouvelles activités serait doublement thésaurisé. Les actifs rentiers : argent, devises, titres, dettes, terre, etc... sont de plus en plus entretenus, conservés et accumulés, en raison de forts intérêts et plus-values au lieu d’être employés à l’achat de la production pour consommer ou pour investir.

La monnaie ne devrait pas être thésaurisable et la spéculation ne devrait plus régner en maître sur l’économie mondiale... II vaut mieux actuellement manipuler l’argent que produire des biens  !

Mais à ce point, nous nous demandons s’il est préférable d’annuler l’argent au moment d’acheter ou bien de le transformer au moment d’épargner. C’està-dire que l’argent ne serait plus une rente parasitaire ; la seule source de revenu pour l’épargne serait l’investissement pour la production.

Dans cette dernière hypothèse, il faudrait disposer d’un nouvel instrument monétaire spécifique pour canaliser l’épargne vers sa destination. Signalons que ce même instrument serait valable pour distribuer les "revenusépargne" dont nous avons parlé cidessus.

LES CHOIX POLITIQUES

L’économie n’est pas une discipline indépendante des autres. Elle est très liée à la sociologie, l’écologie, la politique... Le choix d’un système économique est donc une question très complexe. Chacun a ses propres préférences et restrictions... La recherche de la perfection à tout prix pourrait amener à des coûts prohibitifs et à trop d’intervention collective sur la spontanéité individuelle, et ainsi déclencher des effets secondaires néfastes.

Nous estimons donc que l’introduction d’un modèle théorique, alternatif du capitalisme réel, pourrait suivre une méthode échelonnée d’essai-erreurcorrection. Ce qui ne comporterait aucun risque car les politiciens de nos jours, bien qu’ils aient un modèleguide, emploient constamment la même méthode, mais par simple tatonnement... et personne ne se scandalise.


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