Frédéric BASTIAT

LES THÈSES ÉCONOMIQUES
par  J. DUBOIN
Publication : mars 1985
Mise en ligne : 3 mars 2009

Poursuivant la reproduction d’extraits du livre « Libération », publié en 1967 par Jacques DUBOIN, nous consacrons une page, avant d’aborder Karl MARX,à un économiste peu connu :

On ne parlerait pas de Frédéric Bastiat (1801-1850) si l’on devait en croire certains économistes contemporains qui lui dénient toute science économique, pour ne voir en lui qu’un brillant polémiste. Il mérite mieux que ce jugement sommaire puisqu’il avait été nourri aux saines doctrines, comme les qualifient les économistes libéraux. Bastiat n’est pas un de ces défaitistes qui refusent de s’incliner devant les lois naturelles en s’imaginant que les hommes ont le pouvoir de substituer la raison au libre jeu de leur intérêt personnel. Il va réagir contre Ricardo rendu responsable du mauvais temps sous prétexte qu’il l’avait annoncé. Bastiat va expliquer comment, en servant chacun de notre intérêt personnel, nous sommes obligés de servir l’intérêt général puisque l’ordre naturel l’exige. Or voilà précisément qu’au moment où il écrit, on discute les libertés politiques (1830-1848). Bastiat va leur adjoindre la liberté économique en montrant qu’elle était aussi nécessaire que les autres. Ne serait-il donc qu’un brillant avocat plaidant avec beaucoup d’esprit que ces fameuses lois sont harmonieuses, et qu’elles tendent, dans tous les sens, au perfectionnement de l’humanité  ? Il est mieux que cela, car lui aussi va relever les contradictions qui surgissent dans le régime, et signaler les fausses notes qui se font entendre dans cette magnifique symphonie. Optimiste malgré tout, il croit que tout s’arrangera dès que la liberté sera mieux comprise. Il ne pouvait pas prévoir que -les progrès de la technique et l’utilisation de trésors d’énergies extra-humaine provoqueraient rapidement de tels désordres que les intérêts personnels, au lieu de se fondre harmonieusement, et dès leur apparition, comme dans le Boléro de Ravel, allaient se heurter frénétiquement dans une intolérable et monstrueuse cacophonie.
Partisan résolu du libre- échange, il est hostile à la rareté dont on fait bénéficier certains privilégiés. Il se déclare adversaire de la garantie d’un revenu minimum qu’on veut assurer à certains capitalistes car il fait remarquer qu’on refuse le salaire minimum à l’ouvrier. Bastiat va donc combattre toutes les mesures qui relèvent de la politique de la disette et dont le but est de relever les profits. Il va opposer constamment l’intérêt particulier à l’intérêt général en donnant toujours à ce dernier la suprématie. L’intérêt général, constate Bastiat, est forcément du côté du consommateur. Celui-ci a intérêt à ce que règne l’abondance, traduirons-nous aujourd’hui. Aussi Bastiat doit-il nous apparaître comme un admirable précurseur lorsqu’il dit qu’il faut traiter l’économie politique au point de vue du consommateur. C’est lui, le premier, qui a entrevu que l’heure allait sonner où la production ne devrait plus être l’unique souci des économistes de la rareté.
Avec quel art incomparable, fait judicieusement remarquer M. le professeur Henry Hornbostel (1), Bastiat va-t-il expliquer comment les producteurs se font les défenseurs de la disette ! Chacun va s’efforcer de raréfier le produit ou le service qui fait l’objet de sa profession. Bastiat démontre que si un cordonnier, par exemple, pouvait, par un acte de sa volonté, faire évaporer tous les souliers du monde, exceptés ceux de sa boutique, il deviendrait un Crésus  ; son sort s’améliorerait, non point avec le sort général de l’humanité, mais en raison inverse de la destinée universelle. Chacun voudra donc s’adresser au législateur pour lui demander de créer, artificielle
ment, par tous les moyens en son pouvoir, la rareté des choses qu’il produit.
L’agriculteur demandera la rareté du blé ; l’éleveur la rareté du bétail ; le maître de forges la rareté du fer ; le betteravier la rareté du sucre ; le tisseur la rareté du drap, etc.
Et Bastiat ajoute : Chacun donne les mêmes raisons, ce qui finit par faire un corps de doctrines qu’on peut bien appeler la théorie de la disette ; et la force publique emploie le fer et le feu au triomphe de cette théorie.
Si Bastiat vivait de nos jours, il pourrait allonger presque indéfiniment ce chapitre, pour peu qu’il voulût bien faire un voyage dans tous les pays supérieurement équipés. La lutte contre l’abondance a déjà atteint des proportions que connaît notre lecteur mais que Bastiat n’a jamais pu soupçonner. Mais combien d’économistes, aujourd’hui, se réclamant des doctrines de Bastiat, osent s’élever contre ces destructions de richesses  ? Ne se rappellent-ils même plus ce qu’écrivait Bastiat du tremblement de terre qui, en brisant toutes les vitres d’une ville, comblait d’aise les vitriers ? Bastiat appelait cela la consommation inutile. Or, de nos jours, celle-ci ne va pas tarder .à être aussi coûteuse que la consommation utile, ce qui permet d’affirmer que le triomphe de l’abondance n’est plus bien lointain.
Alors va apparaître une doctrine nouvelle qui, en 1848, sous la forme du Manifeste du Parti Communiste, n’attira pas spécialement l’attention ; mais elle devait avoir, par la suite, un retentissement considérable. C’est le socialisme scientifique de Karl Marx.

(1) Grande Relève des Hommes par la Science, n° 10.


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