Il n’est pas de progrès sans lutte !


par  C. AUBIN
Publication : juin 2011
Mise en ligne : 14 octobre 2011

Christian Aubin déçu de voir que tant de revendications ont échoué, invite les citoyens à ne pas renoncer, mais à prendre des initiatives pour établir d’autres rapports sociaux et à repenser le travail sur une autre base que celle du profit.

Nous vivons dans un monde où les pires utilisations du progrès des connaissances sont les plus probables, dans un monde de domination, de mépris des peuples qui, pour l’essentiel, sont tenus dans l’ignorance des périls réels qui les menacent, mais accablés par des culpabilités et des périls imaginaires que les religions se sont ingénié à propager au sein de leurs cultures.

Inhumanité et injustice ne seraient que des maux nécessaires au triomphe d’un capitalisme vertueux, susceptible de tirer le maximum de profit de l’exploitation de la grande masse des hommes, par une poignée d’entre eux ? Le système porte en triomphe les vainqueurs des luttes fratricides pour le pouvoir, l’argent, les honneurs. Il exalte comme autant de valeurs suprêmes ces sordides motivations.

Les médiats divertissent, en désinformant, ils manipulent et “formatent” à la pensée unique. Le pouvoir, tout à son aise, en profite pour prendre à rebours la démocratie et la justice.

Les dominants d’aujourd’hui consacrent l’essentiel de leurs efforts à s’assurer de complicités ! Ils mobilisent des ressources considérables pour tromper la conscience des exploités, obtenir qu’ils se résignent à leur sort, demeurent sous la férule. Ils entretiennent à cette fin tous les ressorts de la collaboration de classe, maillon essentiel de leur domination, sans lequel l’effondrement du système serait probablement inéluctable. C’est ainsi qu’ont été développés, au sein des institutions de l’Union Européenne (UE), des systèmes d’organisation qui leur permettent de faire fructifier cette collaboration et de nourrir le consensus ultra-libéral communautaire.

C’est notamment le rôle dévolu à la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Fondée en 1973, la CES est restée fidèle à la vocation des structures syndicales qui lui ont donné naissance, structures initiées et soutenues en leurs temps par la CIA et le Vatican, pour contrer la Fédération Syndicale Mondiale créée en 1945, d’essence revendicative et révolutionnaire.

Par le regroupement, au sein de la CES, des principales grandes centrales syndicales européennes, le mouvement syndical des pays de l’UE a entériné le renoncement de ses structures dirigeantes à la lutte pour des changements de société. Ce ralliement est maintenant presque total : CFDT, CFTC, CGT, FO et UNSA sont concernés, l’adhésion de la FSU est en cours. Avec 83 organisations syndicales de 36 pays et 12 fédérations sectorielles, c’est la représentation d’environ 60 millions d’adhérents (12% de la population de l’UE) qui donne son poids à la CSE.

On pourrait penser qu’avec une structure syndicale de cette taille, le monde du travail dispose d’un outil exceptionnel pour faire prévaloir ses revendications pour plus de justice sociale ! Il n’en est malheureusement rien. Car, loin de constituer un contre-pouvoir aux traités antidémocratiques européens, la CSE a pour mandat « d’agir dans le cadre du processus d’intégration européenne ». On peut ainsi lire sur son site [1] qu’elle « participe à l’élaboration des politiques économiques et sociales au plus haut niveau, en collaboration avec tous les organes de l’UE : Présidence de l’UE, Conseil de l’UE, Commission européenne et Parlement européen ». Elle est reconnue à ce titre, par ces institutions, en tant « qu’unique organisation syndicale interprofessionnelle représentative au niveau européen », et déclare parler « d’une seule voix au nom des intérêts communs des travailleurs au niveau européen ». Les tenants du consensus ultralibéral de l’UE sont ainsi en mesure, au travers de cette énorme structure syndicale, d’exercer un contrôle non négligeable sur le mouvement social.

C’est ainsi que le renoncement à la lutte revendicative est entré dans les faits. Il suffit pour s’en convaincre de consulter le site Internet de la CES [2]. : on y lira par exemple, en date du 13 avril 2011, un article intitulé : La CES salue les initiatives de la Commission concernant l’Europe sociale… ! Pour la CES, les travailleurs n’ont pas à se poser de question, et seulement à faire confiance à leurs syndicats pour organiser un “loobying” efficace auprès de la Commission européenne … et laisser ainsi les rênes à la finance. On voit l’impact de cette situation dans le contexte actuel de la politique d’hyper-austérité imposée par les stratèges de l’UE !

Ces pratiques nouvelles, de “loobying syndical”, qui institutionnalisent la collaboration de classe, sont en contradiction avec nos traditions, et expliquent pourquoi nos directions syndicales (même si elles s’en défendent) répugnent à engager, pour faire face au mépris du pouvoir, les actions déterminées et convergentes qui leur sont réclamées. On comprend mieux alors pourquoi les grèves et les manifestations nationales sont désormais vouées à l’échec. Qu’elles soient massivement suivies, qu’elles portent sur des questions aussi essentielles que la défense de la sécurité sociale ou de la retraite par répartition à 60 ans, le résultat désormais est établi à l’avance : on en restera là… Tout se passe donc comme s’il s’agissait d’éviter qu’une dynamique prenne corps et inquiète les gouvernements ! La voie est ainsi libre, la politique sarkozyste peut s’étendre, l’ultralibéralisme peut déferler.

Mais les citoyens devraient s’inquiéter de voir les forces qui constituaient leur recours devant l’arbitraire se discréditer en renonçant à lutter. Et au-delà du désespoir qu’ils ressentent devant ce constat, il leur faut comprendre la contradiction destructrice dans laquelle les institutions et les traités de l’UE ont plongé notre société : le processus d’intégration supranationale impliquant le renoncement à l’indépendance et à la souveraineté, les acquis majeurs du Conseil National de la Résistance sont devenus la proie du marché, de ses lois et de son dogme du profit sans entrave. Sur ce chantier de démolition, c’est le dispositif social tout entier, qui fondait le vivre ensemble des Français, qui est en passe d’être livré à l’avidité du privé : emploi, santé, sécurité sociale, éducation nationale, logement, retraite, formation professionnelle…, toutes les missions du service public sont progressivement détournées de leur vocation pour “faire de l’argent”, enrichir des actionnaires. Sur la dépouille des Trente glorieuses, des profits faramineux se préparent !

Il n’est pas de progrès sans lutte, il revient donc aux citoyens de retrousser leurs manches pour inverser le cours des évènements. Il leur faut se ressaisir, inventer des modalités démocratiques de proximité, rompre radicalement avec les illusions et les tromperies de la délégation de pouvoir envers ceux qui collaborent avec un tel système. Il faut qu’ils trouvent d’autres rapports sociaux, fondés sur la coopération et la solidarité, qu’ils repensent le travail sur la base non plus du marché et du profit mais de l’utilité et de la nécessité. Il leur faut étudier et débattre des propositions alternatives, comme cette économie distributive que nous soumettons à la réflexion de nos lecteurs.



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