L’express s’inquiète


par  R. MARLIN
Publication : octobre 1987
Mise en ligne : 1er avril 2008

L’EXPRESS vient de publier un dossier intitulé  : "Le krach de1929 peut-il se reproduire ?"avec cette manchette  : "Les économistes en parlent, les financiers le redoutent... Jamais depuis le célèbre "jeudi noir" de Wall Street, le spectre de la crise n’a été si présent. Non sans quelques raisons".
Ces raisons sont surtout la fabuleuse dette américaine et la surcôtation de la bourse de Tokyo. "Au total, l’endettement extérieur net cumulé des Etats-Unis dépasse, au 30 juin, 460 milliards" (de dollars bien entendu). Cette situation est dangereuse, estiment les experts, surtout en raison de l’insuffisance de l’épargne intérieure. "Entreprises, certes, mais aussi fermiers du Middle West, employés de bureau new-yorkais et ouvriers de l’automobile de Détroit consomment et investissent plus que de raison". En mars 1987, Washington et, à sa suite, le monde capitaliste tout entier sont passés au bord de la catastrophe.
Les Japonais n’ont pas souscrit, comme ils le faisaient jusque là, à la moitié des 15 milliards de dollars mensuels en bons du Trésor que les américains émettent pour faire face à leur dette. Ils ne l’ont fait qu’après l’augmentation des taux à long terme, de 8,25 % à 9,75 %, décidée par la Réserve fédérale en mai. Le sommet de Venise du 8 au 10 juin et la réunion des gouverneurs des banques centrales des 15 et 16 juin ont mis fin à la spéculation contre le dollar, mais la confiance dans le billet vert n’est pas rétablie pour autant.

Au moment où sort son nouveau livre "Economics in perspective", John Kenneth Galbraith a déclaré à l’envoyé du magazine : "...Ce dont a besoin le monde, c’est d’une économie américaine intelligemment dirigée. Or, je ne vous surprendrai pas en affirmant que l’incompétence de ceux qui sont au pouvoir à Washington, depuis quelques années, est une évidence...". De son côté, lwao Nakatani, professeur d’économie à l’université d’Osaka affirme  : "...A moins que les Etats-Unis ne changent fondamentalement de politique, je crains qu’une crise, sous une forme ou sous une autre soit inévitable...". Or Stephen Marris, ancien économiste en chef de l’O.C.D.E. pense que le président refusera, comme impopulaire avant la prochaine élection présidentielle, une augmentation des impôts pourtant inévitable. Mais citons S. Marris : "Les financiers et les politiques ont beaucoup appris depuis soixante ans. Cela ne veut pas dire qu’une crise majeure, dans le sens moderne du terme, soit exclue. Bien au contraire. Je reste persuadé que d’ici à un an une récession - je préfère ce terme à celui de crise - se fera sentir à partir des centres occidentaux d’activité économique. Le "miracle reaganien" qui n’a jamais existé, a été bâti sur un flot inhabituel d’investissements étrangers, attirés par un dollar surévalué. La baisse de la monnaie américaine fera - et fait déjà - tarir cette source... ". Enfin deux courbes représentant l’indice Dow Jones de la bourse américaine entre 1912 et 1929, d’une part et entre 1970 et 1987 d’autre part, présentent une similitude extrêmement inquiétante... Quant aux actions nipponnes, elles ont la réputation "d’être surcotées". Le rapport entre leur capitalisation totale (*) et l’ensemble des bénéfices des entreprises est supérieur à 50 (15 ou 16 actuellement à New-York, 20 lors de la crise de 1929)... "On n’ose imaginer l’étendue du désastre si le marché japonais, brusquement pris de vertige, se décidait à s’aligner sur les normes d’appréciation en vigueur à Wall Street..." écrit le journaliste.
Dans un article final qui se veut rassurant, Jean-Claude Casanova estime que tout dépendra du prochain président qui sera élu en 1988. Il conclut ainsi : "Comment (le nouveau président) réduira-t-il le déficit public ? Sacrifiera-t-il les dépenses d’armement - ce à quoi l’entraîneraient les pesanteurs démocratiques et le charme de M. Gorbatchev ? Comment réagira-t-il à l’inflation et à la récession qui menacent l’une et l’autre ?
Si les Américains, comme il est vraisemblable, choisissent de désarmer (pour réduire le déficit) et de freiner l’économie (par la hausse des taux d’intérêt et la diminution des. dépenses fédérales), il appartiendra alors aux Européens, pour maintenir l’équilibre économique et celui de la sécurité de favoriser l’expansion et d’accroitre leurs armements, ce qui n’est ni incompatible, ni impossible... ".
Certes, ce n’est ni l’un ni l’autre, ajouterons-nous, puisque le système capitaliste ne connaît pas d’autre moyen pour se survivre que les fabrications d’armement.
Mais sera-t-il toujours possible de justifier le surarmement aux EtatsUnis ou en Europe ? Pourronsnous répondre éternellement aux propositions de désarmement de cette manière ? L’expansion ne pourrait-elle être consacrée à des oeuvres de paix ?

(*) Environ 2 700 milliards de dollars, au premier rang mondial avec Wall Street.


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