La relève


Publication : octobre 1978
Mise en ligne : 14 octobre 2006

M. Jacques Duboin. - Messieurs, à l’heure où vous voyez les chevaux disparaître presque complètement de la circulation de Paris, sauf dans les endroits où se produisent encore des encombrements qu’ils provoquent toujours, je trouve absolument extraordinaire que l’on conserve encore 158 000 chevaux pour le jour où la patrie sera en danger...

Vous m’avez demandé ce qu’était une armée moderne. Je vais essayer de vous en donner une définition. Une armée moderne,- c’est une armée qui se reconnaît à l’odorat : elle sent le pétrole et ne sent pas le crottin. C’est une armée où le moteur joue le principal rôle...

M. le Rapporteur général. - Les idées exposées par notre collègue Duboin méritent d’être écoutées. Il peut apparaître ici peut-être comme un précurseur, mais ce sera le seul reproche que l’on pourra lui adresser.

II va beaucoup trop vite...

Il est incontestable que, dans l’état actuel de perfectionnement des moyens de transport ou de destruction, la cavalerie demeure encore une arme ; son emploi s’est, il est vrai, profondément modifié ; le cheval n’apparaît plus beaucoup comme un moyen de combattre sur le champ de bataille, mais il peut permettre de venir s’y battre dans certaines conditions de rapidité et de puissance considérables et que vous n’êtes pas encore à même de réaliser entièrement avec des tanks ou des chenilles...

M. Jacques Duboin. - Vos observations sont très justes en ce qui concerne le passé, mais je me permets de vous faire remarquer que c’est l’avenir que nous avons en vue, et non pas le passé. Votre cavalerie c’est du passé, tandis que la chenille, non seulement comme arme de combat, mais comme moyen pour tous les véhicules de suivre sur le champ de bataille, est le nouveau procédé permettant de s’affranchir des routes et des chemins de fer. C’est, que vous le vouliez ou non, une révolution...

M. le Ministre de la Guerre. - Vous parlez de moderniser l’armée ; sur ce point, vous devez avoir satisfaction, étant donné qu’en 1918, on prévoyait douze à treize chars d’assaut par division et qu’aujourd’hui nous en prévoyons 74.

M. Jacques Duboin. - Monsieur le Ministre, n’invoquez pas d’arguments de ce genre. Il est certain que vous avez augmenté le nombre des régiments d’artillerie d’assaut, mais au lieu de les conserver à l’effectif régulier, vous les avez fait passer de trois à deux bataillons, de sorte que vous êtes parvenu à avoir le même nombre de chars, mais le double de colonels...

L’apparition sur les champs de bataille des véhicules à chenilles bouleverse dans leurs fondements la stratégie et la tactique et même toutes les institutions militaires.

Parmi tous les facteurs de la victoire, il y en a un qui a dominé tous les autres, vous êtes tous d’accord là-dessus, c’est la mobilité. Vous savez si le maréchal Foch en a magnifiquement joué, précisément dans les circonstances dont parlait tout à l’heure M. de Monicault. Oui, sur les points qui cédaient, notamment à Amiens en 1918, lorsque l’armée anglaise commençait à fléchir, qu’est-ce qui a permis au maréchal Foch de transporter des divisions avec la rapidité que vous connaissez et de les jeter tantôt vers Montdidier, tantôt vers Amiens, tantôt vers le Kemmel ? Ce sont les camions automobiles.

Quelques jours après, lorsque s’est produit ce que vous connaissez, l’affaire du Chemin des Dames, le maréchal Foch reprenait ses divisions et les rejetait du côté de Dormans, de Château- Thierry, et de Châlons. Est-ce que ce sont des hommes à cheval qui auraient permis ce résultat ? Non !..

Qu’importent les lourdes armées du temps d’autrefois, si elles ne peuvent se mouvoir qu’à la vitesse de dix kilomètres par jour ! Vous représentez-vous l’avantage formidable que représenterait une force de 100 000 hommes seulement, mais capable de couvrir 120 kilomètres dans une nuit, avec armes et bagages, n’importe où à n’importe quel moment ?

Le général Estienne, sous les ordres duquel j’ai eu l’honneur de servir, le créateur et le, chef de l’artillerie d’assaut, le général Estienne, un des bons artisans de la victoire - ce n’est pas moi qui le dit, c’est le maréchal Pétain - estime que 100 000 hommes suffiraient pour obtenir les résultats dont je viens de vous parler...


Si ces propositions avaient été adoptées à l’époque, c’est la défaite de 1940 qui pouvait être évitée. Mais il fallut attendre plusieurs années avant qu’un militaire de carrière, le colonel de Gaulle, reprenne à son compte, cette stratégie dans son livre « Une armée de métier ». Il était alors trop tard pour éviter la catastrophe..


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