Le mondialisme s’impose


par  M.-L. DUBOIN
Publication : avril 1980
Mise en ligne : 24 septembre 2008

IL n’y a heureusement pas que les guerres qui sont devenues mondiales au 20e siècle ! Le développement des transports, leur rapidité et leur extension, les facilités de communication ont très vite élargi les possibilités de connaissance et de compréhension entre les hommes, à tel point qu’il est aujourd’hui impossible à un citoyen quelconque qui apprend les nouvelles par la télévision de se sentir parfaitement indifférent devant la misère et le malheur qui s’acharnent sur tant de ses semblables.
Même s’il estime qu’il n’est pas responsable de cette misère, il ne peut plus ne pas se sentir concerné par elle. La course au profit que mènent les gros industriels de notre société a engendré un déséquilibre catastrophique à l’échelle de toute la planète dont l’avenir même s’en trouve aujourd’hui compromis. Non seulement sur le plan physique, la pollution industrielle menaçant au plan mondial l’atmosphère qui nous protège, mais bien aussi sur le plan humain : on ne peut imaginer que des millions et des millions d’individus vont continuer à se laisser piller de toutes leurs ressources au profit de quelques-uns, sans jamais se révolter. Et comment une telle révolte pourrait-elle se faire sans violence ?
Alors que nous sommes tous concernés par le déséquilibre mondial, ceux à qui rapporte le pillage entretiennent un certain nombre de mythes, destinés à maintenir le plus longtemps possible le système économique criminel auquel ils doivent tout. Ces mythes sont de tous ordres et ils sont aujourd’hui si solidement ancrés dans les cerveaux qu’il faut beaucoup de courage pour les dénoncer.
C’est ce courage que manifeste l’auteur d’un livre remarquable, convaincant et fort documenté, qu’il faut absolument lire, faire lire, partout et à tout prix. Il s’agit de l’ouvrage de Franz Foulon, intitulé sans ambages : « UN ECOLOGISTE ACCUSE : nous sommes tous des salauds  », publié à Bruxelles par Nature et Survie.

LE MYTHE ECOLOGIQUE

Franz Foulon rappelle les méthodes de destruction des richesses naturelles, telles que les a dénoncées René Dumont, cet infatigable lutteur, celui qui a le plus combattu pour la conservation des ressources mondiales et l’amélioration du sort des populations affamées : les bonnes terres sont accaparées par les riches qui ne les exploitent pas toujours, ou mal, tandis que les paysans dépossédés sont réduits «  à cultiver les pentes où se déclenche, irrévocablement, le mécanisme de l’érosion des terres. L’absence d’humus et de sa capacité de rétention des eaux rendent, à la période de la mousson, les inondations catastrophiques ». C’est le cas en Inde, c’est le cas en Thaïlande depuis l’arrivée des « conseillers » américains », en 1959. La même chose se produit dans la Sierra équatorienne où 15 % au moins des pentes sont totalement ravagées. En Afrique, rappelle Dumont, la France intervient « militairement quand les populations rurales se révoltent contre les abus dont elles sont victimes. Il en fut ainsi au Tchad, depuis 1968, puis au Zaïre, puis au Gabon. Pourquoi soutenons-nous ces gouvernements qui écrasent les paysans pauvres ? Parce qu’ils nous autorisent à piller les réserves naturelles du Tiers-Monde ». Le sort des paysans des goulags n’est pas meilleur. « En Union Soviétique, au Cambodge, les paysans sont maltraités. Les pays socialistes ne sont nulle part socialistes ». Tandis que l’Occident, dénonce Franz Foulon, « ne laisse passer aucune occasion d’affaiblir le Tiers-Monde » ; il rappelle l’exemple de la Révolution verte, née au Mexique en 1943, à l’initiative d’agronomes de la Fondation Rockfeller, qui voulaient aider les paysans à vaincre la faim dans le Tiers-Monde. Cette Révolution verte souleva un immense enthousiasme. Mais, finalement, à qui profita-t-elle  ?
La réponse est sans ambiguïté : aux firmes agro-alimentaires, qui furent sur place, « curieusement », en même temps qu’arrivèrent les semences nouvelles (1).
Un obstacle majeur s’est dressé devant les paysans pauvres : le prix des engrais. D’après les délégués de la fondation Rockfeller, il devait baisser devant l’affluence de la demande. Déception ! la hausse des engrais azotés fut vertigineuse et les cultivateurs du Tiers-Monde ne purent nourrir suffisamment leurs récoltes. L’engrais fut accaparé et stocké par les gros fournisseurs américains en attendant de nouvelles hausses de prix, tandis que le président Carter faisait supprimer 20% des emblavures !

L’ECHEC DE RENE DUMONT

René Dumont fut aux côtés de Jacques Duboin lors de ses premières conférences. Depuis, accaparé par sa lutte spécifique, en temps qu’agronome, pour la sauvegarde des ressources naturelles, il perdit de vue la cause de tous les méfaits qu’il dénonçait : la recherche du profit. L’échec, en 1966, de son projet de création d’une Agence mondiale de développement alimenté par un impôt international de solidarité (1 à 3 % des revenus des Etats, suivant leurs moyens) aurait dû la lui rappeler. Pourquoi cet échec ? Franz Foulon résume  : parce qu’« il est vain de vouloir protéger la Nature, pour en dispenser les fruits équitablement à tous les hommes, sans modifier de fond en comble les structures fondamentales de l’économie qui la détruit ».
Cet échec prend tout son sens aujourd’hui quand on compare les buts que proposait R. Dumont à son Agence mondiale, avec l’utilisation qui est faite par la Communauté Européenne de son budget, lui-même constitué par 1% du montant des ressources propres des Etats membres : elle consacre près de 70 % de ses recettes à la couverture des dépenses agricoles, dont près de 27 milliards de francs français (nouveaux) sont destinés à... lutter contre la mévente du lait ! L’écoulement de chaque litre de lait produit « en plus » coûte à la collectivité européenne 84 % du prix payé au producteur (2) . Et on paie les paysans pour détruire leurs vaches laitières en affirmant, comme a le culot de le faire F.O. Gundelach (3) , que l’aide en produits laitiers est limitée... « par les habitudes alimentaires des pays en voie de développement qui ont à leur disposition des graisses végétales  ». Quelles habitudes alimentaires, Monsieur le Vice- Président, ont les millions d’enfants qui meurent de faim ?
« Ce système économique, responsable de la dévastation et des gaspillages des ressources de la Nature comme des conditions de vie misérable que sont celles des populations condamnées à subsister sur des terres érodées, épuisées, désertifiées, c’est le libéralisme économique  » rappelle Franz Foulon, auquel il urge de substituer un autre système, l’économie distributive, que l’auteur résume à la fin de son livre.

CES MYTHES QUI NOUS PARALYSENT

Auparavant, il dénonce un autre des mythes obstinément entretenus, le mythe démographique selon lequel la croissance des populations pauvres est un phénomène inexplicable et contre lequel il faut lutter par le contrôle des naissances. Cette croissance résulte précisément de la pauvreté des populations concernées, comme l’a scientifiquement démontré le Pr. Josué de Castro. La lutte contre la démographie galopante passe ainsi par la lutte contre la faim et par l’abolition du système économique responsable de cette faim.
Puis Franz Foulon dénonce le mythe religieux, selon lequel l’Eglise se place toujours du côté de ceux qui souffrent ou lutte contre toutes les injustices ; il dénonce le mythe de l’Etat militaire, car l’armée est à la dévotion des gros industriels pour qui la paix est indésirable : « La poursuite d’un système fondé sur la guerre est jugée préférable à un système fondé sur la paix » et ses dangers économiques.

UN LIVRE A FAIRE LIRE

Le livre de Foulon est trop riche, trop dense pour être seulement résumé. Il faut le lire pour en retenir une foule d’arguments et de solides références en faveur de nos thèses. Et il faut le faire lire en insistant non seulement, comme le fait Foulon, sur l’argument logique, à savoir que l’économie distributive est le système économique imposé par les moyens techniques dont nous pouvons jouir au 20e siècle, mais aussi sur l’argument humain : il repose sur une monnaie non thésaurisable, ce qui entraîne une foule de conséquences essentielles  : il supprime le profit, il supprime le marché. Il libère donc les échanges humains de l’intérêt mercantile. Il met ainsi fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, à la lutte entre classes ou entre peuples. Il donne enfin aux mondialistes la possibilité de réaliser leurs projets fraternels par la création d’organismes mondiaux veillant à la justice entre les peuples et à la satisfaction de leur réel épanouissement. En un mot il rend possible le socialisme en ce monde.

(1) Le mécanisme en a été analysé par Susan George dans son livre « Comment meurt l’autre moitié du monde ».
(2) Précisions données par F.O. Gundelach, Vice-Président de la Commission des Communautés Européennes, chargé des questions agricoles.
(3) « Le Monde » des 2-3 mars 1980.


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