Le rôle joué par les syndicats


par  D. DELCUZE, M.-L. DUBOIN
Publication : septembre 1983
Mise en ligne : 15 octobre 2006

Cette méthode est tellement efficace que les syndicats ont marché et on a montré que : "historiquement, les travailleurs masculins ont joué un rôle actif dans la limitation de l’accès des femmes au marché du travail" [6]. Par exemple, dans l’imprimerie où les syndicats, purement masculins parce qu’ils avaient exclu les femmes, étaient tellement hostiles que par une résolution passée en 1854, le National Typographical Union (N.T.U.) s’engageait à "n’encourager par aucun acte l’embauche de compositrices" [6].

Les syndicats refusaient aux femmes la formation qu’ils offraient aux jeunes garçons. Et pas seulement dans l’imprimerie, comme le prouve l’étude historique publiée par la Yale Law School en 1970 : "Tout membre honoraire ou actif, qui consacrera tout ou partie de son temps à la formation de travailleuses dans la fonderie, ou dans toute autre branche de l’industrie, sera expulsé du syndicat" [7]. C’est ainsi que souvent les femmes ne pouvaient apprendre que dans certains ateliers non syndiqués ou en temps de grèves ; elles étaient alors utilisées comme briseuses de grève, ce qui ne favorisait évidemment pas une communauté de lutte ! En 1869, au congrès annuel du National Labor Union, dont le N.T.U était membre "un conflit éclata au sujet de l’admission comme déléguée de Susan B. ANTHONY, accusée d’avoir utilisé des compositrices comme briseuses de grève. Elle reconnut les faits : c’était dit-elle, le seul moyen pour elles d’apprendre le métier ..." ABOTT affirmait en 1910 : "Les responsables d’autres syndicats citent souvent la politique des imprimeurs comme exemple de la façon dont un syndicat peut limiter ou empêcher avec succès le travail des femmes" [8]. Le Typographical Union prônait avec conviction le principe du salaire égal à travail égal en tant que moyen de défense de l’échelle des salaires masculins et non pour aider les femmes. En effet, la qualification des femmes étant moindre, elles ne pouvaient exiger et espérer recevoir un salaire égal à celui des hommes ... Comme le disait Eleanor RATHBONE en 1917, "pour les dirigeants syndicaux, appuyer la revendication du salaire égal était un moyen efficace de perpétuer l’exclusion des femmes tout en se présentant comme les défenseurs de l’égalité entre les sexes". Il était clair, pensait-elle, que beaucoup de leurs membres étaient "au fond plutôt scandalisés à l’idée qu’une femme puisse gagner le salaire d’un homme" [9].

En 1922, EDGEWORTH systématisait le modèle de ségrégation professionnelle et d’encombrement esquissé par FAWCETT : "la ségrégation en fonction du sexe cause l’encombrement des secteurs féminins, ce qui permet aux salaires des hommes d’être plus élevés et maintient les salaires des femmes à un niveau plus bas qu’il ne le serait autrement.

EDGEWORTH reconnaît que les syndicats masculins sont les principaux responsables de cet encombrement" [10].


[6H. HARTMANN, Capital, Patriarcat et Ségrégation professionnelle des sexes, Questions Féministes n°4, 1978.

[7Gail FALK, Women and Unions : A Historical View, (Yale Law School, 1970).

[8Edith ABBOTT, Women Industry, New-York (Arno Press, 1969).

[9E.F. RATHBONE, The remuneration of women’s services, Economic Journal n° 1, mars 1917.

[10F.Y. EDGEWORTH, Equal pay to men and women for equal work, Economie Journal n° 4, décembre 1922.


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