Les révolutions silencieuses

Éditorial
par  M.-L. DUBOIN
Mise en ligne : 30 juin 2009

L’étude intelligente et encourageante que j’évoquais ici le mois dernier est celle du Centre Europe-Tiers Monde [1], qui l’a publiée en octobre 2008 sous le titre Produire de la richesse autrement.

Un peu partout dans le monde, il y a aujourd’hui des milliers de collectifs qui s’organisent pour produire autrement, le plus souvent poussés par la nécessité. Mais si certains n’y voient que le moyen de survivre, d’autres y voient aussi une façon de s’opposer, tant en actes qu’en paroles, à la logique du système.

De nombreux forums sociaux organisent des débats autour de ces expériences collectives, souvent regroupées sous l’expression d’“économie sociale et solidaire” (en Anglais : people’s economy, l’économie des gens) alors qu’elles sont pourtant très diverses et que, selon les continents et l’état d’esprit des gens concernés, une portée et un potentiel trés différents leur sont attribués : ceux qui pensent a priori qu’il est impossible que le monde change n’y voient qu’un palliatif aux carences du système, mais d’autres y voient une utopie en marche, un irrésistible mouvement citoyen capable d’aboutir au dépassement du capitalisme, l’espoir de sortir de la dictature de la finance sans tomber dans une autre.

Les grands médias se gardent d’en parler, la plupart ne voyant pas le changement qu’elles préparent. L’intelligence de cette étude du CETIM est d’avoir vu que toutes apportent des éléments positifs, et d’avoir cherché quel pas dans la construction d’un monde plus solidaire elles permettent. D’où le choix qui a été fait, au départ, de s’intéresser à des expériences qui peuvent apporter au combat pour “changer le monde” des éléments de réflexion sur le développement possible.

Pour tenter de répondre à des questions telles que : quelles pratiques peuvent être porteuses d’alternatives sociales, à quelles conditions, et dans quelle mesure ? les auteurs de l’étude ont écarté d’emblée certaines démarches : d’abord l’ensemble des “petits boulots” et le système D, puis les entreprises qui ne se distinguent, en fait, que par leur statut juridique (par exemple les anciennes coopératives agricoles qui, en Europe surtout, voyaient dans une économie d’échelle le moyen d’une meilleure efficacité commerciale), ensuite tous les réseaux, labels et autres montages qui se greffent sur une aspiration louable à un commerce plus équitable, enfin la plupart des ONG et pour diverses raisons.

De sorte que deux aspects caractérisent les expériences retenues et décrites dans ce livre :

• la mise en œuvre de façon autonome d’activités collectives répond à des besoins de survie économique de leurs participants et sont organisées selon un principe égalitaire,

• ce travail de production est intimement lié à une lutte politique résultant de la volonté de dépasser le système dominant actuel, afin que cette activité alternative soit ainsi une rupture avec la répartition des richesses telle qu’elle résulte aujourd’hui du “libre jeu des lois du marché”. Ce second critère ouvre des débats en posant la question de savoir dans quelle mesure l’expérience pratiquée, plus « qu’un laboratoire d’un autre monde possible est aussi son école, un de ses agents. »

Les expériences ainsi choisies et analysées sont présentées par continent. En Argentine, le mouvement d’unité populaire né du mécontentement de la gestion de la crise par toute la classe politique, et la récupération par ses ouvriers de l’usine de céramiques Zanôn : produisant en coopérative depuis quatre ans, ils démontrent ainsi que, « même quand il s’agit de haute technologie, il est possible de créer une autre vie » ; au Pérou, à Lima, la Villa el Salvador apparaît comme la plus grande réussite de transformation d’un bidon ville (construction, entre autres, de 26 écoles et de 300 cuisines communautaires, formation de centaines d’asssistants médicaux qui vont de porte à porte, etc). En Asie, au Bangladesh, la micro-épargne de Nigera Kori (NK) est « l’exacte opposée du micro-crédit, ce “capitalisme des centimes” encensé par les institutions financières mondiales… qui n’a pas fait baisser le taux d’extrême pauvreté ». Au Bénin, le Cercle d’Auto-promotion pour un Développement Durable a une stratégie de micro-crédit qui unifie les femmes dans une lutte politique globale. Enfin en Europe, Longo Maï en France, Mol-Matric en Catalogne et Mondragon au Pays basque sont autant d’expériences solides qui tracent le chemin vers la démocratie en économie que nous défendons ici de toutes nos forces.

C’est pour cela que cette étude est encourageante. Elle permet d’approfondir les réflexions sur les stratégies possibles pour accoucher d’un monde où chacun…collectivement et individuellement soit acteur et sujet d’un développement authentique, durable, au service de la totalité de la population mondiale et des besoins fondamentaux des êtres humains.


[1le CETIM dont le siège est à Genève, 6 rue Amat et dont le site sur internet a pour adresse : www.cetim.ch.


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