Nous sommes tous menacés


par  A. VIGIER
Publication : mai 1988
Mise en ligne : 16 juillet 2009

L’élection présidentielle de 1988 pourrait être l’occasion d’utiliser les énormes moyens de communications que sont la télévision, les radios, la presse, pour informer le public de la véritable situation qui se présente en cette fin de siècle à toutes les nations, grandes ou petites, riches ou pauvres.
Pour la France, l’I.N.S.E.E qui n’est pas un organisme politique, a publié une étude prospective en Janvier 87 qui évalue le chômage à 3 millions 400000 personnes dans quatre ans. C’est un chiffre moralement et financièrement insupportable, mais c’est surtout la confirmation que ni les privatisations, ni les nationalisations n’ont apporté de remèdes à cette crise économique dont les conséquences sont de plus en plus dramatiques. La plupart des candidats affirment que la "croissance" est le seul remède à cette situation !
Il faut prendre connaissance d’un rapport de cet important groupe industriel qui déclare en substance : "Dans cette usine, en 1980, 875 salariés étaient occupés ; grâce à nos investissements, la croissance a augmenté de 20% avec un personnel .réduit à 650 et il est prévu la même production avec 400 personnes en 1995". Ce n’est pas un cas isolé, ni exceptionnel, c’est la démonstration que la "croissance" n’est pas, ou n’est plus un facteur d’emplois, si on utilise les procédés modernes. Ce sont les ordinateurs, même les robots qui remplacent les personnes.
Un autre facteur intervient pour supprimer des emplois. Les Sociétés multinationales qui n’ont point de complexes patriotiques, installent des usines dans les pays en voie de développement où la main-d’oeuvre existe en abondance, se contente de bas salaires, sans protection sociale et nous sommes envahis de produits de grande consommation à des prix sans concurrence.
En réaction, dans les pays industriels se développe une activité clandestine sous la forme de marché noir du travail qui échappe aux impôts, taxes, cotisations, ce qui contribue à faire disparaître les entreprises qui travaillent régulièrement.
Il faut qu’un candidat courageux dénonce cette situation pour informer l’électorat que les témoignages d’auto-satisfaction, les promesses fallacieuses, les haines raciales sont des arguments électoraux qui n’apportent aucune solution aux problèmes qui se posent en cette fin de siècle. Distribuer des allocations de chômage, des secours à ceux qui ont épuisé leurs droits, des repas à ceux qui ont faim, c’est faire de la charité une institution gouvernementale, c’est s’enfoncer chaque jour un peu plus dans l’injustice et la précarité. Créer des T.U.C., des "petits boulots", même des stages de formation, c’est diminuer les statistiques, ce n’est pas assurer l’avenir d’une jeunesse qui se réfugie souvent dans la drogue ou la délinquance.

L’effondrement de la bourse en octobre 1987, les fluctuations du dollar, le chômage qui grandit, les dettes et les déficits budgétaires qui s’accumulent nous donnent l’impression que notre système financier est au bord de la faillite.

Certes, les autorités vont s’efforcer de colmater les fissures qui apparaissent de toutes parts, soutenir le dollar, tirer un trait sur les dettes irrécouvrables, s’accommoder des déficits, mais la menace d’un krach, pire que celui de 1929 pèse sur l’économie mondiale. Cette économie qui partage les habitants de la terre en deux grandes catégories : celle qui gaspille les sources d’énergie et de matières premières non renouvelables, qui pollue les rivières, les fleuves et les océans, qui détruit ses excédents agricoles et même qui rétribue ses cultivateurs pour qu’ils ne cultivent pas leurs terres ; et celle qui ne sort pas d’une effroyable misère et qui meurt de faim.
Des organisations mondiales sont conscientes que cette situation est profondément injuste, dangereuse et qu’elle ne peut s’éterniser. Elles ont demandé aux grandes nations de consacrer 1% de leur P.N.B. à l’aide au sous-développement sans obtenir cette modeste contribution. D’autres ont proposé l’étude d’une sorte de plan Marshall à l’intention des pays pauvres.
Ce plan a été un événement unique dans l’histoire de l’humanité. Les nations victorieuses n’ont pas rendu responsables les peuples des crimes de guerre que leurs dirigeants avaient commis. Ceux-ci ont été jugés et condamnés, leur pays séparé en deux avec interdiction de reconstituer une puissance militaire. Les États-Unis qui sortaient de cette guerre sans dommage pour leur territoire, avec un potentiel industriel énorme, une monnaie solide qui allait devenir l’étalon pour le monde entier ont conçu ce plan pour relever toute l’Europe de ses ruines et aussi pour transformer leurs usines de guerre en fabrication civile.
La situation actuelle n’est pas sans une certaine analogie sur le plan mondial. Quelques nations détiennent une puissance considérable de productions industrielles et agricoles, bien au-delà de leurs besoins. Leurs possibilités d’échanges commerciaux sont limitées par suite de l’insolvabilité des pays qui seraient acquéreurs de ces produits. Nous sommes dans cette situation absurde où nous devons détruire des excédents agricoles, fermer nos usines ; entretenir des millions de chômeurs alors que la majorité de la population vit dans la malnutrition, quand ce n’est pas dans la famine.
Une sorte de plan Marshall pour aider ces pays à sortir de leur état de sous-développement s’impose. En l’an 2000, on annonce six milliards d’êtres humains sur cette terre. La plupart viendront au monde dans des régions déjà surpeuplées ou dans les bidonvilles dont les occupants sont à la recherche d’emplois et de nourriture. Il ne s’agit plus d’accomplir quelques gestes de générosité, mais d’éviter que cette prolifération de malheureux entraîne des émeutes, des révoltes ou des épidémies.
On ne vaincra pas la faim dans le monde par des quêtes ou des envois de nourriture, mais par la création d’une ou plusieurs sociétés multinationales formées pour apporter dans les régions déshéritées du globe les moyens de rendre la terre fertile et de permettre aux autochtones de vivre dans leur pays natal.
Certes, la rentabilité financière n’est pas assurée à courte échéance, mais il s’agit d’une sorte de croisade qui place les motifs de cette entreprise au-delà des sordides calculs d’intérêts.
Ce n’est pas un programme électoral, c’est un programme pour sortir de la crise, pour éviter un désastre financier, pour donner à notre jeunesse le moyen d’exprimer sa volonté, son courage et peut-être même son enthousiasme au service d’une cause qui consiste à sauver des milliers d’enfants de la misère et de la mort.
Toutes les nations sont devenues solidaires, l’insolvabilité des unes, le paupérisme des autres, sont la cause de nos difficultés croissantes et l’humanisme n’est pas seulement une vertu, c’est une nécessité.


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