Où va l’euro-machin ?

RÉFLEXIONS
par  P. VILA
Publication : octobre 1998
Mise en ligne : 20 juin 2008

Enfin le boulon de la machine mondiale d’exploitation à outrance - modèle G7 - semblent prêts à sauter. Les machinistes-vautours n’ont cependant pas envie de réviser leurs règles de montage du super-pouvoir. Ils ont chargé leurs valets médiatiques (exemple Alain Minc) d’effacer toute curiosité publique à l’endroit des mystères bancaires.

Entre autres questions : La croissance est-elle si nécessaire au maintien du niveau de vie ? Quelle réalité recouvre la dette des nations ? Et le problème de fond qui inclut ces deux-là : l’origine du crédit bancaire.

On aurait pu espérer un débat pédagogique d’été, lorsque D.Rousset et J.Généreux ont entamé une série d’émissions sur l’économie avec trois experts sur le thème des 35 heures. Landernau hexagonal, incompétences politiques et syndicales de tous bords, effet douteux sur l’emploi, on semblait bien parti pour une analyse des modèles socioéconomiques de cette fin de siècle… Las, J. Généreux a rapidement viré au banquisme intégral. La série s’est achevée en bouquet final avec le PDG de l’ANVAR, P.Jorgensen, sophiste à toute épreuve, qui nous a démontré que l’Eurobank de Frankfurt était notre meilleure garantie d’une défense de tout ce qui manque aux Onze bientôt quinze de l’Europe. Cet état-major privé saurait répartir les finances du continent... Généreux lui-même était K.O., incapable de le faire revenir au réel de 1998.

Le 24 Août J.Delors est intervenu... Pour rejustifier Maastricht, Amsterdam et Dublin… A ses yeux, une seule urgence : « nous ne progresserons plus sans réforme politique  ». Inspiré par les schémas papaux-pétaino-gaullistes, il suggère que les hommes d’affaires soulagent la misère des peuples et que les hommes politiques cèdent sur la souveraineté, etc.…

Mais sur les conditions de la gestion sociale : santé, enseignement, soutien aux laissés pour-compte de “l’économisme”, il manque de conviction et invoque sa stratégie de l’engrenage. Probablement pour résister aux égoïsmes sacrés et aux théories du chaos (si bien poétisées par Adam Smith) ?… Et au passage il re-cite comme condition nécessaire la croissance économique.

Pourtant c’est bien sur le contrôle du crédit que devrait se jouer la réforme des régions-provinces de la petite Europe à onze. Et l’engrenage en passe de l’emporter, c’est malheureusement l’engrenage financier, qui restera aussi flou qu’incontrôlable, si nous laissons faire. Le crédit est le seul outil collectif des nations. Au cours des siècles, les langues et les cultures adaptées aux terroirs, aux climats et aux fluctuations de l’histoire ont légué à chaque morceau d’Europe son mode de gestion juridique, son énergie propre et ses atouts particuliers. Bien sûr tout cela évolue, et parfois trop vite. Mais jeter dans le même trou bancaire les produits d’échanges de tous ces climats, de toutes ces énergies humaines transformerait le rêve des grands fondateurs en cauchemar façon George Orwell 1984.

Pourtant c’est bien lui, J. Delors, qui a doté les accords de clauses de subsidiarité. Certes, il faut plus de pouvoir économico- social aux régions (il faudrait peut-être réduire leur nombre en France à moins de 10). Cependant les pratiques monétaires fonctionnent à l’échelle des nations, et abolir cela nous jetterait dans la confusion impériale.

Sur l’exemple Suisse on a puni trop tard les combines pronazies de “secret” des gnômes de Zurich après le désastre d’Hitler ; mais combien sage est ce pays de garder sa banque ! Rappelons nous qu’il n’était encore vers 1830 qu’une petite enclave montagnarde arriérée ; les transports, la cybernétique et l’Europe des riches ont permis le développement pondéré de ses vallées (jusqu’à l’invasion pharmaco-chimique).

Revenant à l’Europe, la réhabilitation en cours sera certes mieux orchestrée par une politique transnationale de dépollution, d’aménagements et de reconversions, pour pallier la folie des profiteurs du vingtième siècle. Mais la mise en oeuvre des directives appropriées n’est techniquement possible qu’à travers un suivi national et régional.

Sur l’économie des Onze, l’article de J-P.Mon [1] a parfaitement révélé les hésitations des experts : ils tremblent de devoir contredire le cours de M.Friedman... Nous ne sortirons de “la crise” que si nous maîtrisons l’équilibre production- consommation. Et cela ne se réussira qu’à l’échelle nationale.

Commençons par les nationalisations bancaires, les seules qui s’imposent : la réforme du crédit est liée aux conditions humaines de chaque nation. L’Europe ne la réclame pas encore ; elle reste paralysée par l’ignorance et l’impuissance de ses dirigeants politiques à tous les niveaux. J. Delors a raison si c’est cette réforme qu’il veut pour la “progression” de nos institutions. Mais avec la Banque Centrale par Maastricht, il a mis le boeuf derrière la charrue. Si on en reste là, tout le système va stagner, laissant aux prédateurs le contrôle invisible de nos destinées. Là où ils sont dérèglementés, là est le chaos !.. Le rôle de l’Europe est de soutenir les États contre les super pouvoirs économiques et financiers (au lieu de nous imposer de petites normes technologiques - façon “Gosplan”— exsoviétique) et de laisser à chacun la gestion bancaire de son économie. Car la vertu, le charme et l’atout-maître de notre continent, c’est cette diversité, qu’il faut respecter pour opérer les réformes radicales d’émission, de contrôle et de gestion du crédit-monnaie, les seules fondamentales…

Enfin, les discours “économistes” me semblent régulièrement infectés par le sous-entendu mythique de la nécessité d’une croissance commerciale pour préserver l’économie. C’est au nom du remboursement du “déficit” au système bancaire que “les experts” nous assènent cette condition. La survie des “plus riches” passe ainsi automatiquement par l’écrasement des autres... Tant que le pouvoir bancaire continuera de gérer l’humanité avec de telles normes, I’économie mondiale en restera au chaos des exponentielles, cassées en des points imprévisibles : les “phases aléatoires” des fluctuations boursières décrivent la roulette russe du monde moderne.

Le remède, c’est la modélisation et le chiffrage détaillés des échanges réels sur le marché, et l’émission de monnaie permettant d’investir, de produire les biens et services — donc de consommer — cette production réelle ; mais c’est obligatoirement la destruction des signes monétaires à l’instant de la consommation. Ainsi aucune inflation par les voies artificielles du système orthodoxe ne se produira. Et même les distorsions spéculatives, sur la monnaie et par les pouvoirs monopolistes, deviendront visibles et remédiables. Les experts restent muets sur toute proposition de ce type, car ils sont les employés de la construction monopoliste bancaire déguisée en “libéralisme”, parasite de l’économie depuis plus de deux siècles, jusqu’aux horreurs des dernières décennies…

L’Europe a les moyens d’enrayer la crise et de prouver l’équilibre !... Hâtons-nous de promouvoir la réforme distributiste du crédit !…


[1Sacrée OCDE, GR N° 980, p.3.


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