Popeye au pouvoir

Soit dit en passant
par  G. LAFONT
Publication : décembre 1978
Mise en ligne : 9 septembre 2008

Quand il s’est installé à l’Hôtel Matignon, en octobre 1976, succédant à Jacques Chirac, parti en claquant la porte et en laissant le pays dans l’état que vous savez, Raymond BARRE, présenté alors comme le « meilleur économiste français », avait un large sourire devant les caméras, un moral en béton armé, l’air sûr de lui, une assurance tous risques et, dans sa serviette, un plan de redressement définitif.
C’était le nouveau sauveur. Mais le bon, cette fois. Fini le temps de la politique politicienne, des marchands de rêve et d’illusions, des prestidigitateurs de foire et des bricoleurs de statistiques. Avec M. le professeur d’économie de réputation mondiale, à ce qu’on disait, on allait voir ce qu’on allait voir. On a vu.
Deux ans ont passé. Raymond Barre est toujours là - du moins à l’heure où j’écris ces lignes - olympien, imperturbable, mais le moral quelque peu ébranlé, dit-on dans son entourage, le sourire de plus en plus crispé, et le plan de redressement en question de moins en moins définitif.
C’est que ça ne tourne pas aussi rond que certains voudraient nous le faire croire dans la meilleure des sociétés libérales avancées dirigée par le meilleur économiste. La crise qui sévit en France comme dans tous les pays modernes, et que l’on traite depuis un demi-siècle avec des cachets d’aspirine, n’est toujours pas surmontée. Et l’entrée de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce dans le marché commun va poser quelques problèmes aux économistes distingués et à leurs experts. Et donner des insomnies aux chefs de gouvernement, même à M. Raymond Barre qui n’avait pas besoin de cette complication supplémentaire.
il a assez de soucis en ce moment, cet homme, avec l’inflation, le chômage, les excédents agricoles, les chefs d’entreprise qui mettent la clef sous la porte, - les canards boiteux, quoi ! - la grogne, la rogne, Giscard qui fait la gueule, et aussi les sondages.
Pas fameux, les sondages, pour le monsieur de Matignon. Selon l’IFOP de juillet dernier, 52 % des Français se déclaraient plus ou moins mécontents de la politique pratiquée par le Premier ministre. Et ca donne à réfléchir, même si les élections sont encore éloignées. Pas à Raymond Barre. C’est tout réfléchi pour lui. Il y a longtemps qu’il a arrêté sa politique, établi son plan. Et il s’y tient. Il n’y reviendra pas. Si quelqu’un se croit plus malin...
Justement. Dans l’opposition, et même dans la majorité, il se trouve des amateurs qui se sentent pousser des ailes, et même un destin national et que l’envie démange de prendre la place pour montrer au monde leurs talents de société.
Alors, ça remue un peu partout. On commence à douter des chances de succès de notre Premier ministre et de sa politique, d’après les premiers résultats. Et il vaudrait mieux ne pas attendre la catastrophe pour renvoyer le professeur à l’école du soir.
Giscard d’Estaing y songe, chuchote-t-on dans l’entourage du président. Va-t-il virer le Premier ministre comme un vulgaire Chirac et chercher un nouveau sauveur pour nous préparer à l’an 2000 ? Ça doit pouvoir se trouver.
Tenez : Jacques BLANC.
Jacques Blanc, si vous ne le connaissez pas, ce qui est bien possible après tout, est président de l’U.D.F. et secrétaire général du P.R. C’est sur sa carte de visite. Ce qui l’autorise à proférer des paroles historiques que les journalistes en mal de copie recueillent aussitôt pour en régaler leurs lecteurs.
Or, si j’en crois le magazine « V.S.D. » du 26 juillet, Jacques Blanc a déclaré : « Dès que je vois Giscard, je suis comme Popeye avec ses épinards, regonflé à bloc ».
Voilà l’homme qu’il nous faut.
Vous rigolez ? Selon le « Figaro » du 28 juillet, la Commission Européenne préconise l’arrachage de cent mille hectares de vignobles dans les pays du marché commun, dont la France, because l’excédent de vin, en vue de l’élargissement de la C.E.E. Cette plaisanterie nous coûtera la bagatelle de 5 milliards de francs.
Et qu’est-ce qu’on mettra à la place de nos vignes ? On ne sait pas encore. On ne va tout de même pas y planter de la betterave  ?
Ne cherchez pas. M. Jacques Blanc a trouvé : des épinards  !
Si avec ça on n’est pas regonflé à bloc, c’est à désespérer.
Alors, Popeye au pouvoir !


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