Quand un système est privé de ressort
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Publication : janvier 1986
Mise en ligne : 15 juin 2009
Ce système privé de ressort, c-est le
système économique sous lequel nous vivons. Certes, je
sens l’étonnement poindre chez certains lecteurs lorsque je donne
à penser qu’il n’y a qu’un seul système économique
mondial. Maïs en fait, hormis quelques économies primitives
qui subsistent çà et là, les soi-disant deux grands
systèmes économiques de la planète n’en font qu’un.
Pourquoi ? Parce que les objectifs économiques du système
dit socialiste sont de rattraper avant de dépasser le système
capitaliste. Ce rattrapage suppose la production d’équipements
considérables de façon à obtenir tous les biens
de consommation nécessaires à la satisfaction de l’ensemble
des besoins imaginables. On est assez loin du but ! En revanche, pour
l’atteindre, on a imaginé des modes de production inspirés
du capitalisme. On peut penser que transpirer selon les normes de Taylor
ou celles de Stakanov, est toujours transpirer pour accroître
le rendement du travail. Donc, je ne vois pas de miracle dans la substitution
d-un système par l’autre.*
Nous vivons en économie capitaliste. Qu’espérer d’elle
? Rien. Pourquoi ? Parce que la logique de ce système est accomplie,
on ne doit rien changer d’essentiel. Afin de prémunir les nantis
qui en bénéficient ? Même pas. Ce système
est immuable fondamentalement parce qu’il a été conçu
comme tel et le modifier en quoi que ce soit serait passer dans un autre.
Je ne vais pas passer en revue chaque composante du capitalisme mais
prendre un exemple.
Une composante essentielle, quoique souvent passée sous silence
est l’exploitation. Exploitation tous azimuts : des richesses naturelles,
de l’ingéniosité, de la crédulité, des besoins
et moult autres possibilités. Nulle retenue du moment que cela
rapporte, ou peut rapporter de l’argent ; condition nécessaire
et suffisante. Eh ouï, condition nécessaire ! Que se passe-t-il
lorsqu’un entrepreneur mène trop d’activités non rentables
? c-est-àdire des activités qui ne rapportent pas suffisamment
: il fait faillite. Ce qui signifie bien que la logique de l’exploitation
ne peut que se poursuivre et même se développer puisque
c-est une loi incontournable ? Et pour preuve avancée de citer
les entreprises publiques. Réfléchissez un instant. Les
entreprises publiques ignorent la rémunération systématique
d’actionnaires, maïs travaillent-elles pour autant sans marge bénéficiaire
?
Evidemment non.
Comment la régie Renault va-t-elle combler une
partie du gouffre causé par sa gestion défectueuse ? En
rançonnant les clients futurs. Cela a même déjà
bien commencé. Ou mieux disons que cela va se poursuivre. Un
véhicule dont le prix de revient en fabrication s’élève
à 10 ou 12.000 francs est gaillardement vendu 60, 70.000 francs.
Est-ce légal ? Bien sûr, c’est même indispensable.
au risque de faire faillite. Et les associations - dites sans but lucratif
ne sont pas mieux loties dès qu’elles participent à l’économie
marchande. (cf Tourisme et Travail, par exemple).
Ce risque de faillite est tel, la crainte qu’il inspire est si forte
que tout est permis. Ainsi la débauche d’égoïsme
impudent que l-on vit éclore lorsque le gouvernement décida
de créer TUC** (Travaux d’Utilité Collective). Qu’une
idée aussi géniale soit risible est au-dessus de tout
débat, maïs quoi qu’il en soit le système existe
et on peut le qualifier de moindre mal. En quoi ? En ceci, vaut-il mieux
laisser les jeunes désoeuvrés ou leur proposer une occupation
qui peut s’avérer devenir un emploi effectif ? Eh bien, levée
de boucliers des artisans « Ils nous enlèvent le pain de
la bouche », s’est exclamé le choeur généreux
de l’artisanat en colère. Une autre fois, que l’on se rassure,
ce sera une autre catégorie sociale : quelle que soit la mesure
envisagée, a quelque propos, une corporation se craint frustrée.
Pourquoi ? Parce que le système n-a plus de ressort. Durant le
siècle passé il a épuisé toutes les possibilités
qui s-offraient à lui jusqu’à se trouver comme un hamster
dans sa cage cylindrique. A force de faire tourner son cylindre, il
connut des ennuis cardiaques : il fallut le placer en réanimation.
La thérapie Blum, Hitler, Eisenhower s’avéra efficace
! Le lyrique Fourastié y trouva « les trente glorieuses
» durant lesquelles le hamster fit tourner sa cage de plus en
plus vite ! Cela lui valut un nouvel infarctus auquel le docteur Giscard
ne sut remédier, par davantage le docteur Barre. On se souvint
du docteur Blum et l-on dénicha un de ses élèves
point encore sénile. Les pessimistes auguraient que le docteur
Mitterrand changerait le hamster, les optimistes qu’il placerait le
hamster fatigué dans des conditions telles qu’il n-aurait plus
besoin de cage ! Les uns et les autres pensaient à, ou redoutaient,
un changement de système !
Il aurait fallu un autre thérapeute. La logique élémentaire veut que l-on remplace les machines usées. Le système économique mondial est une machine usée, il convient de la remplacer. Là, on se heurte à un obstacle de taille : le poids des habitudes, l-inertie des mentalités, les égoïsmes individuels et collectifs. Ceci n-est pas une mince affaire. Distributistes, vous êtes l’un des camps susceptibles de relever ce défi.
* c f . également La corde pour les pendre G.R. n°836 Juillet
85.
** Le système des TUC consiste pour les administrations et associations
à recourir aux services de jeunes gens durant 20 heures hebdomadaires.
Ces jeunes sont rémunérés par l’Etat qui leur verse
1.200 francs par mois.