Question pratique à propos de la monnaie distributive :

TRIBUNE LIBRE
Publication : octobre 1998
Mise en ligne : 20 juin 2008

J’ai un ami qui croyait qu’en économie distributive les commerçants jetaient la monnaie à la poubelle une fois que les clients la leur avait versée. Pour lui, la monnaie de consommation qui se détruit à l’achat, ça voulait dire “à la poubelle”. Il en déduisait, avec raison, que puisqu’il n’y avait donc aucun contrôle, il y aurait forcément du coulage.

Je lui fis remarquer que sa version de l’économie distributive était une version simpliste, car on ne jette pas à la poubelle, on garde la trace en archive, comme le fait le système actuel avec la monnaie scripturale.

Du coup, il a eu peur que les choses soient beaucoup plus compliquées, parce qu’à présent il faudrait une armée de contrôleurs pour surveiller ces “traces” (ça ne sert à rien de consulter des archives si on ne les consulte pas) et dans ce cas on retourne au point de départ de la discussion, le risque de coulage.

J’ai évoqué la possibilité d’un contrôle informatique, donc automatique. Ce à quoi mon ami m’a répondu qu’il n’était pas pour le “tout informatique” (j’ai bien reçu l’argument, car moi non plus je ne suis pas pour le 100% informatique), et que de toute façon, la monnaie au porteur (circulante) était le moyen le plus simple d’éviter le coulage.

Donc l’économie distributive entraînerait des complications, ce que je ne peux pas croire, puisqu’il n’y a ni salaires, ni impôts, ni taxes : ce ne peut qu’être plus simple qu’actuellement.

Néanmoins, la question posée par mon ami m’a paru très pertinente : Comment, avec une monnaie distributive qui se détruit au niveau du détaillant, assurer un contrôle efficace au niveau des livreurs, grossistes, usines, etc. sans tomber dans une bureaucratie extrêmement compliquée ?

J’ai trouvé la réponse : la monnaie distributive ne doit pas se détruire au niveau du détaillant. Il faut que celui-ci la transmette au livreur, qui va la transmettre au grossiste, qui la transmettra à un autre livreur, qui la transmettra à l’usine, et là elle peut même se scinder en plusieurs branches, par exemple si les pièces détachées sont fabriquées dans des usines différentes. La monnaie distributive remonterait ainsi jusqu’à la matière première et là, seulement, elle serait détruite.

Quelle serait donc la différence avec le système actuel ? C’est que la monnaie ne peut aller que du consommateur aux matières premières, la circulation est à sens unique, remontant par tous les stades de la distribution et de la fabrication. Et c’est aussi que la monnaie du consommateur ne constitue pas un bénéfice pour le commerçant, pas plus qu’elle ne constitue un salaire pour le livreur, car chacun perçoit son revenu social, basé sur la production et non plus sur le travail encore nécessaire pour fabriquer cette production.

J-P P, Château-Renault

RÉPONSE.

Le souci principal de ce correspondant est d’éviter le coulage. Ce souci est tout à fait légitime aujourd’hui, mais il y a lieu de penser que la tendance au coulage et à la “triche” viennent de la peur d’un manque, et que par conséquent, dans un régime d’abondance organisé en fonction des besoins de tous, cette tendance a de fortes chances de disparaître spontanément.

Mais, réfléchissons-y quand même.

La première idée qui vient est celle de notre correspondant  : il faut un contrôle à chaque étape, à chaque transfert. D’accord. Mais pourquoi ce contrôle devrait-il être fait par l’argent ? Voila encore une occasion de repenser le rôle de l’argent.

En fait, ce qu’il faut contrôler, et pas seulement par peur du coulage, c’est la quantité de biens transmis, tant de pièces, tant de kilos de ceci, tel volume de cela. Ce qu’il faut donc, c’est un inventaire permanent. Ce qui se fait dans toute entreprise bien gérée pour éviter les pertes et les manques. L‘ordinateur est généralement adopté pour ces inventaires parce qu’il constitue la façon la plus rapide (en fait, instantanée), très simple et très claire de se tenir à jour. Sinon, ceux qui préfèrent la bougie à l’ampoule électrique devront exiger à chaque transfert un reçu : « j’ai reçu ce jour telle quantité de ceci, livrée par un tel ».

Non seulement il n’y a pas besoin d’argent pour cela, mais cet inventaire est infiniment plus utile qu’un transfert d’argent. Dire « j’ai encaissé 1.000 F d’une livraison » n’est pas une information suffisante. Ce qu’il faut connaître, c’est le contenu de la livraison.

Tirons une idée claire de ce débat. L’argent n’est nécessaire que lorsqu’il s’agit de rendre un choix possible. C’est pour pouvoir exprimer son choix que chacun doit recevoir son pouvoir d’achat en monnaie. Ainsi 100 F pour l’un sera un repas, pour un autre, un vêtement, pour un troisième un livre, un CD ou un voyage. Par contre, pour tout ce qui est de la gestion de l’économie proprement dite, fabrication, transport, et distribution en gros ou en détail des produits, c’est une comptabilité qui est nécessaire, pour savoir non pas qui a consommé, mais quoi, et garder l’information nécessaire pour savoir, par exemple, ce qui doit être réapprovisionné.

Concluons : l’argent s’annule à l’achat, comme l’actuelle monnaie scripturale ou la monnaie électronique, ou avec une carte de crédit, quand le consommateur acquiert ce qu’il choisit.

Et pour qu’il puisse trouver ce qu’il veut, il faut un inventaire permanent de la production, une comptabilité la plus exacte possible des biens et des services fournis, et cela, bien sûr, à tous les niveaux, pour bien gérer notre patrimoine commun.


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