Quo vadis Mitteleuropa ?

Actualité
par  F. SCHNEIDER
Publication : novembre 2017
Mise en ligne : 30 janvier 2018

Nous reproduisons ci-dessous le témoignage que le journaliste Frédéric Schneider a publié le 23 octobre dernier dans VoxEurop à propos du « basculement populiste en Europe centrale » :

L’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, autrefois très tolérantes, accordent de plus en plus leurs suffrages aux partis nationalistes.

Comment expliquer ce revirement ?

La Mitteleuropa est un concept qui n’a guère d’équivalent en français. Elle regroupe les pays d’Europe centrale au sens restreint (les États membres du groupe de Visegrád  : Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie) et les pays germanophones. Une notion qui remonte au XIXème siècle selon laquelle les peuples d’Europe centrale seraient intrinsèquement liés aux populations germanophones, censée justifier l’expansion de la Prusse à l’est.

Malheureusement, les derniers événements donnent raison à cette interprétation qui semblait absurde  : la percée de l’extrême droite autoritaire prédestinerait peut-être à une destinée commune. Il est temps que la Mitteleuropa revienne à la raison.

 Xénophobie de Budapest à Berlin, en passant par Varsovie

Budapest a ouvert le bal dans cette course folle à la xénophobie. Succédant à Ferenc Gyurcsány qui était certes un homme politique cynique mais aussi un progressiste, Viktor Orbán est arrivé au pouvoir en 2010. Il s’est rapidement mis à détricoter la démocratie hongroise. Le Premier ministre autoritaire a profité de la crise des migrants de 2015 pour renforcer son assise en dénonçant la malencontreuse politique de l’Union Européenne qui mettrait en danger la sécurité des citoyens en imposant des quotas de réfugiés par État membre.

La Pologne l’a suivi dans cette voie. Après huit années de libéralisme et le départ de Donald Tusk à Bruxelles, le parti très conservateur Droit et Justice (PiS) a repris le pouvoir au bord de la Vistule il y a deux ans. Là encore, le nouveau gouvernement a surfé sur la vague des dangereux ”islamistes” venus d’ailleurs. Leur religion n’est d’ailleurs pas la seule à être mise en cause. « Les réfugiés musulmans ont apporté le choléra sur les îles grecques et la dysenterie à Vienne » – clamait haut et fort le président du PiS Jarosław Kaczyński en s’en prenant lui aussi aux bureaucrates de Bruxelles.

Et une déflagration a suivi ces dernières semaines. En Allemagne, les deux grands partis traditionnels ont enregistré leurs pires scores depuis 1949 lors des élections législatives du 24 septembre. L’extrême-droite a franchi pour la première fois la barre des 5% depuis la Seconde Guerre Mondiale au cours de laquelle le “socialisme national” a fait les ravages que l’on connaît. Une entrée remarquée au Bundestag avec pas moins d’un huitième des suffrages et 94 sièges obtenus.

À peine trois semaines se sont écoulées que son voisin autrichien a de nouveau connu les joies de la montée en force du FPÖ  : 26% des voix. Vienne a même frôlé le pire, étant donné que les sondages donnaient l’extrême-droite largement vainqueur en décembre, avec 35% d’intentions de vote, devançant le premier concurrent de 10 points.

Ce samedi, nous avons découvert la nouvelle composition du parlement tchèque. Il sera dominé par le populiste pro-russe et autoritaire Andrej Babiš et son mouvement ANO qui a obtenu près de 30 % des voix, en distançant ses adversaires. Pis, l’extrême-droite y talonne l’ODS conservateur et eurosceptique, arrivé en seconde position.

 Des gens chaleureux

Un tableau bien sombre ressort de cette Mitteleuropa. Comme si sa population était renfermée sur elle-même, non encline à la coopération avec les autres. Et pourtant, chaque connaisseur de cette région sait éperdument que ce n’est pas le cas. Je parle en connaissance de cause  : j’y ai habité plus de la moitié de ma vie. Après avoir passé ma petite enfance en Tchécoslovaquie, j’ai fait mon école primaire en Pologne, mon lycée en Autriche, mon Erasmus en Allemagne avant de revivre pendant sept ans à Varsovie après mes études. On m’y a toujours accueilli à bras ouverts, moi, le Français, sans même me demander mon origine. J’y ai toujours rencontré des gens chaleureux.

La nature humaine de ces peuples a-t-elle pu changer de manière aussi radicale en aussi peu de temps  ? Je ne le crois pas. Ce qui a pu changer en revanche, ce sont ceux qui tirent les ficelles, les influenceurs qui manipulent les foules. Par calcul politique, ils ont attiré l’attention des électeurs sur des problèmes parfois secondaires, parfois réels mais sans apporter de solution crédible, en brandissant en épouvantail un ennemi imaginaire.


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