Socialisme et économie distributive
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Publication : juin 1978
Mise en ligne : 3 septembre 2008
POURQUOI les partis ou Mouvements qui se réclament
de la Gauche et du Socialisme n’adoptent-ils pas les théories
de l’Economie Distributive ? Depuis les ouvrages de Jacques DUBOIN et
la diffusion de ses conceptions économiques et sociales, on peut
difficilement soutenir qu’elles leur sont inconnues. Il faut donc chercher
les explications ailleurs.
En premier lieu, c’est parce que toute la gauche, et avec eux la presse,
emploient le mot socialisme pour désigner des systèmes
économiques ou théoriques qui n’en sont absolument pas
car ils ont conservé le système marchand de l’échange.
Cette fausse appropriation de terme étant entrée dans
le langage courant présente de graves dangers. Appeler socialistes
des Etats qui ont, peu ou prou, remplacé le capitalisme dit libéral
par des capitalismes d’Etat, sous des formes diverses, risque d’imputer
au socialisme des échecs dont il n’est nullement responsable.
Comme il n’existe nulle part de pays vraiment socialiste, il n’a donc
pas encore pu faire ses preuves.
Cependant, la droite, en France particulièrement, ne se prive
pas d’imputer à la gauche les griefs légitimes ou non,
résultant des erreurs des pays qui se disent socialistes (*).
En second lieu, la gauche a oublié ce qui devrait être
vraiment le socialisme ou si elle s’en souvient, elle se sent incapable
de l’instaurer. Elle ne considère le terme « socialiste
» que comme un mot de ralliement, de portée générale,
qui n’engage pas à croire ni surtout à appliquer ses principes.
Tout au plus, lui assigne-t-on un but très éloigné.
Leur socialisme n’est donc qu’un drapeau rouge - ou rose - : la gauche
estime que les esprits ne sont pas encore préparés à
accepter les transformations économiques et sociales radicales
qui résulteraient de l’instauration d’un véritable socialisme.
A QUI LA FAUTE ?
C’ETAIT à la gauche de former les mentalités
des citoyens plutôt que de les entretenir, depuis si longtemps,
uniquement de querelles qui, toutes (comme celles actuelles sur le Programme
Commun de Gouvernement) ne sortent pas du régime capitaliste.
Nous avons toujours soutenu que le socialisme, tel qu’il avait été
défini par ses précurseurs et théoriciens, Marx
y compris, était difficilement applicable dans une économie
de rareté. C’est le mérite de Jacques Duboin qui, le premier,
a compris que la véritable révolution sociale ne pouvait
s’instaurer qu’à la suite de la révolution mécanicienne,
seule capable de créer l’abondance de biens et de services.
En posant les bases de l’Economie Distributive un Revenu Social pour
tous avec, en contre-partie, un Service Social pour ceux qui sont aptes
à l’effectuer, il appliquait la définition même
du communisme (hélas ! bien oubliée aujourd’hui de ceux
qui s’en réclament) : « De chacun selon ses capacités
à chacun selon ses besoins ». Jacques Duboin a donc apporté
au socialisme la base scientifique moderne qui lui manquait. On ne l’a
pas écouté.
Le malheur a voulu aussi que le socialisme se soit instauré dans
des nations sous-développées où l’on ne pouvait
socialiser que la pénurie -voire la misère -. Une Economie
Distributive, basée sur le machinisme, ne peut donc s’y construire.
De ce fait, les dirigeants révolutionnaires de ces pays, et Lénine
tout le premier, ont été obligés de rétablir,
ou de conserver, une économie marchande, c’est-àdire le
processus de l’achat et de la vente ; la véritable révolution
se trouvant alors renvoyée à un futur que ces pays sont
loin d’avoir encore atteint. Depuis, ils appliquent seulement des économies
planifiées, certes, et nationalisées en grande partie,
mais en conservant les mécanismes marchands. Et c’est ce qui
devrait leur interdire de se dénommer socialistes et encore moins
communistes.
CE QUE NOUS DEVONS FAIRE
A nos contradicteurs nous devons démontrer
que l’Economie Distributive constitue le véritable socialisme
puisqu’il répond en tous points aux principes posés par
ses théoriciens et précurseurs.
On rétorque que l’Economie Distributive est une utopie. Mais
comme on ne peut pas prouver qu’elle n’est pas un socialisme authentique,
nos contradicteurs, et avec eux toute la gauche, ne considéreraient-ils
pas que le socialisme, le vrai, serait aussi une utopie ? Ils n’ont
certes pas le courage de l’avouer, mais ils ont peur de cette vérité...
et ils nous ignorent, c’est plus facile. Il est vrai qu’ils ne sont
pas convaincus que le capitalisme a atteint un stade où il est
enfin possible que ses structures soient remplacées par d’autres,
plus conformes à l’état actuel des techniques.
Les faits, cependant, le leur démontrent tous les jours Mais
aucun Parti de gauche n’est préparé à faire ce
« saut » décisif et c’est pourquoi ils proposent,
tous, des réformes ; mais en les dénommant socialistes.
LE VRAI SOCIALISME
Nous ne sommes pas de ceux qui, jetant le bébé
avec le bain, refusent toutes réformes économiques ou
sociales en attendant que, comme l’avait prévu MARX, le capital
croûle sous l’effet de ses contradictions internes. Le réformisme
a du bon. Nous demandons seulement qu’on ne continue pas à appeler
socialisme ce qui n’est que du réformisme et que l’on ne s’obstine
pas à considérer comme de doux rêveurs les partisans
de l’Economie Distributive qui est le vrai socialisme moderne.
Souhaitons que les efforts que la gauche déploie pour consolider
temporairement un capitalisme moribond soient compensés : en
fixant aux militants, comme but principal de leur action, l’instauration
d’un socialisme véritablement authentique qui ne peut être
que celui que nous proposons.
(*) N.D.L.R. - Voir par exemple la confusion entretenue par A. Chalandon (cf. « Grande Relève » n° 756 p.13).