Un concours est ouvert


par  M. DIEUDONNÉ
Publication : novembre 1968
Mise en ligne : 23 octobre 2006

Problème - Il y a eu, cette année, 9.426.030 kilos de poires et 25.200.000 kilos de pêches « excédentaires », rien que dans les départements de la Drôme, de l’Ardèche et de l’Isère. Il y a également des centaines de millions de kilos de sucre « excédentaire ». Il y a aussi plus de 500.000 chômeurs dont certains seraient enchantés de trouver un emploi dans une fabrique de confitures ou une sécherie de fruits. Il y a même quatre millions d’économiquement faibles et, de par le monde, des dizaines de millions d’enfants affamés.

Question - Comment faire profiter les affamée de ces excédents ?

Telles sont les données du problème. Les économistes distingués n’ont pas trouvé d’autre solution que la destruction de ces fruits et le versement de 7, milliard 300 millions d’anciens francs aux arboriculteurs, soit environ 32 francs par kilo de poires et 40 francs par kilo de pêches détruites, que nous payons tous sans les consommer.

Qu’en pensez-vous ?

Pour se livrer à une si piteuse et si onéreuse destruction de richesses alimentaires, il n’est vraiment pas nécessaire d’être diplômé ès sciences économiques, ni de sortir de l’ENA... Qu’ont donc appris tous ces docteurs sur les bancs des facultés ? Qu’enseignent-ils à leurs infortunés élèves ? A quoi sert la « science » économique, si elle laisse ses initiés dans l’impossibilité de fournir une solution raisonnable à un problème aussi simple (et tellement humain) que de nourrir des affamés au moins avec la « surproduction » de produits alimentaires ?

Au cours de notre siècle, tous les économistes du monde et, derrière eux, des centaines de millions de producteurs et de consommateurs, n’ont trouvé que cette solution du malthusianisme économique au problème de la répartition continuellement posé par l’abondante production moderne. S’il y avait une solution raisonnable dans le cadre de l’économie des profits et des salaires, elle aurait été sûrement trouvée et appliquée depuis longtemps. Mais il ne peut y en avoir une, car l’abondance est fondamentalement incompatible avec le profit. Si l’on veut qu’elle apporte aux hommes le bien-être, la concorde sociale et la paix internationale, il n’y a, à notre sens, d’autre moyen que de remplacer l’économie du profit par l’économie distributive.

Peur ceux qui n’en seraient pas encore convaincus, la Grande Relève organise un concours sur le sujet suivant :

Comment faire, sans sortir du cadre de l’économie des profits et des salaires, pour que 34 millions de kilos de poires et de pêches « excédentaires » soient réparties, sous forme de confitures ou de fruits secs, aux personnes qui meurent littéralement de faim ?

Autrement dit, dans un sens plus général :

Comment faire, sans sortir du régime du, profit, roui, que la production ne soit plus limitée aux besoins solvables, y compris les besoins des` personnes démunies d’argents ?

Le lauréat du concours recevra le plus beau diamant du monde : la reconnaissance des millions de personnes qui meurent de faim. De plus, il. sera l’objet de l’admiration de l’humanité tout entière, pour avoir eu le génie de trouver une solution là où la foule immense des économistes et des ministres, des syndicalistes et des politiciens, des producteurs et des consommateurs ont lamentablement échoué depuis l’apparition de l’abondance dans les pays bien équipés.

 Sucre excédentaire

Celui-ci donne aussi bien des soucis aux « experts ». Ceux de la Communauté économique européenne voudraient en exporter 1 milliard 200 millions de kilos, mais leurs collègues d’un organisme international, chargé d’organiser la rareté des marchandises sur le marché mondial (afin d’enrayer l’effondrement des cours) leur accorde seulement l’autorisation d’en exporter le quart, soit 300 millions de kilos. (Chiffres au 12 septembre 1968).

Or, la baisse des cours serait une excellente affaire pour tous les consommateurs, leur effondrement- serait même une bénédiction du ciel pour les affamés du monde, qui pourraient alors se procurer des aliments « excédentaires », du sucre, des confitures, des fruits secs, du lait, du, beurre, de la viande, des oeufs, du poisson etc à des prix « effondrés,,>... Mais, hélas ! c’est impossible dans notre économie présente, car vendre sans profit ruinerait les producteurs et les vendeurs.

Cela montre, sans contestation possible, que le profit empêche la : répartition de l’abondance entre tous les hommes. Il faut choisir entre le profit et la répartition de l’abondance, c’est-à-dire entre le profit et l’homme. Bien entendu, les « experts » prennent position pour le profit, contre l’homme. Tout défenseur du profit est un ennemi juré de l’humanité. Tout humaniste conséquent veut remplacer le profit, condamné par le progrès technique générateur d’abondance, par un revenu social, afin de permettre à l’abondante production moderne de s’écouler en totalité dans le monde entier, jusqu’à satisfaction des besoins de tous.

Mais, au fait, quel est donc cet organisme international, composé « d’experts » chargé d’assurer la rareté des biens sur le marché mondial, et qui entretiennent la misère dans laquelle sont plongés les deux-tiers de l’humanité ? C’est la C.N.U.C.E.D., c’est-à-dire la Conférence des nations unies pour le commerce et le développement economique. Vous avez bien lu pour le commerce et le développement économique !... Il serait de la plus élémentaire honnêteté de désigner cet organisme conformément à sa criminelle activité Conférence des nations unies pour la restriction du commerce, la raréfaction des marchandises, la récession économique et l’organisation mondiale de la misère.

 Si nous parlions un peu de la paix

En principe, les gens repus veulent digérer en paix, mais les affamés ne sont pas dans les mêmes disposition. Que penserions-nous si nous avions le ventre vide, et si nous lisions la faim et la détresse dans les yeux de nos enfants métamorphosés en squelettes vivants ? Peut-être que des idées de vengeance et de carnage envahiraient notre esprit, devant tant d’égoïsme , et de monstrueuse incompréhension de la part des peuples repus - mais trompés sans vergogne par ces « experts » économiques qui, entièrement au service du profit, deviennent en fait des bourreaux de l’humanité.

Les Blancs se rassurent à la pensée que la bombe H rend la guerre impossible. Est-ce bien certain ? La misère est mauvaise conseillère et, contrairement aux Occidentaux, les Orientaux, eux, ne craignent pas la mort, fût-elle atomique... La bombe n’est-elle pas à leur portée ?

Dans un monde où le profit empêche les hommes d’étendre la production aux besoins réels de l’humanité, mais leur impose de la limiter aux seuls besoins solvables, sous peine de se ruiner ;

Dans un monde où le profit ne permet pas l’écoulement de marchandises abondantes (et qui pourraient être bien plus abondantes encore) là où elles font défaut ;

Dans un monde où le profit conduit à l’asphyxie économique des peuples qui ne peuvent exporter leurs produits manufacturés ou agricoles, ou qui n’ont rien ou peu de chose à exporter ;

Dans un monde où le profit oblige cent millions de nos contemporains à préparer la guerre, sous peine de chômage ;

Dans un monde où le profit provoque le chômage comme conséquence des progrès techniques (il y aura sept milliards d’humains dans trente ans et, dans ce nombre, combien de chômeurs, combien d’affamés ?) Etc.

Dans un tel monde, disons-nous, la guerre devient une fatalité - qu’entretiennent les économistes à la remorque du profit.

Nous devons nous libérer du joug intolérable du profit et de la guerre.

Le chemin de la paix commence par la destruction en soi de la croyance erronée qu’il n’y aura plus de guerre mondiale, ou qu’il est possible de l’éviter en l’état présent des choses, c’est-à-dire en économie du profit.

Cette prise de conscience conduit à la réalisation de l’économie distributive, si toutefois nous voulons vivre et laisser vivre nos enfants et petits-enfants.

Nous, abondancistes, nous croyons au triomphe final de l’intelligence et de l’amour. Peut-être est-ce aussi une croyance erronée, mais c’est notre raison d’espérer et d’agir. Ce n’est donc pas le moment de désespérer, de s’endormir ou d’imiter l’autruche, mais, au contraire, d’intensifier la diffusion de nos idées, de la Grande Relève... et d’alimenter sa souscription permanente.


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