Un droit de plus… et puis ??


par  G.-H. BRISSÉ
Mise en ligne : 15 février 2007

Un dessin publié par le quotidien Le Monde faisait remarquer, avec beaucoup d’esprit, que le meilleur hommage que les autorités françaises pouvaient rendre à l’Abbé Pierre aurait dù être de réaliser ce qu’il demandait. Elles ont préféré une grand’messe à Notre Dame et une loi sur le logement “opposable”. Et puis ??

Après de multiples péripéties, voici donc introduit dans nos institutions un droit au logement “opposable”. Un droit de plus ! Par ses actions spectaculaires, l’Association des Enfants de Don Quichotte a réussi là où d’autres ont à demi échoué. On peut certes créer des logements par ordinateur, dans un monde virtuel où toutes les compositions intellectuelles sont possibles. Prendre conscience du sort matériel de millions de gens laissés au bord d’une route, sous les arches d’un pont ou sur les berges d’un canal, est une chose fort louable. Mais aménager concrètement des logements sociaux, répondant à la variété des soins ou des situations sociales, en est une autre…

Hélas, depuis le rude hiver de 1954 et la voie forte de l’Abbé Pierre, la question du logement en France, en particulier celui des SDF, n’a toujours pas été résolue. Certains répètent à l’envi qu’il suffirait de réquisitionner les appartements vides ; mais s’ils demeurent sans occupants, il doit bien y avoir une raison. Peut-être faut-il la chercher dans le prix des loyers, devenu prohibitif ! Dans ce domaine comme dans tant d’autres, l’État qui a en charge le service public, a abandonné aux lois du marché toutes ses prérogatives. Il a renoncé à intervenir en faveur du bien commun et de la justice sociale. Comme si tous les acteurs de cette pantomime d’affairistes se réduisaient à des marchandises, ou à des animaux que l’on s’échange sur un marché à bestiaux.

Sous prétexte d’un remodelage des plans d’urbanisme, que l’on a nommé je ne sais pourquoi “plan de cohésion sociale”, on a entrepris de démolir des tours d’habitation construites à la hâte dans le souci d’héberger le plus de monde possible. Elles avaient vocation, de toute façon, à disparaître au bout de trente ou quarante ans de services. Mais, pour louable que soit cette disposition, on ne fait que remodeler des quartiers devenus invivables avec le temps ; on les remplace par des réalisations que l’on souhaite à taille humaine, mais qui rassemblent un peu moins de logements.

Certes, on a construit en France, en 2006, un peu plus que les années précédentes. Mais les nouvelles réalisations architecturales n’ont de “sociale” que l’ambition. Le coût de la plupart de ces habitations, neuves ou réhabilitées, les rend inaccessibles aux bourses modestes. Déjà les Don Quichotte replient leurs tentes. On a réglé le problème du logement le temps d’un coup de gueule médiatique en période électorale. Sans rien retirer aux mérites des initiateurs de ce mouvement, on aurait aimé qu’il débouche sur un plan à long terme.

 Un droit au logement “opposable”

Un droit au logement opposable figurera donc dans notre Constitution, au même titre que le “droit au travail” qui y est déjà. Le suprême magistrat de France a saisi cette opportunité de faire avancer les droits de « ses chers compatriotes », mais cette proclamation suffira-t-elle à fabriquer du logement ? La réitération d’un “droit au travail” n’a jamais, à notre connaissance, été créatrice d’emplois ! Elle n’a pas fait avancer d’un poil la douloureuse question de l’inactivité forcée, ni de l’exclusion sociale.

Des mots, toujours des mots....

Les problèmes du chômage, du logement, des revenus et de l’insertion sociale sont intimement liés, et on pourrait leur ajouter le droit à un environnement salubre. Mais il ne suffit pas de proclamer des droits. À tous les échelons des responsabilités que chacun d’entre nous est appelé à assumer, se trouve le devoir de transcrire ces droits en termes de solidarité, et d’accompagner de réalisations concrètes ces belles intentions.

Mais (et c’est un travers bien de chez nous) nous accordons notre préférence aux incantations verbales, aux propos à l’emporte-pièce et à l’opposition provoquée des groupes d’individus entre eux. Nous adorons les joutes oratoires. Notre société se pose en champ clos des confrontations partisanes, là où nous devrions faire l’effort de bâtir des communautés ouvertes à la recherche d’une société aussi harmonisée que possible. Ce n’est pas utopique si nous annonçons nos intentions comme un idéal à accomplir. Aux yeux des responsables politiques, il suffit de rédiger des textes et des textes de lois, pour la plupart inappliquées et inapplicables, modifiées ou annulées au gré des changements de gouvernements. Cela suffit pour affirmer que dans le jeu politicien un problème est résolu et que la messe est dite. « Ite, missa est ! » Nous avons atteint nos objectifs !

Que le pouvoir de ces acteurs, ou qui se posent comme tels, soit rétréci de jour en jour par le jeu des privatisations ou de la suppression progressive des services publics, ne semble pas les affecter. Ils osent encore hanter nos palais nationaux et leur environnement doré, d’un passé révolu, pour montrer que l’État est toujours là, pour affirmer, mais en paroles, une autorité chaque jour plus chancelante et plus teintée aux couleurs de Bruxelles. Le Parlement légifère, mais pour mettre en pratique une partition écrite ailleurs, dans les couloirs feutrés d’une Europe encore en quête d’une Constitution.

Elle devient ridicule cette sempiternelle course vers un pouvoir évanescent, vers des portefeuilles que l’on s’imagine comme l’antre de la fortune, vers une représentation nationale qui se dissout dans les arcanes du droit européen.

Alors que les entreprises se délocalisent au nez et à la barbe de nos honorables énarques, on se rappelle ce mot de Lionel Jospin, alors Premier ministre, disant en substance que le pouvoir politique était impuissant à maîtriser un tel phénomène. C’est en réalité tous les attributs du pouvoir qui échappent progressivement à leurs promoteurs, et les fonctions de la Banque de France se ramènent à une coquille vide.

Tel le monstre du Loch Ness, a ressurgi récemment l’éternel débat sur l’évasion des capitaux vers les paradis fiscaux, ou vers les fonds spéculatifs à rendement immédiat. Dans un passé récent, on aurait affirmé haut et fort que l’arrivée de la Gauche au pouvoir avait déclenché un mouvement de panique !

Aujourd’hui cette ruée vers l’étranger est expliquée par d’autres considérations. On aurait sans doute une perception plus saine de ce phénomène si l’on avait le courage de poser les vraies questions, celles qui trouvent leur origine dans l’organisation de notre système fiscal, qui est d’un autre âge, et de notre incapacité à le réformer en profondeur.

 Condamnés à la charité publique

On nous annonce périodiquement, à coup de grandes déclarations médiatiques, une baisse en pourcentage de l’impôt sur le revenu. Mais ce qu’on nous cache, c’est qu’il s’agit, en fait, d’une régionalisation perverse qui permet à l’État de se débarrasser sur les régions, les départements et les communes, de missions qui leur incombaient précédemment, et sans la contrepartie financière correspondante. De sorte que les régions et les autres collectivités territoriales ne peuvent que se retourner vers le contribuable pour assumer financièrement ces missions. Le pouvoir politique majoritaire en place se donne ainsi le beau rôle en désignant les collectivités locales, souvent dirigées par des élus de Gauche, comme responsables de la hausse globale des impôts qui en résulte les citoyens ! C’est ce qui s’appelle une arnaque nationale dont la principale responsable est l’UMP, l’Union pour le Mépris du Peuple, elle doit être dénoncée comme telle.

Les salariés et les retraités les plus modestes voient ainsi leurs revenus fondre comme neige au soleil ; ils sont phagocytés par les prélèvements obligatoires, jusqu’à devoir, pour survivre, leurs biens ou recourir à la charité publique. S’y ajoutent quelques entorses juridiques à ces “niches” fiscales que l’on accorde à gogo d’année en année, mais qui dans la réalité sont l’objet de “redressements” par les services fiscaux, validés ensuite par la voie judiciaire. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les contribuables qui le peuvent prennent le chemin de l’étranger. Ce phénomène ne concerne pas que les grandes fortunes !

Les retraites, en particulier, augmentent de 1,8 % à partir du 1er janvier alors que la hausse des prix “utiles”, ceux qui concernent directement le consommateur, est de 8,4 % ! Encore une fois, c’est une arnaque ; Ajoutons-y la forte hausse des tarifs de l’énergie, eau, gaz, électricité, essence...

Naguère, dès qu’une hausse des prix, des biens ou des services était observée, au dessus d’un certain seuil, le montant des salaires était ajusté et c’était justice. Cette échelle mobile des salaires a été supprimée, mais on n’en voit pas les conséquences en haut lieu. Et on s’étonne de la “lassitude” des Français qui, à l’occasion des élections passées, ont montré leur désarroi et leur mécontentement.

 Assurer un revenu social garanti et dépénaliser le travail

Il faut en premier lieu mettre un terme à ces délocalisations dites “boursières” si préjudiciables à notre équilibre social et au bien-être de nos populations. On peut le faire de plusieurs manières : en accordant des avantages (fiscaux et autres) aux bénéfices réinvestis dans l’entreprise, ou consacrés au développement des secteurs de la recherche, de l’innovation, etc. Actuellement, des entreprises bénéficiaires de diverses exonérations fiscales ne sont pas même contrôlées !

Il ne suffit pas d’annoncer une baisse de l’impôt sur les sociétés ! Il est urgent de modifier l’assiette de l’impôt direct, qui alimente pour 15 % les caisses de l’État. Les revenus fixes (salaires, retraites, etc) constituaient jusqu’à présent le vivier où l’on puisait abondamment pour alimenter ces budgets. Or le montant de ces salaires et retraites va s’effilochant, tandis qu’enflent d’autres types de revenus (issus des produits du capital, de la spéculation, etc)…

Il est donc urgent de substituer au système actuel, qui commence à dater, un prélèvement uniforme et obligatoire pratiquement indolore mais suffisant, de 0,1 à 1 % sur les transferts de fonds financiers : il aurait le grand avantage de puiser également aux sources des produits du capital et du travail, et outre sa modestie, il aurait l’avantage de l’équité et de la simplicité.

En dépénalisant le travail, on le libère des contraintes financières et administratives qui pèsent sur les entreprises ou les particuliers qui embauchent ou souhaitent recruter, on élimine au moins pour partie la tentation du recours au travail clandestin, et on incite fortement l’embauche et la formation. Les salariés recueillent les fruits de leur travail et en acceptant que les transferts de fonds qui les concernent soient amputés en pourcentage d’un modeste prélèvement, ils ont toujours le sentiment de “payer leurs impôts” et de participer à la solidarité nationale. À condition qu’on leur explique clairement à quoi est destiné leur argent !

Enfin sur le versant de la consommation, qu’il est temps d’ancrer plus solidement à la notion de citoyenneté, le revenu social garanti permettrait l’accès de tous les citoyens à des biens et services dits de grande consommation, parce qu’en permanence disponibles sur le marché, par rapport aux produits ou services de luxe ou de demi-luxe, rares et donc chers. Ces deux types de biens ne seraient pas disponibles avec la même monnaie. On accéderait au revenu social garanti ouvert comme un droit à tous par le truchement d’une carte de crédit spécifique sur la base d’un circuit monétaire — dont l’expression pourrait être “le franc” — interdit à toute spéculation.

Peut-être qu’à force de rabâcher ces vérités premières au risque de nous répéter, parviendrons-nous à nous faire entendre ? Loin des sentiers battus et des tristes réalités d’aujourd’hui ? Les médias s’interrogeaient dernièrement pour savoir si le suprême magistrat en place se représenterait. Par delà le spectacle fort artificiel qui nous est présenté, nous aimerions savoir de quoi demain sera fait, dans ce conservatisme ambiant présenté sous les couleurs du renouvellement, voire de la rupture !

Voici mes propositions, elles s’adressent en réalité à tous les candidats :
- une vision politique dans une société harmonisée, fondée sur la reconnaissance de la personne humaine, et non formée d’individus livrés à eux-mêmes, en confrontation permanente, comme des pions sur un échiquier.
- un redressement du niveau et du cadre de vie de l’ensemble des populations, passant par une diminution progressive des charges qui pèsent sur les salaires et les retraites, et l’amélioration du cadre d’existence et environnemental,
- par l’encouragement aux bénéfices réinvestis, la fin des délocalisations d’entreprises dont la recherche du profit maximum à court terme est le seul critère,
- la modification des modes de recouvrement de l’impôt sur le revenu et de la CSG,
- la redéfinition d’une saine régionalisation, avec précision des compétences et assises financières allouées aux missions de chacun,
- la dépénalisation du travail,
- au sein des Conseils d’administration des entreprises, une plus large représentation des fournisseurs, des salariés et de la clientèle,
- l’instauration d’un revenu social garanti, versé en une monnaie spécifique sur laquelle on ne pourra pas spéculer, qui permettra l’accès à des biens ou services de consommation courante préalablement ciblés et largement mis sur le marché, et sa contrepartie du contrat civique, ou pacte anthropolitique, portant l’exigence d’une activité utile à la société.
- une politique vigoureuse de construction de logements sociaux s’inscrivant dans un plan d’urbanisme à l’échelle humaine,
- l’édification d’une Europe confédérale des États et des Peuples,
- la réforme de l’ONU et la création d’une Organisation des Peuples Unis,
- l’instauration d’un gouvernement fédéral mondial ayant compétence pour gérer certains secteurs de l’activité humaine tels que les migrations et leurs conséquences, le maintien des grands équilibres environnementaux, la lutte contre la pollution, le désarmement et la non-prolifération nucléaire universellement contrôlés, les trafics d’armes, de drogues, la sécurité internationale, le maintien de la paix mondiale, la création d’un Corps d’Intervention Rapide permanent en mesure d’intervenir sur tous les fronts y compris les catastrophes naturelles,

Voici ma pierre à ce Désir d’avenir énoncé par une candidate qui veut être à l’écoute des Français et se montre soucieuse d’œuvrer à l’émergence d’un ordre conforme à la justice et à l’équité. Chiche ?


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