Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Mise en ligne : 29 février 2008

 Formidable Allemagne ?

Son économie résiste à tout : crise des marchés financiers, niveau élevé de l’euro, hausse des prix du pétrole, etc. En 2007, son PIB a augmenté de 2,5%, dont plus de la moitié est due à l’excédent de la balance du commerce extérieur. Elle est devenue le premier exportateur mondial. Les bénéfices des grands groupes ont progressé plus vite en Allemagne qu’aux États-Unis ou dans le reste de l’Europe. Les économistes déplorent un seul point faible : « le dynamisme du marché du travail n’a pas encore eu d’effet sur la consommation » [1]. Certains en attribuent la cause à la hausse de 3 % de la TVA en janvier 2007. Constatant la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, les consommateurs sont devenus prudents. En novembre, les ventes de détail ont reculé de 1,3 %, la baisse sur un an atteignant 3,2 %. Même les fêtes de Noël n’ont pas satisfait les attentes des spécialistes. Et pourtant le taux de chômage est descendu à 8,4 %, son plus bas niveau depuis 1993. ça ne va donc pas aussi bien qu’on pourrait le croire et les instituts de conjoncture pronostiquent maintenant une croissance comprise entre 1,4 et 1,9 %. Quant au ministre de l’économie (conservateur), il a élaboré un paquet de mesures destinées à combattre la récession qui s’annonce. Parmi les mesures qu’il envisage pour stimuler le pouvoir d’achat, figurent des baisses d’impôts…

 Une « saloperie sans nom »

C’est ainsi que le syndicat IG Metall a qualifié le nouveau plan social qui frappe l’industrie des téléphones portables en Allemagne. Après la vente de la division de téléphonie mobile de Siemens au Taïwanais Benqu, qui s’était traduite par la fermeture des sites de production de Munich et Kamp-Lindfort accompagnée du licenciement de 3.100 salariés à l’automne 2006, après la vente l’été 2007 de la division logistique de l’usine de Flensburg de l’américain Motorola, suivie de 700 suppressions d’emplois consécutives à la délocalisation en Asie de l’essentiel de la production du groupe, voici que Nokia, premier fabricant mondial de téléphones mobiles, vient d’annoncer la fermeture à la mi-2008 de son usine de Bochum en Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la délocalisation de ses activités vers des sites plus compétitifs, notamment en Roumanie. Cela se traduirait par la suppression de 2.300 emplois à Bochum et de plusieurs autres milliers d’emplois chez les intérimaires, les sous-traitants et les fournisseurs. D’après les dirigeants du groupe « la fermeture programmée de l’usine de Bochum est nécessaire pour assurer à long terme la compétitivité de Nokia » [2]. En Roumanie, les coûts sont près de dix fois moins élevés qu’en Allemagne. C’est bien la “concurrence libre et non faussée” si chère à la Commission européenne… et, jusqu’ici, au gouvernement allemand ! À côté des autorités du Land qui veut exiger de Nokia le remboursement les quelque 60 millions d’euros d’aides qu’il lui a accordées, le gouvernement fédéral souhaite vérifier que cette délocalisation vers la Roumanie n’a pas été soutenue par des financements provenant des fonds structurels européens. Ce que Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, s’est empressé de démentir. Il ne pouvait pas faire moins !

 Encore des mécontents

Les Tchèques, à leur tour, font la grimace. Le libéralisme européen, qu’ils ont tant applaudi, commence à tourner au cauchemar. Janvier 2008 devait être le début de la « révolution fiscale » et « libérer les citoyens de la ponction de l’État ». C’est du moins ce que proclamait, l’été dernier, le Premier ministre tchèque lors de l’adoption de sa réforme des impôts et du système social destinée à mettre fin au déficit chronique des finances publiques. Mais depuis le début de l’année, les Tchèques ont déchanté : seuls 22 % d’entre eux attendent une amélioration de leur vie en 2008 mais les 78 % autres sont persuadés que rien ne changera, sinon en pire. Qui plus est, ils sont 70 % à penser que la réforme ne résoudra pas le problème du déficit public. Comme partout, les plus touchés seront les fonctionnaires et les retraités car la hausse des revenus et des pensions ne compensera pas l’inflation qui a déjà atteint 5,4 % en 2007. L’augmentation du taux de “TVA réduite”, qui passe de 5 à 9 %, va renchérir d’autant le prix des produits alimentaires, la hausse en moyenne de 10 % des loyers, de l’énergie, de l’eau, l’introduction d’un ticket modérateur pour tous les soins médicaux et les médicaments, l’augmentation du prix des transports en commun (près de 25 % à Prague) inquiètent les Tchèques. Les experts estiment que l’inflation devrait s’élever à 7 % début 2008.

C’est vraiment dur de devenir de bons européens !

 Cruel dilemme

Pour ne pas ternir son image de première place boursière du monde, Londres ne sait que faire pour éviter de nationaliser la banque Northern Rock, pratiquement en faillite depuis la mi-septembre 2007, à cause de la crise des crédits immobiliers à risques, les “subprimes” [3]. En désespoir de cause, le gouvernement britannique a chargé la banque américaine Goldman-Sachs d’explorer la possibilité de faire reprendre Northern Rock par des fonds souverains [4] du Proche Orient, Le repreneur devra mettre sur la table au moins 39,76 milliards d’euros pour rembourser l’argent prêté jusqu’ici par la banque d’Angleterre. Les deux fonds souverains sollicités sont Abhu Dhabi Investment Authority (ADIA) et Qatar Investment Authority (QIA). ADIA est le fonds souverain le plus riche du monde (disposant de 422 milliards à 676 milliards d’euros). Si aucune solution n’est trouvée d’ici février (date butoir fixée par la Commission européenne), le gouvernement britannique sera contraint de mettre la banque sous la tutelle du ministère des finances, ce qui ne plaît pas du tout à la place financière de Londres. Qui plus est, la nationalisation de Northern Rock révélerait les carences du système tripartite de supervision bancaire mis en place en 1997. Enfin, en cas de mise en liquidation, les actionnaires ne recevraient aucune compensation. Une vraie tragédie !

Mais il est tout de même plaisant de voir que les banques privées de l’Occident doivent pour survivre faire appel à des banques nationalisées de pays en voie de développement !


[1Le Monde, 16/01/2008

[2Le Monde, 19/01/2008

[3Voir pages suivantes

[4Fonds bancaires appartenant à l’État.


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