Un exemple à suivre : le Zimbabwe (ex-Rhodésie) veut son
indépendance économique et pour cela il a entrepris de
lever une armée de « soldats-laboureurs ».
L’embryon de cette armée pacifique est formé sous la devise
« réconciliation avec la terre » et est constitué
d’anciens combattants appartenant à deux factions rivales de
l’armée de libération. Les ex-soldats ont troqué
leurs fusils pour des socs de charrue et sont désormais unis
dans la lutte commune pour la conquête de l’indépendance
économique. Leur formation est assurée à l’Institut
Agricole de Kushinga-Phikelela, installé sur près d’un
millier d’hectares de terres riches à environ 90 kilomètres
de Salisbury. On y enseigne la théorie et la pratique de l’agriculture,
de l’élevage et de la gestion agricole. A la fin du cours accéléré
de douze mois un certificat d’agriculture sera délivré
aux étudiants. Ils rejoindront alors les communautés rurales
les plus reculées du pays et enseigneront aux petits paysans
les techniques modernes de l’agriculture et de l’élevage. D’autres
auront pour tâche de créer des coopératives agricoles
modèles. L’objectif est de rendre les communautés rurales
autosuffisantes. L’institut envisage de multiplier ses activités
au fur et à mesure des besoins. Il est appelé à
devenir un centre de formation permanente pour favoriser la réinsertion
des anciens guérilleros, des réfugiés, des soldats
de l’armée nationale du Zimbabwe.
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Selon un rapport sénatorial présenté le 3 juillet
dernier à la presse, le coût global du chômage en
France s’est élevé en 1980 à 104,2 milliards de
francs (nouveaux) se décomposant en 34 milliards pour les indemnités
de chômage proprement dites, 31 milliards au titre des différentes
interventions en faveur de l’emploi (A.N.P.E., Fonds National pour l’emploi,
formation professionnelle, aides régionales, exonérations
des cotisations patronales, créations directes d’emplois, ...)
et 39,2 milliards de pertes de recettes (8 milliards d’impôts
sur le revenu, 31,2 milliards de manque à gagner pour la Sécurité
Sociale). Ces 104,2 milliards de francs correspondent à un salaire
brut de l’ordre de 4 800 francs qui aurait pu être versé
aux 1 800 000 chômeurs recensés en 1980 (c’est-à-dire
un salaire bien plus élevé que le S.M.I.C.).
Le présentateur du rapport (M. Fosset, sénateur centriste
des Hauts-de-Seine) propose évidemment des solutions pour «
limiter les déperditions financières du sous-emploi ».
Il ne trouve rien de mieux que de « favoriser la poursuite de
la tendance au ralentissement de la productivité globale dès
facteurs « travail et capital » en freinant le mouvement
de substitution du capital au travail ».
Encore un qui voudrait voir balayer les rues avec une brosse à
dents.
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Ce brave sénateur n est pas au bout de ses peines : au cours d’un congrès sur la micro-électronique qui s’est tenu récemment à Ottawa, on a prévu que quarante pour cent des emplois de bureau pourraient être éliminés d’ici à 1990. Bien sûr de nouveaux emplois seront créés par la micro-électronique mais en nombre bien inférieur à ceux qui seront supprimés. V. Leontief, prix Nobel d’Economie et professeur à l’Université de New-York, pense que la seule solution efficace est de réduire la durée du travail et cela, sans diminuer les salaires. C’est, selon lui, possible car la productivité accrue des travailleurs compensera la réduction des heures de travail. Il a rappelé qu’entre 1870 et la seconde guerre mondiale, le nombre d’heures de travail par semaine était de 72 et qu’il est maintenant passé à 42. Depuis, la baisse s’est ralentie et est pratiquement arrêtée aux Etats-Unis, a-t-il ajouté.
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On sait que les pays les plus développés se sont lancés dans la lutte contre le chômage en créant de plus en plus d’emplois « tertiaires ». L’économie américaine est en tête du peloton avec trois emplois tertiaires pour un emploi industriel (contre 2 en Europe et au Japon). Dans un livre intitulé « Informatisation et emploi : menace ou mutation ? », M. Christian Stoffaes précise qu’aux Etats-Unis, le nombre « d’hommes de loi » s’est accru de 90 % entre 1970 et 1980, portant la proportion de ceux- ci à 1 pour 3 ingénieurs (soit 20 fois plus qu’au Japon et 5 fois plus qu’en Europe). Selon lui, la société américaine « semble consacrer une part de plus en plus importante de ses ressources à régler ses conflits internes et à régler sa propre activité ». C’est pour l’auteur une conséquence de l’inflation du tertiaire. Allant plus loin, Stoffaes estime que la sortie de cet engrenage peut se faire par l’informatisation et la télématisation des activités tertiaires et par une mutation de la société impliquant « la fin de l’ordre marchand et de la notion de travail-valeur » et l’avènement du temps libre, de l’auto- production et de l’échange convivial.
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C’est un peu le même point de vue que défend Michel Rocard
lorsqu’il déclare : « L’économie doit primer le
monétaire et non l’inverse. Pour construire une société
plus agréable et accueillante aux Français et à
leurs hôtes étrangers, il faut commencer par le vouloir.
L’économie n’est que de l’ordre instrumental, elle doit être
au service d’un projet social et culturel à dimension internationale
»...
« Le socialisme ne rompra avec le capitalisme que s’il ne prolonge
pas le même mode de production. Aussi la réduction de la
durée du travail doit-elle avoir une finalité autre que
travailler moins : elle met en cause un ordre social car elle peut devenir
un instrument personnel de libération et d’épanouissement
par rapport à l’encasernement dans l’industrie ou l’administration.
Elle doit être considérée à terme sous cet
angle, quitte, dans l’immédiat, à tenir compte des obligations
de l’acte de produire ».