Au fil des jours


Publication : 27 juillet 1939
Mise en ligne : 23 avril 2006

  Sommaire  

Toujours la question de savoir si on va avoir la guerre. On dirait que cela dépend d’une puissance extra- humaine.

Disons que les hommes ont perdu la tête, et qu’avec des gens pareils on ne sait pas très exactement ce qu’ils vont faire.

En tout cas, si la guerre n’éclate pas dans le courant du mois d’août, il y a des chances pour qu’on n’en perle plus. Il restera à régler la question des armements. C’est la que nous attendons les économistes distingués.

 

On fera comme on faisait avant, disait l’un d’eux cette semaine. Il oublie qu’on a fait des armements parce. qu’on ne pouvait plus vendre ce qu’on faisait avant.

 

Dans le « Journal » on signalait ce que notre confrère appelle un curieux document. C’est une missive, attachée à un cerf-volant venu d’Allemagne, dans laquelle une mère de famille allemande disait que, dans son pays, on espérait bien que la guerre n’aurait pas lieu. Curieux document, n’est-ce pas ? Mais plus curieux encore le journaliste qui trouve cela curieux. Une mère allemande qui ne veut pas qu’on tue ses enfants ! Car à force de représenter la masse allemande comme une masse de monstres déchaînés, certains écrivains (?) se laissent prendre à leurs écrits.

 

On vient de découvrir la vénalité de la presse. Quelle indignation vertueuse chez nos grands confrères ! Avouons cependant que si quelques articles et la publication de photos de la propagande hitlérienne n’ont rien rapporté à nos confrères, c’est que ces gens-là travaillent gracieusement pou ; le roi de Prusse. Après tout, tout est possible, n’est-il pas vrai ? Mais ce sont des gâcheurs.

 

Bien de drôle comme la feinte indignation de ceux qui dénoncent les livraisons de minerai français à l’Allemagne. On dirait que ces gens-là ignorent que, même en temps de guerre, le petit commerce international s’arrête pas. À plus forte raison en temps de paix, où l’échange est à la base de toute l’activité économique.

Nous livrons du minerai aux Allemands. Les Allemands vendent au Français de l’outillage dont nous nous servons dans les armements. Les Allemands fournissent aussi du materiel de guerre aux Chinois qui se défendent contre les Japonais, alliés des Allemands. Les Allemands arment des peuples qui, en cas de conflit, ne seront certainement pas à leur, côté. Ainsi va le régime capitaliste.

 

Et la vente des bateaux de guerre de l’Italie à l’U.R.S.S. contre du pétrole continue de plus belle. Si notre grande presse n’en parle pas, c’est pour que ne tombent pas en pâmoison nos conservateurs sociaux. Et l’on mande de Berlin que les Allemands vont ouvrir des crédits à l’U.R.S.S. pour vendre de l’outillage à l’industrie soviétique.

 

Et l’« Ordre » signale que l’Italie vient de rappeler les officiers italiens qui suivent les cours de notre Ecole de Guerre. Il parait que c’est très grave, parce que ces cours ne se terminent que le 31 juillet. Mais qu’est- ce qui vous étonne le plus : le rappel de ces officiers, ou le fait que notre Ecole de Guerre enseigne l’art de la guerre aux militaires de l’Axe ?

 

En attendant, nos confrères de la grande presse se réjouissent de la défaite des troupes chinoises. Il paraît que l’armée des rouges Chinois est définitivement battue par nos amis du Japon. Mais ces Chinois, jaunes au propre, devenus rouges au figure, n’est-ce pas joli ?

 

Grosse déception : les Américains n’auraient pas du tout le désir de venir à nos côtés en cas de guerre européenne.

La naïveté de ceux qui font l’opinion en France est incommensurable. Ils ont déjà oublié que le Président Wilson a dû faire campagne - pendant deux ans et en pleine guerre - pour décider les Américains à se mêler au dernier conflit.

Alors, vraiment on les croyait fin prêts à remettre ça ?

 

En Espagne le torchon brûle. Les gens qui n’ont été capables que de détruire, ne tarderont pas à se détruire entre eux.

 

Pour l’instant, personne ne songe à l’effondrement monétaire qui va se produire en automne. Que va-t-il rester de l’accord tripartite lorsque la livre aura l’accès de faiblesse que la perte de la moitié de son stock d’or devrait cependant faire prévoir à nos brillants spécialistes de la monnaie ? Et croit- on que les Etats-Unis conserveront alors l’étalon-or ? Et quand les Etats- Unis auront abandonné l’étalon-or, que restera-t-il de la valeur de l’or lui-même ?

 

Certes, on nous répondra que nous l’annonçâmes déjà il y a deux ans. C’est exact : nous ne pensions pas que les hommes accepteraient de fabriquer pour 2 milliards 300 millions d’armements par jour sur la planète. On oubliait que la bêtise humaine, seule, donne l’idée de l’infini. On ne croit jamais le monde aussi bête qu’il est disait déjà Madame de Tencin.

Mais si les événements retardent un peu sur les prévisions, ils ne s’en produisent pas moins.

 

Tant de gens sont disposés à prendre leurs désirs pour des réalités, que, pour beaucoup, notre situation financière est définitivement réglée.

N’affirme-t-on pas que le budget ordinaire est en équilibre ? Or, budget ordinaire et budget tout court sont deux expressions que l’on confond fa- cilement.

Je dépense cinquante mille francs alors que je n’en gagne que vingt mille. Mon budget est terriblement dé- séquilibré. Pardon, votre budget ordinaire est en équilibre. En effet, il suffit de faire deux parts de vos dépenses : l’une, de l’importance de vos recettes ; l’autre, de tout ce qui les dépasse. Ne vous occupez que de la première, et affirmez que votre budget ordinaire est équilibré.

Ainsi, en 1939, notre budget ordinaire est équilibré par définition. Reste l’autre : il n’a jamais connu plus grand déficit. On en reparlera au mois d’octobre.

 

Car enfin hausse des impôts, hausse du prix de la vie, c’est une forme de redressement que M. Reynaud, doublé de M Rueff, ne pourra pas continuer pendant 3 ans.

 

Nous ne tarderons pas à nous montrer tout nus Si le redressement Paul Reynaud continue.

 

M. Coutrot, déjà l’éminence grise de M. Spinasse, est devenu l’Egérie de M. Patenôtre. Toujours avec le même succès.

On trouve que le secteur de guerre va bien, mais que le secteur ordinaire ne bat que d’une aile. Alors M. Coutrot voudrait remettre en route le secteur ordinaire.

Pauvre M. Coutrot qui n’a pas encore compris (ou ne veut pas comprendre) que, si le secteur ordinaire marche encore, c’est à l’importance du secteur de guerre qu’il le doit. Voilà où l’on en est quand on maintient le régime capitaliste à grand renfort d’intégrales. Quand M. Coutrot comprendra-t-il qu’il est intégralement dans l’erreur ?


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