Au fil des jours


Publication : mars 1968
Mise en ligne : 22 octobre 2006

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Mr. Marcellin, ministre du Plan, vient de faire une fière déclaration il entend supprimer le chômage. Bravo ! S’il y parvient il éliminera Hercule de l’histoire, car lui n’y serait jamais parvenu.

Ce qu’il y a encore de plus admirable dans la déclaration de M. Marcellin, c’est qu’il n’a pas révélé comment il entendait s’y prendre : c’est une surprise qu’il veut nous réserver.

Après son succès, il aura bien le droit de prendre un brevet. Se doute-il du prix qu’on lui offrira pour avoir une licence ?

 

Une bonne nouvelle : on sait que le chômage augmente dans le Nord. Les charbonnages ferment les uns après les autres, l’utilisation du charbon ne cessant de diminuer puisqu’on possède le pétrole, l’énergie électrique, demain l’énergie atomique.

Il s’agit donc de reconvertir les mineurs pour réaliser le fameux plein emploi.

Or le problème ne tracasse plus M. Yvon Morandat, président des Houillères, car il explique, dans « Le Figaro », que les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais possèdent, à eux seuls, un marché de 60 millions de consommateurs, donc 10 millions de plus que la France.

Si M. Yvon Morandat était un homme du Midi, on sourirait aimablement, mais ce n’est pas le cas. Il :est bel et bien un homme pondéré du Nord.

Où M. Yvon Morandat a-t-il découvert ces 60 millions de consommateurs ? Tout simplement en annexant ce qu’il appelle le triangle lourd : Paris - Londres - Bruxelles - La Haye - Luxembourg - Bonn - Anvers - Amsterdam - Rotterdam etc. bref tous les territoires possédant « un réseau dense de communications maritimes, fluviales, ferroviaires et routières avec les départements du Nord et du -Pas-de-Calais.

Mais ô vaillant précurseur ! ces 60 millions de consommateurs n’ont donc pas encore de producteurs ?

Il semble au contraire qu’ils en ont trop, le chômage augmentant sur tout ces territoires... Sur tous, les moyens de production marchent au ralenti, et Yvon Morandat veut en créer de nouveaux comme si ces territoires étaient sous-développés !

N’estimez vous pas que l’aimable M. Yvon Morandat abuse un peu de la crédulité de ses contemporains ?

Comme aussi l’éminent économiste du Figaro, M. Michel P. Hamelet, qui rapporte, avec le plus grand sérieux, les propos inconsidérés de Monsieur Y. Morandat ?

 

Comment faire comprendre à ces petits plaisantins, que s’ils veulent créer des emplois nouveaux, il faut supprimer les machines, car nous ne les inventons que pour supprimer des emplois ?

Enfin l’objet de la production est de créer des richesses de toute nature et non des emplois.

Voilà plus de trente ans que la Grande Relève explique cela en long et en large, mais l’idée qu’un homme puisse vivre sans travailler qu’à condition de trouver une fortune dans son berceau, voilà ce que n’admettront jamais ni M. Yvon Morendat, ni M. Raymond Marcelin, ni bien d’autres.

 

M. Pompidou s’étant parait-il faché, M. Michel Debré a sorti son plan de relance, M. Giscard d’Estaing a aussitôt sorti le sien. Tous deux n’étant que des enfantillages, l’opposition a timidement proposé le sien. Hélas ! si c’est ce qu’apporte Mitterand, cela ne serait plus la peine de changer de gouvernement.

La guerre à l’abondance est toujours mieux organisée. Ainsi la grande presse nous informe que l’année dernière, 17 millions de kilos de fruits et légumes ont été détruits parce qu’on n’a pas réussi à les vendre assez cher. En voici le détail :

7 millions et demi de kilos de pommes par les soins des comités de Montauban, Nîmes, Angers et Orléans.

Presque 7 millions de kilos de choux- fleurs par les comités de Saint-Pol-de Léon, Châteaurenard, Saint-Malo, Nîmes et Angers.

200.000 kilos de tomates en provence et Languedoc.

481.000 kilos de poires, par les comités d’Orléans, d’Angers, de Montauban, Valence.

Pour subventionner ces destructions la F.O.R.M.A. a versé quelques millions remboursés par les contribuables.

Ne contestez pas ces chiffres, ils ont paru à l’Officiel, dans une réponse de M. Edgar Faure à un député du Vaucluse. N’est-il pas admirable qu’on ait organisé systématiquement ces destructions au moyen de comités spéciaux ?

 

En revanche, la grande presse reconnaît que nous n’avons pas trop d’ennuis avec notre blé, le gouvernement ayant réussi à en écouler 500.000 tonnes aux Chinois, soit 500 millions de kilos. Mais à quel prix ? Beaucoup plus bas que celui auquel l’Etat les avait achetés. Mais c’est sans importance puisque les contribuables font la différence.

 

En ce qui concerne le lait, les six du futur Marché Commun se disputent farouchement.

Qu’en faire ? La catastrophe dénoncée par M. Mansholt prend des proportions folles. Avec du lait on fait du beurre et les six en stockent des millions de kilos. Alors un projet a vu le jour : Pourquoi ne pas en vendre à bas prix ? Mais tout de suite le Figaro nous avise qu’il est encore moins bon que la margarine !

 

A ce propos M. Mansholt a tenu un langage qui a jeté un froid. A Bruxelles, s’adressant aux agriculteurs hollandais dont la réputation est mondiale, il affirme que prétendre que le prix du lait doit couvrir les frais qu’il coûte (non pas aux vaches mais aux propriétaires des vaches) est une vieille balançoire. Pourquoi ? Parce que le nombre des agriculteurs va probablement diminuer. Il représente actuellement 7 % de la population de la Hollande. Il en représentera bientôt 2,5 %. Que deviendront les autres ? C’est un problème qui sort de l’épure de M. Mansholt. A ses yeux, l’unité de production sera prochainement : 400 vaches occupant 5 personnes.

On aimerait voir la tête que fait M. Alfred Sauvy.

 

A la bonne heure, notre gouvernement créé des emplois. En vertu de la loi de finance rectificative pour 1966, et d’un décret du 7 décembre 1967, il vient de fonder l’Institut National de Consommation (sic). Qu’est-ce que cela veut bien dire ? Pour un rédacteur du Figaro, cet Institut National de Consommation sera : le bouclier des ménagères et des familles en leur permettant de bien acheter (sic) ! Avez- vous compris ?

Peu importe, ce nouvel organisme a un budget annuel de 360 millions d’anciens francs, soit un million par jour. Tel est le prix du bouclier en question. Et avec ça « il éclairera objectivement le consommateur sur les prix et les principales caractéristiques des biens de consommation courante ». Ce serait donc un gigantesque catalogue ? Peut-être. Ce qui est clair c’est que l’Institut aura un conseil d’administration comprenant 12 représentants des consommateurs, 6 professionnels (?), enfin 5 fonctionnaires. Il aura son autonomie et, ainsi que l’a déclaré son directeur (Fig. 20.2.68) « il fera ce qu’il a à faire ». En effet, vous admettez bien qu’avec 360 millions par an, on peut faire quelque chose. Ils ne seront certainement pas perdus pour tout le monde.

On crée aussi une fondation Nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (sic) Sans commentaires ! Il faut bien créer des emplois.

 

La grande conférence Internationale de New Delhi n’est-elle pas un modèle parfait d’hypocrisie ?

Il s’agit, on le répète à satiété, de courir au secours du tiers monde, celui des pays sous-développés. Les nations hautement industrialisées entendent faire leur devoir, car elles n’ont pas la conscience tranquille.

Ouverte au début de février, la conférence doit prendre fin le 25 mars. Elle réunit 1.300 délégués représentant 132 nations. La précédente s’était tenue eh 1964 .à Genève. On avait péroré infatigablement pour n’aboutir à rien.

De quoi s’agit-il ? De l’aide que les nations riches entendent apporter aux nations pauvres, mais elles s’en garderont comme de la peste. Pour permettre aux pays pauvres de se développer, il n’existe que deux moyens. Le premier consiste à leur fournir l’équipement qui leur manque, autrement dit à les industrialiser. Mais qui pourrait supposer que les nations industrialisées ayant déja tant de peine à écouler leurs produits, vont industrialiser les nations pauvres, pour grossir le nombre de leurs concurrents ? Le second moyen serait d’acheter plus cher, aux nations pauvres, les matières premières dont elles regorgent. Dans ce cas les nations riches augmenteraient le prix de revient de leurs propres marchandises, ce qui diminuerait leurs profits. Cette seule proposition ne fait- elle pas hausser toutes les épaules ?

Ce n’est pas tout. Les nations riches au bon coeur s’apitoient sur le nombre des économiquement faibles existant dans les nations sous-développées. Autrement dit elles voudraient diminuer la misère qui règne dans la plus grande partie du monde. Or sont-elles capables de la diminuer sur leur propre territoire ? La plus riche nation du monde, les Etats-Unis, compte 32 millions de pauvres gens ! Le président Johnson voudrait bien faire la guerre à la pauvreté, et a même déposé un projet de loi à cet effet. Mais il préfère encore faire la guerre au Vietnam...

Et de son côté le Congrès prétend que la pauvreté peut attendre... Ceux qui en souffrent en ont pris l’habitude.

Le plus curieux de l’histoire, c’est que les nations pauvres sont loin de ne compter que des miséreux. Il existe sur leur territoire des gens aussi riches, sinon plus riches encore que dans les nations industrialisées. En résumé, la pauvreté est la conséquence de la richesse dans tous les pays du monde. C’est donc partout que le système économique en rigueur a fait son temps.

L’interminable guerre > du Vietnam vient de révéler que l’armée,, américaine possédait des armes tactiques nucléaires : le fusil contient une mignonne cartouche atomique, le canon un petit obus nucléaire. Avez-vous lu que le grand Etat-Major de l’armée des Etats-Unis éprouvait, une grande tentation de s’en servir ? et ma foi si l’on était bien sûr que le Vietcong n’en possédât pas...

Alors n’écoutez plus les sinistres imbéciles qui écrivent qu’on ne se servira pas des bombes atomiques dans la prochaine guerre mondiale. Au début sûrement pas, mais le vaincu ne battra certainement pas en retraite avec ses bombes atomiques dans ses fourgons.

Mais dans la deuxième guerre mondiale on ne s’est pas servi des gaz asphyxiants ! Par la simple raison qu’on n’en avait plus besoin. La première guerre mondiale fut une guerre de position. Les adversaires s’étaient terrés -dans les tranchées. C’est pour les déloger qu’on inventa les gaz. La seconde guerre mondiale fut une guerre de mouvement. Elle gagna même l’Afrique. Les gaz n’étaient donc plus nécessaires.

 

Dans l’hebdomadaire Newsweek, un lecteur dresse un fâcheux parallèle entre les Américains de la C.I.A. et les Allemands du temps de Hitler.

Les Allemands massacraient les Juifs. Les Américains de la C.I.A. font massacrer la population du Vietnam, de la Corée et d’autres pays asiatiques. Il faudrait réfléchir, écrit - il, que toute bombe qui tombe au Vietnam provoquera un jour la chute de plusieurs bombes sur le territoire des Etats-Unis. Alors il supplie les Américains de bonne volonté de faire, l’impossible pour ne pas augmenter le prix que leurs enfants auront un jour à payer.


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