ON en aura décidément beaucoup parlé en 1977. Depuis les élections municipales de mars dernier, dans lesquelles ils ont joué un rôle dont l’importance a surpris, les mouvements écologistes n’ont pas chômé, prenant un peu partout des initiatives souvent spectaculaires dont les gouvernements ont dû se préoccuper ; du Canada au Larzac, des bébés phoques aux centrales nucléaires, leurs actions ont été, en France, auscultées avec d’autant plus d’attention que la grande consultation de 1978 approche.
Or chaque fois qu’un mouvement, ou une idée,
accentue son impact sur l’opinion publique, on assiste à l’envol
des suiveurs, désireux de récupérer à leur
avantage le courant ascendant, même au prix d’une altération
profonde des objectifs initiaux. C’est bien ce qui s’est produit cette
année où les partis politiques les plus importants, tout
comme les groupuscules les plus divers, ont allègrement pataugé
dans un vocabulaire dont la publicité commerciale elle-même
n’a pas hésité à s’emparer avec son cynisme habituel
: tout est maintenant biologique, à la mode de grand’mère,
super naturel, etc., etc...
Mais au delà des mots et de la mode, a-t-on vraiment progressé
? A-t-on vraiment défini ce programme d’action cohérente
dont l’urgence apparaît chaque jour plus clairement aux yeux les
moins avertis ?
LE MASSACRE CONTINUE
Je réfléchis à tous ces problèmes
dans mon petit village landais où j’écrivis, en septembre
1973, un article intitulé « L’Oeillet des Dunes »
(GR n° 708 de décembre 1973). Comme prévu, le désastre
s’est accentué au point qu’une émission télévisée
l’a choisi comme modèle de ce qu’il ne faudrait plus faire, mais
tout n’a pas été montré. Personne n’a dénoncé
les agissements des promoteurs qui, en catastrophe, quelques jours avant
l’arrivée des touristes pour les vacances de Pâques, ont
fait boucher et repeindre les fissures de plusieurs centimètres
qui zigzaguaient le long des constructions à peine achevées
; personne n’a parlé de la petite route longeant le chenal marin
qui s’est affaissée à plusieurs reprises tandis que les
« espaces verts » et les « terrasses avec barbecue
individuel » disparaissaient sous les centaines de mètres
cubes de sable que les vents d’hiver ne manquent jamais de projeter.
Et tout cela parce que, à coups de millions, ont été
obtenus des permis de construire dans une zone présentant toutes
les caractéristiques du domaine maritime, travaillée sans
cesse par des marées d’une violence dont les estivants allemands
ou hollandais, principaux acheteurs, n’ont aucune idée.
Cas isolé ? hélas non 1 et à quelques kilomètres
au nord voilà que s’installe MERLIN, le massacreur de la côte
normande et de la Vendée, avec ses énormes moyens, sa
publicité fracassante, ses cubes de béton arrangés
à toutes les sauces dont la laideur est l’image de marque essentielle.
Tandis qu’au sud c’est tout le front de mer de BIARRITZ qui est attaqué.
On a ainsi la quasi certitude que, derrière le décor en
trompe l’oeil de la mode écologique, la machine à gros
profit continue imperturbablement son oeuvre de destruction irréversible
et c’est pourquoi, devant la naissance de nouveaux mouvements, aussi
bien intentionnés et parrainés soient-ils, le scepticisme
est inévitable si ces mouvements ne sont pas convaincus de l’absolue
nécessité d’abattre l’obstacle n° 1 : le régime
financier actuel.
LA VERITABLE ECOLOGIE
C’est ce que j’ai essayé de faire admettre
récemment aux dirigeants du nouveau groupe Paul- Emile VICTOR
derrière lequel se sont rangés les pionniers et les vrais
lutteurs de la défense de la Nature. Jacqueline AURIOL, Alain
BOMBARD, Jacques-Yves COUSTEAU, Jacques DEBAT, Louis LEPRINCE-RINGUET,
Haroun TAZIEFF.
Nous ne manquerons pas de tenir nos lecteurs informés des suites
de cette action destinée principalement à oeuvrer d’une
manière réaliste.
Il faut en effet éviter de tomber dans le piège d’un utopique
rousseauisme, bien évidemment incompatible avec les données
démographiques de notre siècle. Les contestataires aux
longs cheveux, armés de leurs guitares et de leurs bonnes volontés,
ont eu le grand mérite de frapper les esprits, mais le grand
tort de donner des arguments à tous ceux qui voudraient remiser
l’écologie au rang du folklore, et d’assimiler ses disciples
à de doux rêveurs plus ou moins farfelus. Oui, il faut
loger, nourrir, donner des loisirs au plus grand nombre ; oui, il faut
trouver de nouvelles formes d’énergie pour prendre le relais
des sources actuelles basées sur des matières premières
dont les réserves ne pourront que s’épuiser à une
cadence sans cesse accrue. Mais il faut faire tout cela avec le seul
souci de satisfaire les vrais BESOINS des hommes et non de réaliser
à court terme d’énormes profits auxquels tout est sacrifié.
La querelle du nucléaire, par exemple, qui a fait tant de bruit
cette année et suscité déjà tant de violences,
est une fausse querelle. En elle- même la technique de l’atome
peut donner des résultats étonnants si, débarrassée
des fausses priorités actuelles (rentabilité - nationalisme
étriqué - répercussions militaires), elle est mise
au service de l’Homme avec toutes les précautions qu’imposent
la sécurité et la qualité de l’environnement.
Mais pour en arriver à cette « ECOLOGIE des BESOINS »,
il faut deux conditions essentielles. D’abord beaucoup de compétence
technique. Et cette première condition est relativement facile
à satisfaire car, en France et ailleurs, existent des chercheurs,
des savants, des techniciens prêts à mettre toutes leurs
connaissances au service d’objectifs nettement définis.
Mais il faut aussi (je n’ose pas écrire surtout) nous débarrasser
totalement de cette économie de marché, de cette gangue
financière dans laquelle s’engluent les efforts les plus méritoires
et les derniers espoirs de sauver ce qui peut l’être encore.