Éditorial


par  J.-P. MON
Mise en ligne : 31 mai 2007

Lorsque vous recevrez ce numéro de la Grande Relève, le résultat de l’élection présidentielle sera connu, alors que nous bouclons une semaine avant. Quel qu’il soit, il est extrêmement important que les élections législatives qui vont suivre amènent à l’Assemblée nationale une majorité capable d’imposer au Président et à son gouvernement une politique qui réponde aux aspirations des électeurs. Il faut prendre conscience des dangers du programme du candidat de l’UMP, surtout s’il disposait d’une assemblée de godillots, comme cela a souvent été le cas sous les gouvernements de droite. Le point majeur qu’il importe de souligner et de faire comprendre aux futurs députés est que, quelle que soit leur volonté de procéder à des réformes sociales, de défendre les services publics, de développer l’enseignement et la recherche, etc., ils ne pourront rien faire tant qu’ils n’auront pas redonné à l’État la maîtrise de la création monétaire.

Des précisions utiles pour cela sont dans le livre de M.-L. Duboin Mais où va l’argent ? [1]

Commençons par quelques démystifications :

 Sacrés économistes !

La campagne présidentielle aura permis aux éminents économistes de tous bords de s’en donner à cœur joie et de faire preuve d’un bien immodeste triomphalisme. Au lendemain du premier tour, on a pu entendre sur France Culture [2] l’économiste O.Pastré et l’ex-économiste J.-C. Casanova s’accorder pour célébrer la “victoire de l’économie” et se réjouir de ce que les grands candidats « n’aient pas dit trop de bêtises sur la dette ». Ils ont simplement oublié de dire l’essentiel (mais, peut-être ne le connaissent-ils pas), à savoir que les gouvernements se sont dessaisis de leur pouvoir régalien de création monétaire au profit d’établissements financiers privés à qui les contribuables versent sans le savoir une rente s’élevant pour la France à la totalité des impôts sur le revenu.

Un autre de leurs sujets favoris a été la défense de la Banque Centrale Européenne contre les attaques (irresponsables, selon eux) des divers candidats : les “petits”, bien sûr, mais aussi les “grands”. Même leur très cher et ultra-libéral Sarkozy n’a pas échappé à leurs critiques. N’avait-il pas osé déclarer (hypocritement à mon avis) le 28 mars : « une monnaie trop chère, c’est un inconvénient, ce n’est pas un atout » en attribuant à l’euro fort les dégâts provoqués chez Airbus. Et fidèle à sa politique de caresse de ses électeurs potentiels dans le sens du poil, il a promis qu’en cas de victoire, il « déclencherait une offensive diplomatique » pour affaiblir l’euro : « je demande qu’on puisse faire avec l’euro ce que les Américains font avec le dollar, les Japonais avec le yen et les Chinois avec le yuan… Est-ce trop demander que la BCE le fasse aussi en poussant l’euro à la baisse pour obtenir un cours de change plus raisonnable ? ». Sa suffisance, « M. Euro, c’est moi » (à savoir, M. Trichet, le Président de la BCE) n’a pas tardé à réagir en se moquant de « ceux qui redécouvrent la lune » en ces termes : « Ne découvrons pas aujourd’hui que nous avons un système de changes flottants ». Absolument pas inquiet de la force de l’euro, il a laissé entendre qu’une nouvelle hausse d’un quart de point du taux directeur était probable pour le mois de juin, ce qui a eu pour effet immédiat de faire monter encore plus la monnaie européenne.

M. Trichet joue les gros bras face aux gouvernements européens. Alors qu’il sait, aussi bien que François Morin, ancien membre du Conseil général de la Banque de France, que, « depuis les années 90, quelques dizaines de banques ont conquis le vrai pouvoir de régulation monétaire : ce sont elles désormais qui dictent effectivement l’évolution des taux d’intérêts, et non plus les banques centrales » [3]. Mais la classe politique a l’air de l’ignorer totalement.

 Ignorance ou soumission totale au marché ?

Le 16 avril, réunis à Washington, les Ministres des finances du G7 se sont contentés de rappeler dans leur communiqué final que « les taux de change doivent refléter les facteurs fondamentaux de l’économie » et que « la volatilité excessive et la variation désordonnée des taux de change sont indésirables pour la croissance économique ». Selon le Ministre des finances japonais la question de l’euro fort n’a même pas été discutée, au grand dam du Ministre des finances français, Thierry Breton, totalement isolé. Le directeur du Fonds monétaire international pour l’Europe ne pense absolument pas que l’euro fort soit une menace pour la croissance dans la zone euro : « L’euro est justement évalué. Il est au bon niveau pour une croissance durable dans la zone euro… Je ne comprends pas ceux qui craignent que le niveau élevé de la devise européenne nuise aux exportations de cette zone monétaire… car les exportations y sont fortes, les comptes courants équilibrés et la croissance y est plus forte qu’elle ne l’a été depuis des années ».

Nos gouvernants restent donc totalement aveuglés par “l’autorité“ de la BCE qui n’est que de façade puisque, en fait, « ce sont les quelques grandes banques qui possèdent le pouvoir d’influencer la formation des taux d’intérêts qui agissent sur les conditions de financement de l’économie mondiale, c’est-à-dire sur le financement des investissements, sur la croissance et sur l’emploi » [3]. Adieu la démocratie !

 L’aveu

Comme à l’accoutumée, Nicolas Sarkozy, qui n‘en est pas à un retournement près, et sans doute repris en main par ses amis de la finance, déclarait un mois après sa diatribe contre l’euro fort : « il est vain de demander une réforme des statuts de la BCE que nous n’obtiendrons pas parce que nous n’aurons jamais l’unanimité des pays européens sur ce point » [4]. Battu sans même avoir combattu, ça promet bien des déceptions à ceux qui seraient tentés de suivre le guide autoproclamé fort et résolu !


[1Voir pages suivantes

[2dans le bulletin d’information de 8 heures.

[3François Morin, Le nouveau mur de l’argent, éd. Seuil, 2006. Voir GR 1075, p. 4-5.

[4Le Figaro, 18/04/2007.


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