... Il s’agit de fournir aux pays les plus déshérités
l’aide nécessaire pour survivre puis se développer. Refuser
d’utiliser le paternalisme, de créer un néo-colonialisme,
qu’il soit industriel, commercial ou idéologique et qui fait
de la nation aidée le vassal de l’Etat tutélaire. Créer
un organisme international chargé de récolter la part
des pays donateurs et de la distribuer équitablement aux pays
bénéficiaires.
Ensuite, en direction de la justice. Il s’agit de supprimer les inégalités
sociales et l’arbitraire de la raison d’Etat. Donc, de créer
les organismes permettant, en dépit de la notion sacro-sainte
de « non-ingérence » (c’est-à-dire de complicité
entre Etats), de substituer aux décisions unilatérales
en matière de justice (et notamment d’extradition, de droit d’asile,
de possibilités de quitter son pays et d’y revenir) des arrêts
équitables. La création d’une cour pénale internationale
pourrait en être le moyen essentiel.
Permettre une égale distribution des richesses matérielles
et morales entre individus dans le cadre de la nation et une égale
répartition des richesses entre nations, cela s’appelle respectivement
la justice et la paix. Ce n’est guère loin du socialisme tel
qu’on peut le rêver et même le concevoir.
J’entends bien qu’on criera à l’utopie à la lecture de
ces deux propositions. J’accepte seulement l’idée de lenteur,
de longueur de temps, pour arriver, à ces créations. Encore
que l’on ne puisse évaluer à l’avance les brusques mutations
qui s’opèrent dans l’opinion publique lorsqu’un choc émotionnel
accélère le processus de réflexion.,
.. . Quant à la notion de folie cachée derrière
le reproche d’utopie, Jean Jaurès y répondait déjà
(le 23 janvier 1903, à la Chambre des députés)
: « Le progrès humain se mesure à la condescendance
des sages pour les rêveries des fous, et l’humanité aura
accompli son destin lorsque toute sa folie aura pris la figure de la
sagesse. »
« Combat Socialiste »
(N° 17, jeudi 19 mars 1981.)
(1) Président de la Ligue internationale des droits de l’homme. Conseiller de François Mitterrand.