L’empire colonial


par  R. CHABRIDON
Publication : 24 janvier 1939
Mise en ligne : 14 mai 2006

Je lis toujours avec le plus grand pIaisir les articles de M. Fauchère dans l’Agriculture Nouvelle.

Ce qui me vaut aujourd’hui de pouvoir vous parler du coton.

Que notre camarade Dumont m’excuse. Je n’ai pas l’envie et encore moins les possibilités d’empiéter sur son « domaine ».

Les nécessité de la « crise » m’ont conduit à organiser chez moi une sorte de petite autarcie domestique (il faut bien suivre la mode) et qui consiste dans l’installation de lapins, canards, pigeons et autres volailles délectables.

Naturellement je nage en plein « prix de revient », car vous concevez aisément que tout le problème consiste à obtenir le maximum de beaux et succulents sujets, avec le minimum d’argent.

D’où ma lecture chaque samedi de cette petite revue trés intéressante et accessibie aux pires profanes. Témoin mon cas.

Dans le numéro du 14 janvier 19, M. Fauchère soulève le voile de ce qu’il appelle très justement la « complexité du problème colonial ».

J’ai noté bien souvent - dit-il - tous les dangers d’une concurrence excessive qui se développerait entre l’agriculture métropolitaine et celle des colonies.

Le gouvernement s’en préoccupe ; Il y a près d’une année qu’il a chargé le conseil national économique de dresser un programme dont la réalisation devrait atteindre le double but de réduire considérablement le déficit de noire balance commerciale et d’atténuer, en attendant de pouvoir la supprimer complètement, la concurrence que font aux productions agricoles do la métropole certains postes de l’agriculture coloniale.

D’où l’idée au ministre des Colonies d’établir un plan quinquennal pour le développement aux colonies de certaines matières premières et denrées que nous achetons à l’étranger. Et M. Fauchère de remarquer :

Ces questions sont d’ailleurs, en général, beaucoup moins simples qu’on ne le croit dans le grand public.

Nous achetons à l’étranger près de 3OO.OOO tonnes de coton et pour cela nous déboursons, chaque année, entre 2 milliards et 3 milliards de francs.

Le coton ne concurrence, en réalité, aucune production métropolitaine, alors que l’on mette tout en œuvre pour récolter rapidement, dans les colonies, la quantité de coton dont nous avons besoin.

Malheureusement, quand on examine le problème de près, il présente tout de suite des difficultés sérieuses.

D’abord, il y a déjà fort longtemps que nous nous préoccupons de favoriser la culture du coton dans l’empire français.

On en a produit en Algérie, dans le passé. Aujourd’hui, on en récolte en Afrique-Occidentale, en Afrique-Équatoriale, en Indochine, en Syrie, etc., etc...

Au total, une vingtaine de mille tonnes , c’est-à-dire la quinzième partie environ de nos besoins.

En Afrique-0ccidentale, depuis une quinzaine d’années, on a réalisé des

travaux considérables pour irriguer la vallée du Niger et y rendre possible la culture du coton.

Ce qui nous gêne surtout, c’est le bas prix de cette matière première. L’Algérie a produit du coton, et du très beau, il y a dix ou douze ans, parce que les prix s’en datent éle- vés à un niveau qui laissait une marne bénéficiaire raisonnable aux récoltants. Depuis. la baisse des cours du coton a été si profonde que les agriculteurs algériens ont perdu tout intérêt à en cultiver.

Et voilà le drame !

Pourtant, il faut en sortir et M. Fauchère pense que le Centre africain se prèterait mieux à cette culture.

Le naturel du Congo a moins de besoins que le colon algérien, mais il y a les distances et un aménagement qui menace d’être long.

A supposer que l’on réussisse, aurons-nous atteint la Terre promise ?

Ce n’est pas sûr, car notre auteur continue :

Or, une inconnue troublante pèse

sur le marché de cette matière première. C’est le stock considerable que détiennent lei producteurs américains et qu’ils conservent parce que des subventions d’un total d’environ 10 milliards de francs leur sont accordées à cet effet.

Il est question de supprimer ces

subventions et de jeter sur le mar ché mondial tout le coton stocké aux États-Unis ; nous assisterions alors à un effondrement du prix qui compliquerait encore la question à notre point de vue particulier.

Je donne ces précisions pour montrer aux lecteurs de l’Agriculture Nouvelle que les questions posées par la coordination des agricultures métropolitaines et coloniales ne sont pas aussi simples qu’on le suppose.

Ces questions sont aussi insolubles pour le coton que pour le café, l vin, le blé, etc.,

L’Abondance - telle l’épouse du brave Boubouroche - en fait voir de toutes les couleurs à notre bon vieux régime, qui avait tout prévu, sauf cela.

La Nature ayant vraiment abusé de la situation cette année, on va être obligé de se fâcher et déjà l’annonce est faite de la constitution d’un « Comité du blé ».

Attendons la lin de ses travaux et la promulgation du décret supprimant tes tracteurs en Beauce, imposant la culture eu crochet du dixième au maximum de la superficie, la récolte à la faucille, l’égrenage à la main, le transport à dos d’homme, etc., etc...

Heureusement, nous possédons d’énergiques et incorruptibles sénateurs qui ne sa laisseront pas conter fleurette par cette plantureuse fille qu’est l’Abondance.

Cela durera jusqu’au sour où les hommes se décideront à faire cet effort herculéen consistant à comprendre que si autrefois le coton a servi à créer du profit, aujourd’hui il menace de ne plus servir qu’à vétir les individus - ce qui, somme toute, n’est pas une catastrophe aussi terrible qu’on le croit.

Il faudra, bon gré mal gré, substituer à l’ancien système juridique du « Profit » presque disparu un nouveau système juridique du « besoin ».

Mais cela manque de la complexité requise par nos cerveaux broussailleux de 1939.


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