L’énergie éolienne : perspectives et problèmes


par  J. HAMON
Mise en ligne : 30 avril 2006

Les énergies fossiles conventionnelles auront une fin relativement proche et leur utilisation contribue à une dramatique dérive climatique. Les centrales nucléaires de troisième génération produisent des déchets très radioactifs à vie longue dont la sécurisation durable pose problème ; celles de quatrième génération sont plus prometteuses, mais leur faisabilité industrielle reste à établir. Passer le plus rapidement possible aux nouvelles énergies renouvelables devient ainsi essentiel, tant pour des raisons économiques qu’environnementales. Parmi les nombreuses nouvelles énergies renouvelables crédibles, trois seulement ont à court et moyen terme un potentiel notable en France, les biocarburants, le solaire thermique et l’énergie éolienne.

Le potentiel national de production des biocarburants est modeste, ce qui devrait limiter ceux se substituant à l’essence et au gazole à des besoins prioritaires, navires de pêche et de commerce, liaisons aériennes essentielles, véhicules et aéronefs de la sécurité civile et, probablement, scies portables des chantiers forestiers. Pour limiter les frais de transport, les biocarburants solides (bois, plaquettes et granulés de bois, autres dérivés végétaux) seront probablement utilisés à proximité de leurs lieux de production.

Le solaire thermique est exploitable et rentable sur l’ensemble du territoire national, métropolitain comme outre-mer, mais il ne produit que de la chaleur, plus dans les Dom-Tom qu’en métropole et, dans cette dernière, plus dans le sud et en été que dans le nord et en hiver. En dépit de ces limitations, son utilisation devrait être obligatoire pour réduire nos importations de produits pétroliers, en attendant la disparition économique, ou environnementale, de ces derniers.

L’énergie éolienne, sauf cas très particuliers, n’a vocation qu’à produire de l’électricité. Une telle production est essentielle car l’électricité, outre ses utilisations conventionnelles, va être indispensable pour alimenter, directement ou indirectement, nos moyens de transport terrestres non-prioritaires. Tout un chacun apprécie les aérogénérateurs, à condition qu’ils soient ailleurs. Ils dénaturent les paysages, hachent menu les petits oiseaux, n’ont aucun avenir économique, par leurs socles massifs et leurs conduites électriques enterrées réduisent la capacité de production agricole et contaminent durablement l’environnement. Ces aérogénérateurs ont par ailleurs presque toutes les qualités, ils produisent de l’énergie à proximité des consommateurs, hors toute centralisation, et permettent d’éviter la construction, ou même la maintenance, de centaines de milliers de pylônes de lignes électriques à haute et très haute tension. Tant ces critiques que ces louanges sont contestables.

Les aérogénérateurs craignent les turbulences et leur axe doit donc être situé bien au dessus du sol ou du niveau de la mer ; les modèles les plus performants ont de longues pales, ce qui implique des mâts de 60 mètres et plus. La pollution du paysage est inévitable, mais elle est moindre avec peu d’aérogénérateurs très puissants qu’avec une multitude d’aérogénérateurs peu puissants. Il y a donc des choix techniques et politiques à faire, dont le nucléaire ou l’éolien, ou les deux.

Aucune des études entreprises à ce jour ne justifie la crainte de destruction massive des oiseaux, mais les migrateurs sont plus affectés que les sédentaires.

Chaque mât éolien nécessite une base enterrée, importante sur terre, considérable en mer, des liaisons électriques sécurisées et, sur terre, des voies d’accès et de service. Chaque implantation doit donc être conçue pour une grande durée, pas pour 25 ans, mais peut être pour des siècles. La priorité doit donc être donnée aux terres non cultivées, ou non régulièrement labourées.

L’indépendance énergétique éolienne locale et la disparition des pylônes à haute et très haute tension sont des leurres. Le potentiel éolien français est d’autant plus localisé que le rendement des aérogénérateurs varie avec le cube de la vitesse du vent, et que les violentes rafales imposent la mise en drapeau des éoliennes, par mesure de sécurité. Moins de 20% du territoire métropolitain est favorable à l’exploitation éolienne, généralement loin des principaux centres de consommation. Parfois loin de ces zones favorables existent ici et là des lignes de crêtes, ou des vallées créant un effet de Venturi, permettant une bonne exploitation locale de l’énergie éolienne.

L’énergie éolienne est fluctuante. Dans les bons gisements de vent, la puissance effective excède rarement 30% de la puissance installée. Que faire le reste du temps pour assurer la fourniture électrique aux consommateurs ? La solution d’épaulement en vogue fait appel à des centrales à gaz à cycle combiné, faciles à construire et peu coûteuses. Outre l’électricité, ces centrales fournissent le chauffage aux collectivités voisines, mais à contre temps : l’été, lorsque le vent faiblit et que nul n’a besoin de chauffage, et pas l’hiver alors que le vent est bon. Les centrales à gaz à cycle combiné produisent des gaz à effet de serre, plus d’aérogénérateurs correspondent à plus d’émissions de gaz à effet de serre.

Les centrales à gaz pourraient être remplacées par des centrales à granulés de bois, dont la mise en route et l’arrêt peuvent s’effectuer assez rapidement, et qui ont l’avantage d’utiliser une source d’énergie renouvelable, mais on revient là au potentiel limité de production des biocarburants. Par ailleurs on peut se demander si la simple combustion du bois est préférable à sa pyrolyse, susceptible de produire des molécules nobles venant remplacer celles de la pétrochimie.

Si l’aérogénération doit devenir autonome, elle doit assurer une production électrique de base par mauvais vent grâce à une surproduction par bon vent, dont l’excédent est stocké en acceptant une perte au stockage puis au relargage d’au moins 60%... Les implications économiques et environnementales d’une telle situation sont notables. En France métropolitaine, trois gisements de vent sont dignes d’intérêt. Le meilleur, de taille fort réduite, permet aux aérogénérateurs de fonctionner presque au niveau de la puissance installée 45% du temps : après stockage et relargage, la production effective moyenne étant de l’ordre de 25% de la puissance installée. Les deux autres gisements, bien plus étendus, assurent respectivement des fonctionnements proches de la puissance installée 30% et 20% du temps, avec des productions effectives moyennes de l’ordre de 15% et l0% de la puissance installée. Ailleurs, l’implantation d’aérogénérateurs ne serait que politique et ornementale. Les notes couramment publiées dans la presse à propos des fermes à éoliennes ne mentionnent que la puissance installée, et sont ainsi sans signification énergétique.

Une fois installés, les aérogénérateurs ne nécessitent que de modestes travaux d’entretien, mais l’investissement au départ paraît être de l’ordre d’un million d’euros par mégawatt installé, auxquels il faut ajouter les frais de location du terrain, ceux de mise du courant aux normes industrielles nationales, le coût du raccordement au réseau, et les redevances fiscales diverses. La durée de vie moyenne des parties mobiles semble être de 20 à 30 ans. Dans les cas de figure précités, si l’on ne tient pas compte du loyer des sommes investies au départ, le coût moyen du kilowatt heure provenant d’éoliennes terrestres serait respectivement, sur 25 ans, d’environ 2,2 - 3,5 et 5 centimes d’euro. Ce coût moyen serait sensiblement plus élevé pour des éoliennes marines, du fait d’investissements de départ plus importants et d’une durée de vie moyenne plus brève. In fine, l’économie de l’électricité éolienne dépendra énormément du système de financement retenu ; un financement public ou para-public, avec un loyer de l’argent modéré, rendrait l’énergie éolienne rentable dans les trois zones précitées ; un financement par des fonds spéculatifs demandant des rendements de 10 à 15% l’an exclurait sa mise en œuvre, même dans le meilleur gisement de vent. Le coût du stockage chimique ou mécanique, puis du relargage de l’énergie électrique excédentaire par bon vent n’a pas été pris en compte, faute de données.

Pour être complet il faut mentionner qu’une des hypothétiques filières d’énergie nucléaire de quatrième génération est conçue pour produire aussi de l’hydrogène, par cracking thermique de l’eau. Si elle venait à maturité, dans quelques décennies, il ne serait plus nécessaire de stocker l’énergie électrique d’origine éolienne ; par mauvais vent l’électricité d’appoint proviendrait de piles à combustible industrielles alimentées à l’hydrogène. Dans un tel contexte de relance de l’énergie nucléaire, on peut toutefois se demander si l’électricité éolienne a un avenir.

Le coût du kwh éolien variant considérablement en fonction du lieu d’implantation des aérogénérateurs, une modulation du prix d’achat serait indispensable, et une péréquation du prix de vente s’imposerait. Notre réseau de transport d’électricité, quitte à suggérer à quelques gros consommateurs des délestages ponctuels en situation de crise, assure à tous une fourniture essentielle d’énergie électrique, à partir d’une centaine de centres de production.

Dans le contexte d’une indépendance énergétique souhaitée, et de l’impératif opérationnel d’éviter des interférences entre aérogénérateurs d’un même ensemble, l’énergie électrique éolienne proviendra de plusieurs dizaines de milliers d’ensembles faisant chacun face à des conditions anémométriques différentes, répartis sur quelques dizaines de milliers de km2, tant sur terre qu’en mer.

Gérer harmonieusement un tel apport, ses surproductions ponctuelles et ses inévitables lacunes ne paraît possible qu’avec un dispositif national informatisé ayant plein pouvoir sur la production de toutes les autres sources nationales d’énergie électrique, en étroite liaison avec les autres réseaux de l’Union européenne.


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