La grande braderie du service public continue

Actualité
par  M.-L. DUBOIN
Mise en ligne : 2 juillet 2006

Après celle de la retraite, après celle de la santé, et comme celle d’une majorité de services publics [1], la privatisation de l’enseignement est en route. Et la même méthode (déjà décrite dans l’édito de décembre 2003, GR 1038) est employée. Dans un premier temps, le budget de ces services est tellement réduit qu’ils sont mis, en quelques années, dans l’incapacité de fonctionner correctement. L’opinion est alors mûre pour croire que pour redresser la situation, leur privatisation s’impose, et d’urgence. Dans le deuxième temps, des lois sont passées pour rendre cette transformation irréversible. Et quand c’est fait, au troisième temps de la valse, le public en découvre, à ses dépens, toutes les conséquences.

Pour ne prendre qu’un exemple entre mille dans l’enseignement primaire, citons une petite commune, celle de Saint Michel de Plélan, dans les côtes d’Armor. Fin du premier temps : en 1995, l’inspection académique ferme l’école communale, les 39 enfants sont obligés de se trouver une école ailleurs... Deuxième temps, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 (ah, ces lois prises ... en douce en août...!) oblige la commune à financer l’école privée du coin (ce qui est, du même coup, un retour en arrière sur la laïcité, qui reste pourtant, en principe, un fondement de notre République)...

L’enseignement supérieur et la recherche fondamentale sont à la fin du premier temps : la situation est telle que l’activité principale des personnels a cessé d’être l’enseignement et la recherche, elle est devenue la course aux crédits parce que l’État leur a supprimé ceux dont ils ont besoin. Ceci a, évidemment, des effets sur leurs résultats et le niveau des universités françaises sera bientôt assez bas. On va en tirer argument pour affirmer que c’est parce que leur fonctionnement est resté public, donc archaïque. Elles seront comparées aux universités américaines, sans dire que ces dernières tirent profit de l’enseignement qu’avaient reçu ailleurs (par exemple dans nos universités publiques) les chercheurs qu’elles attirent en leur offrant des moyens corrects. Alors la privatisation de l’enseignement supérieur sera présentée sous le vocable “d’autonomie des universités” et l’opinion sera mûre pour l’accepter, aveuglément, c’est-à-dire sans en soupçonner les lourdes conséquences pour les générations futures.

Ces mesures résultent de la politique adoptée par les gouvernements, au sein de l’OMC, sur la libération du commerce des services (AGCS), et qui est ainsi poursuivie malgré tous les assurances qu’elle ne serait pas appliquée à l’enseignement...

En fait, ces bouleversements, que le discours libéral appelle “modernisation”, sont menés contre vents et marées, dans toute l’Union européenne. En Grèce, par exemple, l’enseignement supérieur en est au deuxième temps : le gouvernement grec vient d’entreprendre de modifier la Constitution afin de pouvoir privatiser les Universités, et il prépare une loi pour lui permettre de créer des établissements universitaires privés, d’appliquer les critères de la gestion privée aux Facultés, d’y restreindre la possibilité de repasser les examens, et en plus, de supprimer “l’asile universitaire”, cette règle qui soumettait jusqu’ici l’intervention de la police sur les campus à l’accord du Conseil de l’université.

Alors, depuis le début du mois de mai, des milliers et des milliers d’étudiants manifestent contre cette décision. Au point que pas moins de 354 départements académiques en grève étaient occupés à la mi-juin.

Or, le 8 juin, la police a réprimé la protestation avec une violence qui a rappelé celle qui sévissait sous la dictature des colonels. Et justement, la constitution grecque sur laquelle le gouvernement revient maintenant, c’est la chute de cette dictature qui avait permis de l’élaborer. En faisant ce rapprochement, on mesure à quel point la violence de la répression contre ceux qui dénoncent ce retour en arrière, est ressentie comme un drame.

Et la portée de ce drame s’étend bien au-delà quand on constate le silence observé par les médias sur ces évènements, malgré leur durée et leur signification. Il apparaît ainsi que la presse des autres pays européens, journaux, télévisions, et radios, dont le rôle est d’informer, censurent, en fait, toute information qui pourrait montrer que la résistance contre ces mesures libérales n’est pas une exception française.

Ainsi rien n’est écrit, rien n’est montré, rien n’est dit sur le fait que dans d’autres pays, d’autres citoyens européens rejettent la façon dont l’Europe est construite à coups de mesures antisociales et antidémocratiques, qui vont à l’encontre de leurs aspirations.


[1Et pour la radio publique, ce n’est pas mieux, voir pages 14-15 pour réagir.


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