La politique de l’énergie : un choix de société.

Lectures
par  M.-L. DUBOIN
Mise en ligne : 3 juillet 2006

  Sommaire  

Depuis plusieurs années, nos lecteurs ont, grâce en particulier aux articles de Jacques Hamon [1], été sensibilisés à la détérioration du climat et alertés sur l’urgence de changer notre façon d’utiliser les sources énergétiques de la planète. Ils pourront trouver une synthèse de ces problèmes dans Le défi énergétique, un petit livre [2] que vient de publier Jean-Claude Laroche : en une quarantaine de pages, cet ingénieur des Techniques avancées y fait le point sur les techniques et dresse le bilan des possibilités dans le domaine de l’énergie.

Et il y joint une réflexion essentielle : peut-on, dans ce monde qui est de plus en plus soumis à la rentabilité financière, laisser aux technocrates et aux financiers le soin de définir la politique énergétique ? Il s’agit là d’un choix de société, car il a des conséquences pour tous les peuples de la planète et pour toutes les générations à venir.

Ces dernières décennies, la politique a consisté à s’appuyer sur l’ouverture des marchés, la concurrence étant présentée comme la meilleure garantie d’efficacité, de transparence et de prix. Notre auteur est en mesure d’en dresser un premier bilan. Et il est éloquent. C’est un accablant constat d’échec à tout point de vue, les résultats étant tout le contraire de ce qui était attendu.

 

La toute récente actualité lui en apporte la confirmation. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, par exemple. Pour respecter le protocole de Tokyo (ce qui n’est qu’un minimum), l’Union européenne devrait les avoir réduites de 8% en 2010 par rapport à 1990, or l’Agence européenne de l’environnement vient d’annoncer, le 22 juin, qu’elles ont augmenté de 0,4% entre 2003 et 2004 ! Autre exemple, celui du transport des marchandises, qui est une consommation d’énergie parmi les plus polluantes en gaz à effet de serre. Le commerce maritime mondial était de 2,5 milliards de tonnes en 1970, il est passé à 6,1 milliards ! En France, les émissions de CO2 ont été multipliées plus que six fois entre 1960 et 2000.

Et pour transporter quoi ? Le journaliste Stéphane Lauer a mené l’enquête pour le quotidien Le Monde : la dose de lait, les fruits et la matière plastique qui constituent un pot de yaourt parcourent en moyenne neuf mille kilomètres avant d’arriver dans nos réfrigérateurs. Les poires en provenance d’Argentine sont vendues moins cher au grossiste, malgré les frais de transport, que celles qui sont produites en Europe. Les fraises chinoises sont offertes en France à meilleur prix que les fraises du Périgord, alors que leur acheminement exige 20 fois plus d’équivalent pétrole ! La délocalisation de la production des jeans a pour effet d’émettre près de la moitié de leur poids de CO2 ! Quelle est l’utilité de tous ces transports, sont ils absolument nécessaires, compte tenu des dégâts qu’ils causent ? La question de savoir s’ils doivent encore augmenter est-elle seulement posée ?

Non, toutes ces aberrations résultent de la volonté injustifiée de développer le commerce international en spécialisant les zones de production dans le monde.

Ces politiques publiques mènent, comme au temps de la guerre froide, une véritable lutte contre la planification, au détriment du combat contre l’épuisement des ressources et de la lutte contre l’effet de serre. Et, en outre, elles ne se sont pas dotées des outils nécessaires pour affronter les difficultés à venir.

Devant de tels défis, la réduction de nos dépenses énergétiques individuelles s’avère dérisoire. C’est une action publique qui est urgente : il faut repenser l’ensemble de la politique énergétique et il faut en décider ensemble pour qu’elle soit réaliste et efficace.

 

L’un des grands mérites de l’ouvrage de Jean-Claude Laroche est de faire des propositions, de montrer des pistes, par exemple la création d’un pôle public de l’énergie, l’État reprenant le contrôle de certaines décisions-clés (notamment les décisions d’investissements) que prennent les conseils d’administration des entreprises énergétiques. Ce pôle public français serait alors un point d’appui pour la constitution d’un pôle industriel européen, contrôlé par la puissance publique, sécurisant l’approvisionnement énergétique de l’Europe et susceptible d’avoir des actions d’ampleur pour protéger l’environnement. Et il lui serait alors possible, sur cette base, d’assurer d’autres missions, telles que des transferts de technologie vers les pays en développement.

Toutes ces propositions méritent un débat qui soit réellement ouvert au niveau européen. Un tel débat aurait un intérêt supplémentaire, celui de permettre de réorienter la construction européenne sur des bases plus politiques et plus sociales que celles qui ont été rejetées par référendum.


[1Voir GR 1020, 1024, 1036, 1042, 1064.

[2aux éditions de Paris, 140 pages, 15 euros


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