La liberté est un mot qui a fait le tour du Monde et qui n’en est pas revenu.
Henri JEANSON
C’EST LE « LIBERALISME » QUI - PARTOUT DANS LE MONDE - A TRANSFORME LE CHOMAGE EN CATASTROPHE SANS PRECEDENT.
LE « LIBERALISME » est un vieux
mythe qui sert depuis toujours à camoufler les plus odieuses
combines du grand capitalisme. En effet, sa fameuse devise « Laisser
faire, laisser passer » a trop souvent dégénéré
en laxisme coupable et servi d’excuse à de regrettables abus,
à d’innombrables scandales dont le désastre de l’Amoco
Cadix (qui ne sera jamais indemnisé par les richissimes responsables),
les polluants lavages en mer des cuves à mazout (toujours impunis
parce que leurs auteurs naviguent sous « pavillons de complaisance
»), et les somptueux « pots de vin » de Lockheed,
ne sont que de maigres échantillons encore présents à
toutes les mémoires.
Après ce rappel des tristes réalists je ne résiste
pas au plaisir de vous citer une définition humoristique de cette
sacro-sainte « Economie Libérale » parue en 1937
dans un hebdomadaire économique et politique dont j’étais
Administrateur et qui me paraît tout à fait actuelle :
- « Le Libéralisme Economique est la liberté donnée
à n’importe qui, de faire n’importe quoi avec de l’argent (qui
bien souvent ne lui appartient pas) pour réaliser dans le minimum
de temps, avec le moins de mal, le maximum de profits, presque toujours
au détriment des autres - en restant dans une limite d’illégalité
(tolérée) ou de fraude (bien camouflée) afin d’éviter
tout ennui sérieux - et sans se soucier des conséquences
morales, sociales et humaines qui en résultent. »
N’est-il pas opportun de rappeler ici que V.G.E. en nous quittant a
déclaré bien haut :
- « S’il ne reste en France qu’un seul partisan du Libéralisme,
ce sera moi ! »
et que le Président Reagan proclamait à la T.V. américaine
:
- « C’est le Libéralisme Economique qui sauvera l’Amérique
! »
Ne lui jetons pas la pierre puisqu’il vient de convenir publiquement
que son fameux « sauvetage » ressemble bien à un
« naufrage ».
Ceci dit, il faut reconnaître qu’en période de rareté,
après des désastres comme le dernier conflit mondial,
le Libéralisme se révèle comme le régime
le plus efficace car il suscite, mieux que tout autre, l’initiative
individuelle. Mais son influence qui est grande (car il a toujours derrière
lui les plus grosses puissances d’argent) se manifeste toujours en faveur
des Chefs d’entreprises et, en ce qui concerne le chômage, la
solution qu’il a inspirée est tout à leur avantage.
Pour nous en convaincre, examinons-la d’assez près et démontons-en
les rouages :
C’est le Libéralisme, en effet, qui a permis aux employeurs de
réaliser d’énormes bénéfices en faisant
travailler (à plein) toute la main d’oeuvre disponible, à
l’époque où le machinisme n’avait pas encore donné
un coefficient de productivité très élevé
à chaque ouvrier.
C’est encore le Libéralisme qui a permis à ces mêmes
employeurs d’investir une partie des bénéfices réalisés
- grâce à leur « association de fait » avec
leur main d’oeuvre - en achat de machines plus modernes, faisant davantage
de travail avec beaucoup moins de salariés, donc finalement de
gagner beaucoup plus.
C’est toujours et encore le « libéralisme » qui a
permis aux employeurs de renvoyer (sans scrupules) ceux dont le travail
a contribué à édifier leur fortune et leur a fait
gagner cet argent qu’ils viennent d’investir en machines. Ils n’ont
pas le moindre souci à se faire pour ceux qu’ils rejettent tout
bonnement sur le pavé comme un « trop-plein » devenu
encombrant. Ils comptent sur un « Service National de Poubelles
» pour les recueillir et s’en occuper. Ainsi ceux qu’ils évacuent
comme des déchets ne seront plus du tout à leur charge
mais à celle de la « collectivité » du pays
(c’est-à-dire vous et moi !).
Qu’a-t-elle donc fait au bon Dieu cette malheureuse collectivité
qui était jusque-là tout à fait en dehors du coup,
pour qu’on la pénalise de toutes les conséquences néfastes
d’une décision, arbitraire mais légale, qu’un patron vient
de prendre, alors que ce renvoi et l’utilisation des nouvelles machines
(produisant davantage, à un prix de revient plus bas, avec moins
de main d’oeuvre) ne profite qu’à lui.
Qui se mettra demain davantage de bénéfices dans la poche
?
- L’employeur.
Qui paiera tous les frais de cette opération ?
- La collectivité, c’est-à-dire l’Etat... qui sera dans
l’obligation pour équilibrer son budget de répercuter
cela sur les contribuables, c’est-à-dire « vous et moi
».
C’est donc finalement vous et moi qui payons pour permettre à
un industriel de gagner davantage. Celui qui a mis au point ce «
tour de passe-passe » n’est pas tombé de la dernière
pluie. C’est un recours de plus des employeurs à l’Etat-Providence
dont ils obtiennent ainsi une subvention déguisée.
Mais les exigences de l’Economie Libérale ne s’arrêtent
pas là. Elle a obtenu de tous les Gouvernements Libéraux
qui se sont succédés au pouvoir pendant si longtemps,
qu’ils imposent à ces « rejetés » de rester
bien sagement à se croiser les bras, de se considérer
comme des « interdit-de-travail » à vie, pour avoir
droit à l’indemnitévitale qu’ils iront mendier aux caisses
de l’Etat, chaque mois. Le fait d’imposer cet « interdit »
aux chômeurs révélait chez les Chefs d’entreprises
une inquiétude latente :
- « Si on leur laissait faire quoi que ce soit de leurs dix doigts
et de leur intelligence, cela pourrait peut-être un jour devenir
inquiétant. »
« N’est-il pas préférable qu’ils restent, pour toutes
les années qu’ils ont encore à vivre, à organiser
entre eux de petits loisirs de misère ? On doit les contraindre
à rester passivement dans cette situation sans issue. Il ne tient
qu’à eux de voir la vie en rose, en limitant leurs ambitions...
car il faut à tout prix éviter que l’envie leur vienne
un jour d’améliorer leur sort, de s’organiser pour retravailler
et produire... et de se mettre à vendre des biens de consommation
concurrentiels sur un marché devenu déjà difficile.
»
« Et même, sait-on jamais, s’il leur prenait un jour l’extravagante
fantaisie - puisqu’on les a exclus de la grande communauté générale
actuelle - d’organiser leur petite communauté sur des bases nouvelles,
sur des principes économiques nouveaux, compatibles avec la production
abondante du machinisme... Où irions-nous ? »
Mais ces hypothèses-là étaient à l’origine
purement théoriques car avec les Gouvernements Libéraux
au pouvoir, il n’y avait rien à craindre.
Si j’ai fait ici l’analyse un peu longue de cette situation, c’est qu’elle
aidera sans doute à mieux comprendre des conclusions auxquelles
j’arrive un peu plus loin.
Mais regardons d’un peu plus près le comportement des Gouvernements
Libéraux vis-à-vis des Chefs d’Entreprises. En leur consentant
les énormes avantages que nous avons énumérés,
les représentants de l’Etat ont-ils été dupés
? Bien au contraire, ils ont toujours été « complices
», car ils étaient beaucoup plus amis avec les Chefs d’Entreprises
qu’avec les ouvriers... et il faut toujours faire plaisir aux amis,
c’est bien connu ! Et puis, on a quelquefois besoin d’eux pour le financement
de périodes électorales... et il est toujours préférable
d’être « bien » avec leur Presse qui est très
puissante (elle en fait souvent la démonstration !).
Cependant les gouvernements libéraux ont jugé plus prudent,
pour ménager l’opinion et l’opposition d’alors, de mettre bien
en évidence des excuses apparemment valables pour camoufler cette
complicité, et la Grande Presse du Patronat dont nous venons
de parler, les y a aidés de son mieux.
Alors, on nous a fait un vigoureux « bourrage de crâne » :
- « Ne vous plaignez pas que les entreprises soient prospères.
Elles deviennent ainsi mondialement compétitives. Cela assure
de confortables bénéfices à leurs propriétaires
et c’est très favorable pour la « Balance Commerciale »
de la France. » Et l’on nous a chanté, comme de beaux refrains
charmeurs, de belles formules trompeuses pour tenter de justifier l’attitude
du Pouvoir favorisant outrageusement les entreprises, contre les intérêts
des particuliers et des consommateurs
- « Les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain
qui feront les emplois d’après- demain. »
Mais cet après-demain n’arrivera jamais car il y a longtemps
que la seule raison d’être de leurs investissements est, pour
les entreprises, de placer dans des machines l’argent qu’elles ne donneront
plus à leur main d’oeuvre congédiée, ce qui leur
permet de gagner bien davantage puisque l’heure d’utilisation de la
machine (entretien et amortissement compris) coûte cinq à
six fois moins cher que celle de la main d’oeuvre nombreuse qu’elle
remplace, et que toute cette main d’oeuvre excédentaire congédiée
est prise en charge par l’Etat.
Malheureusement, cette subtile combinaison qui fait supporter par l’Etat,
c’est-à-dire par vous et par moi, tout ce que coûtent les
chômeurs présents et à venir - pour permettre aux
Chefs d’entreprises de gagner davantage - est tellement ruineuse que
nous n’allons plus parvenir à nous en sortir. Et, pour conclure
cette première partie de mon exposé, j’espère vous
avoir clairement démontré que :
C’est le Libéralisme qui, par ses exigences, nous a conduit
- avec la complicité des Gouvernements Libéraux - à
la situation très grave où nous nous débattons
aujourd’hui.
Que cela ait été si bien et si longtemps camouflé,
pour éviter un scandale, par tous les gouvernements libéraux
complices qui se sont succédés au pouvoir avec une rare
constance, on le conçoit aisément. Mais pourquoi notre
Gouvernement Socialiste n’a-t-il jamais formulé à ce sujet
la plus timide observation ? Il aurait dû au moins exposer, aussi
clairement que je me suis efforcé de le faire la rouerie du système
en place et ses conséquences néfastes et ruineuses pour
l’Etat et l’ensemble des Français. Il aurait dû dénoncer
les tripatouillages complices des Gouvernements Libéraux qui
l’ont précédé, qui portent, de ce fait, avec le
« Patronat » ; toute la responsabilité de la gravité
sans précédent de la situation actuelle. Cela aurait sans
doute incité ce Patronat, l’opposition, et leur fameuse Presse
à un peu plus de décence... et même, sans doute,
à adopter pour l’avenir une attitude beaucoup plus prudente.
Cette situation est un vrai scandale !... soit, mais notre propos n’est
pas de nous en indigner.
Nous pensons plus utile et concret d’exposer ce qui peut encore être
tenté efficacement pour nous sortir du pétrin.