Similitude avec l’arbre
L’existence de la Démocratie, la vraie, directe, ressemble à celle d’un arbre. Il lui faut des racines, ces structures appropriées qui vont permettre de puiser les ressources nécessaires et notamment l’eau, ce courant vital, que l’on peut comparer avec cette culture issue de nos racines communes partagée qui fait l’identité d’une société. Cette culture court dans nos veines et inonde nos cellules, sculpte notre personnalité et nos pensées. Cette eau et les nutriments qu’elle transporte proviennent d’un terrain dont la composition varie en fonction de son histoire sans négliger les apports extérieurs capable de l’enrichir et non de le polluer. Ces structures vont favoriser la coopération avec des entités extérieures, des alliés qui vont le nourrir et le protéger. Pour l’arbre, c’est le cas de certains champignons et d’arbres voisins. Pour la Démocratie, ce sont des nations amies aux systèmes politiques et culturels proches, ce sont d’autres nations pourvoyeuses de ressources et d’échanges. Il lui faut un tronc solide représenté par la Constitution qui saura soutenir la Démocratie et qui, pour l’arbre, constitue les règles de distribution des ressources dans toute sa structure. Les branches sont les articles de cette Constitution, certaines se développent, d’autres sont éliminées ou trop fragiles se cassent. Elles portent les feuilles, qui, par le procédé de la photosynthèse, vont créer des sucres qui vont jouer un rôle crucial dans la croissance, le développement et la survie de l’arbre. Les citoyens tels les feuilles, voient l’expression de leurs lumières, leurs idées, leurs capacités, se trouver mobilisées, orientées, encouragées, grâce à la politique, définie par les règles de la Constitution, pour produire les ressources indispensables à la subsistance et au progrès de la Démocratie.

Sur cette Terre, tout être vivant est soumis à la prédation, sous différentes formes, virus, microbes, champignons, prédateurs, vieillissement, climat. Cependant tout être sain est capable de développer des moyens pour s’en défendre et produire différentes substances pour éloigner l’ennemi ou bénéficier de l’aide d’alliés fidèles, par homéostasie. L’arbre est capable de produire des substances chimiques dissuasives, de s’adapter jusqu’à un certain point aux sécheresses et au froid, certains aux incendies ou aux inondations, de recevoir et divulguer des avertissements à ses voisins en mêlant leurs racines. Cependant, ils sont vulnérables aux attaques qui s’infiltrent dans une plaie, branche cassée, fissure due au gel, etc., ou sous la forme de champignons parasites. [1]
L’ennemi : le pouvoir
Il en est de même pour la Démocratie. Par ses structures saines, sa constitution solide, ses citoyens maîtres de la politique, elle est capable de se défendre. Mais son plus grand ennemi, le parasite suprême, c’est le pouvoir, véritable poison qui la conduit à sa perte en la transformant en oligarchie, en aristocratie ou en dictature.
Suivant la pyramide des besoins de Maslow, en tant qu’être humain, au même titre que nous avons des besoins physiologiques, chacun est soumis plus ou moins à des besoins psychologiques, comme le besoin de structure, ou de sécurité et de protection, le besoin de stimulation dans un groupe social et le besoin de reconnaissance qui permet l’estime de soi et l’auto-accomplissement. Afin de parvenir à obtenir des réponses favorables à ces besoins, sous la pression de la réalité, la plupart accepte soit d’obéir, soit de chercher la compromission, quand d’autres opteront pour la domination.
Un grand nombre de sociétés ancestrales confrontées à ce fléau, ont réussi à s’en prémunir par l’instauration de garde-fous. Tirages au sort des représentants, mandats courts, surveillance et contrôle permanents, assemblées citoyennes, lois et sanctions, rédaction de constitutions. Depuis des millénaires, il existe un moyen pour les obsédés du pouvoir d’obtenir la domination : la guerre. Tout dominant sait qu’en cas de guerre le peuple va chercher un guide, expert, protecteur, conducteur, paternel. C’est pourquoi, celui-ci aspire à créer les conditions propices à la guerre, un climat de menaces permanent ou une nécessité de conquête, afin d’instaurer une hiérarchie à son service pour obtenir l’obéissance totale qu’il tentera de perpétuer en maintenant son peuple dans la peur et en instaurant des règles, des lois qui protègent son statut. Soyons attentifs et méfions-nous de cette manipulation par la peur, de toute argumentation fallacieuse, des prétextes mensongers, de ces appels à la mobilisation, en faveur d’une guerre soi-disant justifiée.
La bourgeoisie aux commandes
Pour la bourgeoisie dominante, la Démocratie, la vraie, celle du Peuple aux commandes de la Nation, est son plus grand ennemi. Elle se doit donc de l’empêcher, de l’étouffer, de détourner toute velléité d’apparition, afin de se garantir le pouvoir. Combien de répressions brutales envers les tentatives de mise en place de Démocraties réelles. Rappelons-nous la Commune de Paris, la Makhnovchtchina en Ukraine, les communautés agricoles et industrielles pendant la guerre civile en Espagne, le PKK kurde, le zapatisme au Mexique… En fonction des situations, la bourgeoisie pourra imposer la monarchie ou la dictature, sinon elle inventera la démocratie représentative, en détournant le mot de sa définition première et en attribuant les rôles de représentants à des subordonnés.
Pour la Démocratie réelle, le pouvoir est le plus sournois des parasites car il agit comme un champignon nuisible dans un arbre, envahissant l’ensemble du corps social. Comment ce fléau a-t-il pu trouver la brèche et s’insinuer sournoisement ? Par une plaie ouverte sciemment qui s’appelle, l’élection. Il a suffi de deux arguments discutables au xixe siècle : le premier a consisté à persuader le peuple de son incompétence, de ses faiblesses pour diriger une nation, de lui inculquer que la politique et l’économie sont affaires d’experts. Le second s’appuie sur l’impossibilité de consulter l’ensemble des citoyens dans une nation trop étendue et à la démographie importante. Si cette argumentation était à l’époque quelque peu recevable en raison du niveau d’instruction précaire de la population et des difficultés de communications, aujourd’hui ce n’est largement plus le cas. Mais, pour remplacer une monarchie désormais impopulaire, les malins bonimenteurs au service des riches ont offert au peuple, en guise de liberté, d’élire ses représentants, par le suffrage universel, de choisir ceux qu’il pense les plus aptes à gouverner à sa place suivant son opinion majoritaire. Or, il suffit de constater que les dès sont pipés, que ces candidats aux élections, quelle que soit leur orientation politique, droite, centre, gauche, extrêmes, sont au service de ceux qui les financent. Les riches n’ont rien à faire de la couleur politique, qu’importe pour eux les lois qui dirigent les mœurs et les affaires sociales, ce ne sont pas leurs problèmes, seul compte le respect de leurs affaires commerciales et financières, leurs profits et la protection des règles du capitalisme. Ils favorisent, par la corruption et par l’intermédiaire des médias qu’ils possèdent, ceux qui inclinent dans leur sens, politiciens, scientifiques, journalistes…
L’élection, enjolivée par la propagande, est même devenue tel un sacrement, un rite sacré de passage à l’âge adulte. Celui qui s’abstient d’élire est montré du doigt comme un paria, tels ceux il y a peu qui n’allaient pas aux offices religieux, les non-baptisés, les femmes qui avaient des rapports sexuels avant le mariage, celles qui utilisaient des remèdes naturels s’opposant à la fatalité divine, ceux qui avaient une sexualité non conventionnelle, ceux qui par exemple s’opposent à la doxa en situation d’épidémie… Élire un candidat à la représentation nationale, député ou président, revient à choisir le cadenas qui va fixer la chaîne et le boulet à sa cheville. L’élection revient à signer son contrat d’asservissement, d’accepter de se défaire de son vrai rôle de citoyen, la proposition et le vote des lois, de dénaturer et salir le vrai visage de la Démocratie. Invariablement, l’élection place les riches au pouvoir et protège le système qui les enrichit [2].
Élire et voter ne sont pas synonymes, loin de là dans le domaine de la politique. Élire, revient à choisir ses maîtres qui pendant cinq ou six ans décident tout à la place du Peuple, souvent même en reniant ou oubliant leurs promesses de campagne. Aucun contrôle ou révocation n’est possible pendant la durée de leur mandat, à part le souci de leur réélection, qui dépend en grande partie du soutien des riches mécènes. Voter, c’est différent, c’est décider, des lois, celles de la Constitution, le plus souvent en réponse à une question posée par référendum, tel celui de 2005 sur la constitution européenne, le dernier. Pourquoi, aucun référendum depuis cette date ? Parce que voter est dangereux pour les politiciens et les riches qui refusent toute insertion du Peuple dans leurs affaires. Ainsi, la décision de refus adoptée par celui-ci contre la constitution européenne fut balayée d’un revers de main en 2008 par le traité de Lisbonne, ratifié par le président de la République, cette fois sans concertation auprès du Peuple.
Les partis politiques
« Les partis sont un merveilleux mécanisme par la vertu duquel, dans toute l’étendue d’un pays, pas un esprit ne donne son attention à l’effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité. [...] Si on confiait au diable l’organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux. » [3]
Sur les élections, parasites de la Démocratie, viennent se greffer et profiter de ce fléau, les partis politiques destinés à gagner les places enviées de députés ou président de la République. « C’est l’élection qui rend les partis nécessaires et désirables. Y renoncer en adoptant le tirage au sort permettrait de s’en débarrasser, sans même avoir à les interdire puisqu’ils disparaîtraient faute d’intérêt à ce qu’ils survivent » [4]. Ces partis sont organisés suivant une logique militaire (chaque membre est un militant) réclamant l’obéissance des membres à une hiérarchie asservie à son chef, protégé par les possédants. Tout manquement à la discipline imposée, toute contestation des directives est sanctionnée par une invitation à démissionner ou à une exclusion du parti. Leur but, obtenir le pouvoir, obsession loin de l’entretien du bien commun. De plus, ils font croire au peuple que chacun d’eux défend des valeurs différentes aux autres partis, qu’ils se battent entre eux pour des idéologies indispensables pour le bien commun. Ils sont tous à se crêper le chignon pour des problèmes qui, certes, vont impacter la vie quotidienne des citoyens comme les retraites, les salaires, les immigrés, le prix de l’énergie, le pouvoir d’achat, la guerre en Ukraine, en Palestine… Tout cela ne fait que perturber le Peuple, y créer des dissensions, des conflits, de la peur, et de le distraire de ce qui est le plus important, de ce qui est la cause principale de tous ces maux et tourments, de ce qui l’asservit, de ce qui ronge le corps, le tronc, de la Démocratie : l’économie capitaliste. Aucun parti principal, de ceux qui reçoivent le plus de subventions et de temps de parole dans les médias en fonction des scores aux scrutins, et du nombre de députés, ne la remet en question.
La politique
En vraie Démocratie, le rôle du citoyen est de voter et de faire de la politique. Voter les lois qui sont proposées par nos représentants tirés au sort et contrôlés comme il se doit, basées sur des propositions élaborées et étudiées en assemblées citoyennes, expérimentées avec succès par l’association Sciences Citoyennes sous l’impulsion de Jacques Testart [5]. La politique n’est pas une profession, elle n’est pas réservée à des "élites", elle appartient à chacun et à tous. Elle est le propre de tout humain appartenant à un corps social. Elle représente un espace culturel à redécouvrir et à se réapproprier. C’est une priorité pour les prochaines générations. Voilà une matière à enseigner dans les écoles à tous les élèves sans exception, au même titre que de savoir lire, compter ou écrire. Apprenons à nos enfants à faire de la politique, à savoir débattre, à s’écouter et à chercher les compromis favorables au plus grand nombre. Il nous faut redécouvrir cette particularité humaine proche de l’empathie, de l’esprit communautaire, l’"humanitude" [6] de Jacques Testart permettant à chacun de prendre des décisions politiques dans tous les domaines que ce soient les nouvelles technologies et leurs usages, les énergies, la production, la consommation, la monnaie, les relations internationales, l’aménagement du territoire, le choix des règles économiques, la justice, etc.
Éliminer le pouvoir d’une minorité sur le peuple, se débarrasser des lois et d’une constitution au service des riches possédants, et les réécrire pour tous se protéger, se réapproprier le vote et se passer de l’élection, c’est détruire le capitalisme en choisissant de mettre en place un autre système économique capable de démocratiser l’exercice de la politique, de donner du temps pour s’y consacrer, en toute égalité et liberté, comme le propose l’Économie Distributive.