« Les vrais maîtres du monde »
par
Publication : février 1980
Mise en ligne : 18 septembre 2008
L’ouvrage de GONZALEZ MATA bouscule tous les tabous
de l’information. Prolongeant celui de Ch. LEVINSON (2) déjà
étonnamment disert sur le dessous des cartes, il nous fait pénétrer
dans le saint des saints du Pouvoir mondial : un monde tout autre que
celui de ces deux cents familles, de ces « maîtres de la
France » dont, peu d’années avant la seconde guerre mondiale,
Augustin HAMON avait, au terme d’un travail de bénédictin,
reconstitué l’architecture oligarchique.
Si les rejetons de l’oligarchie continuent d’occuper les allées
du Pouvoir, les Multinationales ont fini par déloger celle-ci
de la plupart de ses places fortes industrielles et bancaires.
De nos jours, le Pouvoir affecte une autre dimension. Il a changé
d’échelle. Les vrais maîtres du monde, identifiés,
retournés sur le gril par Gonzalez Mata, tiennent leurs assises
au sein de la commission trilatérale et du club de Bilderberg,
organismes paragouvernementaux regroupant, autour des dirigeants des
multinationales, une pléiade de hauts fonctionnaires, ministres,
chefs d’Etat, banquiers ainsi qu’un certain nombre de « personnalités-alibis
» : syndicalistes, journalistes, hommes politiques. Aux réunions
participent une série d’« invités » choisis,
nous dit l’auteur, en raison de leur anti-communisme viscéral
et de leur philo-américanisme profond ». (4 )
Gonzalez Mata nous entraîne au pas de charge au coeur même
de cette toute-puissance économique, principalement américaine,
qui dirige la politique mondiale, fait et défait les gouvernements,
fomente les coups d’Etat, semant la corruption et le scandale par C.I.A.
et Maffia interposées, soudoyant la provocation, décidant
de la paix et de la guerre.
Au sein de l’Organisation sont examinés les grands problèmes
internationaux de l’heure. Les recommandations qui s’ensuivent se traduisent,
au niveau des gouvernements, par des décisions conformes aux
voeux des « trilatéraux » et des « Bilderberger’s
». Ainsi fonctionne avec des fortunes diverses et quelques «
bavures » ce supergouvernement mondial qui inclut, en son sein,
la plupart des responsables des principaux centres de décision
gouvernementaux.
La politique et les affaires françaises ne sont pas absentes
dans le récit coloré de Gonzalez Mata, témoin le
chapitre titré « Objectif : De GAULLE ». Ainsi apprend-on
que la candidature de Gaston DEFFERRE en 1965, soutenue par l’EXPRESS,
n’était rien moins qu’une opération lancée par
les « Bilderberger’s ».
On connaissait déjà la liste des 17 membres français
de la Trilatérale (3). Gonzalez Mata nous révèle
celle des « invités » admis à plusieurs réunions
(4).
L’ouvrage dévoile encore de nombreux points inexpliqués
ayant trait aux « affaires » de ces dernières années
: les affaires MATESA et jean De BROGLIE, la confession écrite
par ALDO MORO, la personnalité à double face d’OSIPALD,
agent fabriqué par la C.I.A. pour servir de bouc émissaire
lors de l’assassinat de KENNEDY, ce même Oswald dont les indiscrétions
calculées firent abattre les U 2 au dessus du territoire soviétique,
marquant ainsi le point final à la conférence de Paris
: « Pour le lobby militaire et anti-soviétique, toute entente
avec 1 ’Union soviétique se traduirait surtout par une chute
de la tension internationale qui forcerait l’industrie militaire à
réduire sa production (p. 295).
Quelques-uns des pots-de-vin versés par les multinationales ?
(en millions de dollars) : 4,6 par l’ITT, 20 par la Loockeed, 12 par
la Tenneco à des personnalités de 22 pays, 27 par Control
Data à des f fonctionnaires, 2,7 par UPJOHN (produits pharmaceutiques)
à des fonctionnaires de 22 pays, 45 par la Northtrop pour la
vente d’avions F 5, 56 par EXXON, 13 par la Gulf Oil. Tous ces dossiers
enterrés sans bruit. Et puis 138 milliards de lires versés
par les compagnies pétrolières aux partis politiques non
communistes italiens.
Les petites vieilles qui font les poubelles, les gagnepetit qui se battent
pied à pied contre le fisc, les salariés auxquels on enlève
1 % de leur paie, seront réconfortés en apprenant qu’en
1974, en pleine crise pétrolière, la Chase Bank réalisait
un bénéfice de 3 millions et demi de dollars... par semaine.
(1) De Luis Gonzalez MATA, aux Editions Grasset (1979).
(2) Vodka-Cola.
(3) Parmi lesquels des personnalités politiques telles : Raymond
BARRE, Michel DEBATISSE, Michel CREPEAU, JeanPhilippe LECAT.
(4) Par exemple : Antoine PINAY, Guy MOLLET. Lionel STOLERU, Olivier
GUICHARD, Jacques ATTALI, Pierre URI, Maurice FAURE, Jacques BAUMEL,
F : Xavier ORTOLI, Pierre COT, Louis LEPRINCE-RINGUET, Maurice HERTZOG,
Edgar
FAURE, Albin CHALANDON, Maurice FABRE, ARON, PLEVEN, PFIMLIN, etc...