Lettre ouverte au peuple de France
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Mise en ligne : 29 février 2008
Le texte ci-dessous, traduit de l’anglais par J-P Mon, a été écrit par un économiste et ancien banquier en investissements, Simon Davie, juste après les grèves de novembre dernier. Il reste actuel par la description qu’il donne de la société américaine et intéressant pour le démontage qu’il fait des mécanismes qu’utilise Sarkozy à la suite des néo-libéraux anglo-saxons, pour manipuler l’information en France.
Il est tiré du site “Signs of the times” (SOTT) (http://www.sott.net) dont il faut cependant prendre certaines enquêtes ou informations avec précautions.
Citoyens français,
Que penseriez-vous :
• si vous deviez emprunter 5 ou 10 fois le montant de votre salaire annuel pour avoir une maison ?
• si vous deviez souscrire une assurance médicale privée onéreuse pour être sûr d’accéder à n’importe quel soin médical ?
• si tous les hôpitaux refusaient tout soin à ceux qui n’ont pas d’assurance médicale privée ?
• s’il n’existait pas de système de protection sociale, d’assurance chômage pour vous-même, votre famille et vos enfants ?
• si vous deviez travailler 40 ou 60 heures par semaine avec seulement une semaine de vacances par an (et cela uniquement à condition que vous ayiez déjà travaillé un an ou deux) ?
• si vous deviez emprunter de l’argent chaque année rien que pour nourrir votre famille et leur conserver un toit ?
• si vous deviez emprunter 100.000 euros pour payer les droits universitaires d’un enfant ?
• si vous aviez un découvert sur votre carte de crédit si élevé que vous ne pourriez jamais le rembourser et que vous deviez travailler jusqu’à votre mort ?
• si les universités étaient financées par les entreprises et obligées de n’enseigner que les matières que ces entreprises jugeraient utiles ?
• si toutes les infrastructures et la richesse nationales étaient privatisées au bénéfice d’une petite élite riche qui vous dirait ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire pour votre propre pays et qui vous ferait payer pour disposer des biens qui sont aujourd’hui chez vous la propriété de tous ?
Si vous pouvez imaginer à quoi ressemblerait une telle vie, alors vous savez ce qu’est aujourd’hui la vie pour une majorité d’Américains.
Ils pensent qu’il est normal de travailler 50 heures par semaine avec une seule semaine de congé par an. Ils acceptent qu’on refuse l’entrée des hôpitaux à leurs concitoyens sans assurance. Ils tolèrent que leur système éducatif conduise à un taux d’analphabétisme de 50 % et que seuls les enfants des riches puissent accéder à l’université.
Les Américains pensent qu’une telle vie – basée sur la quantité d’argent qu’ils possèdent – est l’essence de la liberté parce qu’ils subissent un lavage de cerveau qui leur fait croire que c’est l’argent qui fait l’homme.
Est-ce celà que vous voulez pour la France ?
Vous ne me connaissez pas personnellement, mais en paraphrasant une phrase du film “V pour vendetta”, « Je suis Edmond Dantès… et je suis votre père. Et votre mère … votre frère … votre ami. Je suis vous … et moi… je suis tout le monde ».
Dans la vie réelle, je suis un ancien banquier d’investissements de l’une de vos plus grandes banques. J’ai un diplôme d’économie et j’ai passé la plus grande partie de ma vie d’adulte à observer le flux des capitaux internationaux et les manipulations qu’il subit de la part des gouvernements et des grandes entreprises pour l’adapter à leur propre programme. Je suis aussi un des éditeurs du site international www.sott.net parce que je le considère comme la voix la plus claire de la vérité sur internet.
Mais assez parlé de moi. C’est de vous, c’est de la France que je veux parler.
Beaucoup de citoyens français se souviennent combien la France s’était endormie pendant les années 30 alors que l’Allemagne réarmait et préparait ses plans pour dominer l’Europe, plans qui n’étaient pas cachés mais orgueilleusement annoncés par Hitler et ses nazis. Pourtant la France dormit et en subit les inévitables et horribles conséquences.
Peuple de France, votre Président – un représentant de la cabale de l’élite entrepreneuriale mondiale, avide de pouvoir – a annoncé son programme, tout comme le fit Hitler, et pourtant, maintenant, vous dormez. Vous êtes en train d’être envahis non pas par une armée mais par les idées malignes et répugnantes répandues par vos leaders politiques et vos médias. Leur but est de contaminer vos esprits avec ces idées et de faire des Français les architectes de leur propre destruction. Lorsque votre Président parle de “rupture” avec le passé, ce qu’il veut, en fait, c’est la rupture de la société française, la destruction du mode de vie français. Et cela ne sera pas moins terrifiant que l’invasion précédente par Hitler et ses hordes.
[…] Votre ennemi est bien organisé, il dispose de moyens financiers illimités, il est mondialisé, impitoyable et contrôle presque la totalité des médias. Votre ennemi est parmi vous et en quelque sorte en vous-même car vous avez été conditionnés pour penser de manière étroite et par là même à vous autocensurer. Votre ennemi projette de détruire vos structures sociales “paternalistes” avec l’entrée dans ce qu’on appelle le modèle économique “néo-libéral américain” ; ou, comme l’appelle le journaliste Naomi Klein “le capitalisme catastrophe”.
On vous a fait croire que la France serait en quelque sorte exemptée des prédations de l’économie capitaliste. Cela a réussi, en grande partie, en utilisant la barrière du langage pour vous faire ignorer la vérité. Le monde parlant Anglais est plein d’avertissements sur ce que signifie l’économie néo-libérale. Mais néanmoins, il n’y a en France qu’une littérature assez limitée sur ce sujet majeur. Pourquoi ? Pourquoi, en fait, en savez-vous si peu sur ce qui se passe en dehors de la France ?
M. Sarkozy tente d’utiliser cette ignorance et d’entretenir un égoïsme et une jalousie exagérés qui sont une catastrophe pour l’esprit français. Bien que ne l’admettant qu’à contre cœur, une grande partie de la classe moyenne qui soutient M. Sarkozy, est motivée par la jalousie. Elle est jalouse de la sécurité de l’emploi dont bénéficient les fonctionnaires et elle est manipulée par Sarkozy pour appuyer sa politique de suppression des “privilèges”. Ce que la classe moyenne n’arrive pas à comprendre, c’est qu’en soutenant maintenant l’action du gouvernement contre les classes laborieuses, elle se prépare à subir elle-même dans un proche avenir un traitement identique.
Ne vous y trompez pas, les seuls vainqueurs qui sortiront de la “rupture” de Sarkozy seront les élites dirigeantes, grandes entreprises internationales et vautours étrangers qui trieront les os de la France. Les classes moyennes et professionnelles qui soutiennent actuellement Sarkozy perdront aussi leur bien-être, mais ils ne le savent pas encore. Ils croient que grâce à quelque mécanisme mystérieux, ils deviendront plus riches aux dépens des simples travailleurs et que c’est “juste”, “nécessaire” et “moderne”. L’élite dirigeante peut permettre qu’on prête à court terme un peu de la richesse de la France à la classe moyenne, et les classes moyennes peuvent être achetées pour quelques euros. Mais ce sera transitoire et finalement illusoire. Croyez moi, la banque est mon métier. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le mécanisme utilisé pour soudoyer les classes moyennes a été l’inflation de la propriété. Au cours des quelques dernières années, on a fabriqué une hausse massive de la valeur des propriétés. Mais aujourd’hui, les prix commencent à chuter, cette richesse est en train de s’évanouir, alors que la dette qui a été contractée pour acquérir ces propriétés reste très réelle, de plus en plus chère et va causer finalement la disparition des classes moyennes de ces pays.
M. Sarkozy est un homme adroit et sans pitié. Il sait qu’il ne peut pas persuader la France d’accepter le néo-libéralisme et finalement le fascisme. Il doit manipuler la France pour la mettre dans un état dont le résultat sera un fait accompli.
Comment cette manipulation réussira-t-elle ?
C’est ce sujet que les éditeurs de SOTT ont discuté juste avant le début de la grève française de novembre. Nous avons remarqué qu’il existait une situation semblable au Royaume-Uni lorsque Margaret Thatcher est arrivée au pouvoir en 1979 « chargée de mettre en œuvre le programme sans ambiguïté de réduire le pouvoir et l’influence des syndicats » et avec un plan soigneusement établi de « rupture » du pouvoir de la classe ouvrière britannique. Nous avons pensé qu’une tactique similaire pourrait être utilisée en France. C’est pourquoi, comme la banque est mon métier, on m’a demandé d’étudier ce sujet et de vous présenter, à vous peuple de France, les contours de votre avenir.
La clé du succès de Margaret Thatcher pour « casser » le Royaume-Uni et faire accepter le néolibéralisme par la population britannique a été le résultat d’une longue préparation :
• Tout en manipulant les statistiques du chômage, le gouvernement préparait une hausse massive du chômage, notamment parmi les minorités raciales. Ce qui s’est traduit par des déchaînements de violences dans les zones les plus pauvres des villes.
• Une tactique policière, qui avait été bien rodée par des années de pratique en Irlande du Nord, s’exerçait sous les yeux du public ; des années d’attaques de faux drapeaux en Irlande avaient fait accepter par la population l’idée que les violences massives d’une police militarisée étaient nécessaires pour « défendre la loi et l’ordre ».
• Les dirigeants syndicaux, qui avaient été mis en place, avaient en conséquence un comportement qu’on pouvait par euphémisme qualifier de « lâche ». Ce qui permettait d’affaiblir l’unité syndicale.
• Les grèves dans les industries, où les syndicats étaient les plus puissants, étaient délibérément déclenchées à la suite de provocations. Le gouvernement menait avec des attaques éparpillées une « guerre d’usure » par morceaux. Aucune d’entre elles n’était suffisamment dure pour que les syndiqués de base réalisent qu’ils devaient se préparer à une confrontation majeure dans le futur.
• De nouvelles lois limitant le droit de grève ont été promulguées là où les syndicats avaient remporté des succès. Le gouvernement a ainsi testé efficacement ses ennemis, observé ses réactions et surtout décrété illégales beaucoup de ces réactions ; ce qui annihilait, en neutralisant leur pouvoir, la capacité des travailleurs à exercer leurs droits dans des pans entiers de la société.
Thatcher était alors prête pour la bataille finale. Son gouvernement a été réélu dans la foulée de l’euphorie nationale créée par la guerre des Malouines et ses stratèges étaient prêts pour terminer le combat avec les syndicats et la classe ouvrière. La faiblesse des syndicats et les nouvelles lois qui interdisaient la grève si elle ne recueillait pas une majorité de votes favorables dans un scrutin syndical donna au gouvernement la résolution et l’appui populaire nécessaires pour finalement anéantir l’industrie la plus vulnérable du pays, l’industrie minière.
On ne peut ignorer le parallèle avec la France. Le travail de base a été mené de manière très semblable. Comme Margaret Thatcher en 1982, M. Sarkozy entame une nouvelle période et revendique un mandat populaire. Margaret Thatcher avait lancé les fameux : « Il n’y a pas d’alternative » et « La dame ne va pas rebrousser chemin » ; et M. Sarkozy a dit : « Nous ne nous rendrons pas et nous ne reculerons pas… La France a besoin de réformes pour relever les défis que le monde lui impose ».
Comprenant bien que M. Sarkozy a tiré sa leçon non seulement de l’expérience anglaise mais aussi des confrontations avec la classe ouvrière qui ont eu lieu un peu partout dans le monde, deux semaines après notre réunion nous prévoyions que :
1 – M. Sarkozy cherchera à établir son programme et s’assurera que les médias focaliseront l’attention du public sur les réformes des domaines dans lesquels les syndicats sont les plus faibles et pour lesquels le public a le moins de sympathie.
2 – Afin de marginaliser encore plus les travailleurs dans l’esprit des gens, des manifestations violentes seront manipulées ou organisées (opérations fausses bannières) de manière à couper les grévistes du « reste de la population ». Les médias s’étendront sur ces événements de manière disproportionnée avec les faits.
3 – Les dirigeants syndicaux paraîtront figés comme des lapins dans la lueur d’un phare, pendant que les médias se concentreront sur le “mal” de ces événements préfabriqués.
4 – Les points 1, 2 et 3 ci-dessus provoqueront une coupure dans l’opposition aux réformes : les médias feront de leur mieux lorsque, selon toute probabilité, la “coupure” portera sur des détails et non sur les principes. Les médias se focaliseront sur ceux qui s’opposent à la grève et non sur ceux qui ont des griefs valables qui ne peuvent être défendus que par la grève.
5 – On donnera aux ministres beaucoup de temps dans les divers médias pour dénoncer “l’égoïsme” et le “manque de responsabilité sociale” des grévistes qui seront accusés de “menacer la grandeur de la France”, de “refuser la modernisation”, de “mettre des vies en danger”, de “prendre le pays en otage”, de “provoquer le chaos économique”, etc.
6 – Des violences éclateront aux principaux points de contact entre ceux qui font grève et ceux qui officiellement s’y opposent. Dans tous les cas on rendra les grévistes responsables de la violence. On fera appel à la police pour “réprimer la violence” alors qu’en fait c’est elle qui l’allumera.
7 – Dans les quartiers ouvriers pauvres, on fabriquera des “événements” pour entraîner une réponse violente des “masses” et conditionner les esprits à accepter la violence de la police et des CRS “pour défendre la France”.
8 – On tiendra secrètes ou on refusera simplement au public les clauses des négociations engagées entre le gouvernement et les syndicats. Les termes réels de la négociation seront si désavantageux pour les travailleurs qu’il leur sera impossible de les accepter et en permanence on insistera sur un “résultat irréaliste”, qui attire peu la sympathie de la population. Les travailleurs se remettront en grève et redescendront dans la rue.
9 – Alors des violences éclateront avec les piquets de grève et on enverra les CRS contre les grévistes. On fera voir qu’il y a de petits groupes de grévistes très violents. Ces individus (peut-être des agents provocateurs) seront utilisés pour discréditer l’ensemble du mouvement ouvrier et on demandera aux dirigeants syndicaux de prendre leurs distances avec ces violences donnant ainsi la victoire à M. Sarkozy dans l’esprit de la population et des travailleurs modérés.
Les événements qui se sont déroulés les deux dernières semaines montrent que nous avions raison. La stratégie de M. Sarkozy a suivi à la lettre nos prévisions, mais ça n’est qu’un début.
On a permis à M. Sarkozy de mettre en place le calendrier de la réforme des retraites. La possibilité d’une retraite anticipée pour ceux qui travaillent dans des emplois pénibles, tels que les chemins de fer, était équitable lorsque le travail était plus dur, mais elle est maintenant considérée comme démodée. Des “sabotages” bien montés ont coupé les syndicats de l’opinion publique, refroidi et rompu les rangs des leaders syndicaux, vendredi dernier, sous l’effet médiatique créé par les “sabotages”. Des violences ont “éclaté” dans les universités et, il y a cinq nuits, trois personnes ont été tuées lors d’un accident avec la police et les “émeutes” prévisibles se sont produites pendant trois nuits.
Tout se passe comme prévu !
La fin des grèves en France
[Dans ce paragraphe, Simon Davies reproduit un certain nombre de dépêches de l’AFP du 24 novembre 2007 rapportant des déclarations de Sarkozy reprenant les arguments avancés plus haut et qui ont conduit à la division de l’opposition et des syndicats et finalement à l’émiettement puis à la fin des grèves.]
Il est essentiel que tout le monde comprenne en France que ces grèves n’avaient pas pour motif le maintien ou non d’un régime de retraite particulier pour les cheminots. Ces grèves étaient l’arête tranchante du coin néo-libéral enfoncé dans l’âme de la France socialiste.
Il semble cependant que la France est à nouveau endormie et oublieuse des dangers. On a truandé la France pour qu’elle pense que l’objet des grèves était l’opposition à la réforme des retraites. Un coup d’œil à l’espace médiatique donné aux grèves de la SNCF et du métro montre à quel point Sarkozy contrôle la presse. Car alors qu’une partie de la grève des travailleurs du rail concernait les retraites, de nombreux autres travailleurs s’opposaient aux “réformes” qui illustrent beaucoup plus la vraie nature du programme. En laissant M. Sarkozy et les médias insister principalement sur la réforme des retraites, les syndicats ont donné à Sarkozy un énorme avantage. En reculant au moment crucial où les Français commençaient à comprendre l’intérêt des droits que défendaient les travailleurs, et que beaucoup de gens semblent heureux de détruire, les syndicats lui ont donné la victoire et ont permis de diviser l’opposition auparavant unie. Sarkozy est une brute qui a catégoriquement déclaré qu’il n’a pas à écouter les souhaits de la population. C’est ainsi que Tony Blair traitait les Anglais et que Georges Bush traite les Américains.
Est-ce cela que veut la France ?
Il est pénible pour beaucoup d’entre nous qui applaudissaient follement lorsque Jacques Chirac disait “non” à l’invasion illégale de l’Irak, de voir ce qui se passe en France ; en fait il est troublant de constater que Sarkozy trouve un soutien. Il est assurément évident que les États-Unis sont en train de s’effondrer, que le système financier mondial est au bord du chaos et que le modèle économique néo-libéral s’est révélé n’être qu’une version moderne du pillage des temps obscurs. M. Sarkozy aurait-il perdu la tête ? Ou a-t-il pour programme de précipiter la France dans la fosse aux lions du désastre capitaliste ?
En dépit de ce que peut déclarer M. Sarkozy, si j’en crois mes rapports avec les citoyens français, les Français n’acceptent pas l’hégémonie mondiale de la propagande de guerre des États-Unis et ne veulent pas du Cauchemar américain en France.
Plus que jamais dans son histoire, le peuple français doit se dresser pour la Liberté, l’Égalité et la Fraternité.
Ne vous y trompez pas, il s’agit d’une guerre pour la liberté de la France – une guerre voilée – qu’il faut affronter de face.
Mais par-dessus tout, vous devez vous opposer avec vos cœurs, vos têtes, vos voix et même vos corps à toutes les tentatives de divisions entre vous.
Unis vous resterez debout, divisés vous tomberez.