Pour sortir de la crise
par
Publication : août 1981
Mise en ligne : 29 mai 2008
LES pays industrialisés sont tous plus ou moins victimes d’une
crise d’un type particulier qui les affecte depuis plusieurs années.
La responsabilité en a souvent été rejetée
sur les pays producteurs de pétrole qui, par les hausses brutales
et répétées dont ils ont frappé le prix
de l’énergie, ont contribué à déstabiliser
les économies de leurs clients.
Cette crise entraîne une inflation difficile à maîtriser
et un chômage qui s’accroît. Face à ce douloureux
problème, chaque pays réagit à sa manière.
La France vient de choisir une voie différente de celle qu’elle
avait suivie, les Etats-Unis, en élisant le président
Reagan, ont pris une toute autre orientation.
KEYNES
Durant les années 30, la politique mise en oeuvre outre-Atlantique
pour relancer l’économie, fut d’inspiration keynésienne.
Reprenant les grands principes du célèbre économiste
britannique John Maynard Keynes, le gouvernement américain s’efforça
d’accroître la demande en augmentant les ressources de ceux qui
recevaient les plus bas revenus (ou qui n’en recevaient pas), c’est-à-dire
les chômeurs. Il est bien connu que si l’on touche juste de quoi
vivre on ne va pas se permettre de thésauriser. Dans ce cas,
on n’achète pas de l’or ou du diamant mais des biens de consommation
courante. On n’épargne même pas. Tout l’argent reçu
repart donc immédiatement dans les circuits et l’activité
reprend. L’économie s’oriente vers une nouvelle période
de prospérité.
Cette méthode donne des résultats appréciables,
surtout si une guerre mondiale vient confirmer la relance et la transforme
en une véritable euphorie. Ce fut le cas après 1945. La
poursuite d’une économie de type keynésien présente,
cependant, quelques risques. Le plein emploi, par exemple, marque une
étape où il n’est plus possible de continuer à
produire davantage. Les gains de production ne peuvent plus venir que
d’une augmentation de la productivité, et les syndicats s’y opposent
activement. L’inflation tend à s’installer.
LES MONETARISTES
Nous en savons quelque chose. Le gouvernement va donc s’y attaquer
et s’efforcer de réduire la masse monétaire pour maîtriser
l’inflation. C’est un genre où les monétaristes, dont
le chef de file est Milton Friedmann, s’entendent assez bien.
lis recommandent de réduire les revenus en pesant sur les négociations
salariales, en restreignant le crédit, en réduisant les
dépenses publiques, l’aide sociale, les impôts et en abandonnant
à leur sort les petites entreprises en difficulté.
Les mesures visant à diminuer le crédit consistent essentiellement
à relever fortement les taux d’intérêt. La banque
centrale commence et les banques n’ont plus qu’à suivre. Elles
sont en effet en partie responsables de l’augmentation de la masse monétaire
puisqu’elles créent de la monnaie en fabriquant des crédits
ainsi que l’explique fort bien le numéro spécial de «
Que Choisir » consacré à l’argent et dont il a été
parlé dans cas colonnes.
Ces mesures permettent de ralentir l’inflation mais elles freinent en
même temps l’économie qui s’installe dans la sous-production
et le chômage. Le public, qu’il s’agisse des salariés ou
des chefs d’entreprise, est mécontent et on peut assister à
des retournements de situation.
L’ECONOMIE DE L’OFFRE
Pour réussir, on le voit bien, la doctrine monétariste
doit être appliquée de façon autoritaire, comme
c’est le cas au Chili. Dans nos démocraties, elle a peu de chances
d’aboutir. C’est pourquoi les Américains ont envisagé
une autre solution. C’est l’économie de l’offre.
Pour les nouveaux économistes, les méthodes de Keynes
ont mené à la stagnation économique accompagnée
d’inflation parce qu’elles cherchaient à accroître la demande
globale en accroissant les dépenses publiques avec, en compensation,
une augmentation des impôts qui freine les producteurs donc l’économie.
Ce qu’il faut faire, c’est accroître l’offre par une réduction
d’impôts qui incite les producteurs à produire et les acheteurs
à acheter.
Mais une réduction des impôts entraîne une réduction
des dépenses publiques, et, d’abord, des dépenses d’aide
sociales jugées improductives. Il faut accroître les revenus
des riches car les riches épargnent et aident ainsi à
résorber le déficit budgétaire causé par
les réductions d’impôt en même temps qu’ils financent
l’investissement des entreprises. Tant pis pour les idées généreuses
de redistribution de la richesse. Et si seuls les pauvres sont mécontents
tout le monde sera d’accord pour les faire taire.
L’avenir de l’économie de l’offre ne peut nous laisser indifférents,
car, si elle réussit, au moins partiellement, elle ne tardera
pas à devenir le modèle pour l’Occident.