Quelques nouveaux économistes distingués


Publication : 24 janvier 1939
Mise en ligne : 14 mai 2006

  Sommaire  

Quelques nouveaux économistes distingués. Après ces messieurs de l’Institut et de l’Académie française qui, presque tous, nous ont donné le moyen de rétablir le regime capitaliste sur des bases solides, c’est maintenant le tour des militaires.

C’est notre confrère Le Journal qui a la spécialité des économistes militaires II vient d’en lancer trois, coup sur coup.

D’abord le général Azan nous a sorti tous les lieux communs de l’économie libérale sans s’être donné la peine de les comprendre lui-même. Ce fut pénible.

Ensuite, le général Maurin, qui fut quelque temps ministre de la Guerre, on ne sait plus bien dans quel cabinet. Ce personnage trouva le moyen de cumuler sa retraite de général, son traitement de ministre et des émoluments variés comme conseiller technique de grandes maisons d’armement. Ce c..... de Maurin, disait-on de lui dans l’armée. Un vrai débrouillard, sauf en économie politique où ses debuts furent tout simplement piteux. D’ailleurs, son patron semble l’avoir congédié.

Enfin, le général Weygand, de l’Académie française, s’il vous plaît, et administrateur, du Suez, par-dessus le marché. Ayant réglé son propre problème économique d’une manière particulièrement brillante, le voilà qui se mêle de donner des conseils grandiloquents. Il réussit déjà à dire le minimum de choses dans le maximum de mots, genre qui convient particulièrement à un économiste distingué pour vieilles douairières.

N’oublions pas le colonel- sénateur Fabry, qui réclame à cor et à cri 5.000 avions. Il affirme, qu’on les fabriquerait bien vite en temps de guerre. Mais jamais l’idée ne lui viendrait de chercher pourquoi certaines productions sont possibles en temps de guerre, et impossibles dans le régime capitaliste du temps de paix. Il préfère laisser entendre que la guerre a du bon, ce qui, nous le savons, est très loin de sa pensée.

Si nous nous avisions de parler de choses militaires, ces quatre glorieux retraités éclateraient d’indignation. Alors, que vien- esd questions ent-ils faire dans qui n’ont jamais été de leur com- pétence ?

 

Dans un journal du malin, on ne possède pas le général Weygand ancien cavalier, mais on dispose de M. Paul Cavallier qui s’intitule president de la Chambre de commerce de Nancy, pour que lions sachions d’avance ce qu’il Va dire : il se propose de remettre la France debout, ce qui signifie qu’il va essayer de faire ressusciter le passe.

II a pris le problème économique sous la forme didactique, son premier article étant consacré au sujet suivant : Qu’est-ce que la consommation ?

Pour approfondir un pareil mystère, ii nous prouve longuement qu’il a consulté plusieurs dictionnaires et que M. de la Palice n’a plus aucun secret pour lui. Il découvre enfin que nous souffrons de sousconsomm ation.

Bravo, avonsnous pensé, voilà un président de Chambre de commerce qui a des lueurs !

M. Paul Cavallier a cherché les -raisons de la sousconsomm ation, et il en a découvert un grand nombre pour arriver enfin à celle-ci : l’insuffisance du pouvoir d’achat !

Il nous rappelle ce maire de prorince qui, recevant Louis XVIII dans sa commune, s’excusait de ne pas avoir fait tirer le canon en son honneur. Sire, lui disait-il, cette émission fâcheuse a de multiples raisons que je vais vous énumérer. La dixième raison était que la commune ne possédait pas de canon...

- Il fallait commencer par celle-là, remarqua le roi, elle est péremptoire.

L’insuffisance du pouvoir d’achat suffit à expliquer pour quoi les consommateurs n’achètent pas, cher monsieur Paul- Cavallier.

Après ce brillant début, le président de la Chambre de commerce de Nancy retombe dans l’ornière : il faut de la confiance ; il faut aussi que la population augmente, etc...

Tout cela, paraît-il, fera augmenter le pouvoir d’achat !

Son second article nous explique les mystères de la production. C’est un peu à l’usage des enfantsde l’école primaire, car n’importe quel producteur moyen en sait autant que le président de la Chambre de commerce de Nancy.

Notre président, au passage, signale la folie de l’augmentation des salaires. Sur ce point, nous sommes d’accord avec mi, du moins tant qu’on reste en regime capitaliste. Mais, quelques bnes plus loin, il tombe dans la même grossière erreur en écrivant textuellement la solution : courageuse consisterait à augmenter la production, sans loucher aux salaires. Augmenter la production, mais à qui la vendre, si le pouvoir d’achat de la masse n’a pas augmenté ?

Ceci n’arrête pas une seconde notre homme qui conclut, vous l’avez deviné, a l’augmentation de la production pour nous sortir de tous nos ennuis. Travailler et travailler de plus en plus,

Certes, il n’a pas tort, mais il oublie de dire que ce programme n’est possible qu’à condition de sortir du régime capitaliste afin de s’évader du cercle vicieux qu’il a dénoncé lui-même.

Mais notre président n’en souffle pas un traître mot, de sorte que nous lui répliquons ceci en votre qualité de président de la Chambre de commerce de Nancy. vous devez être - nous l’espérons du moins - industriel ou commerçant ; alors, donnez l’exemple vous-même augmentez voire production. Embauchez des chômeurs dont nous avons toute une collection à votre disposition... Comme vous vous en garderez bien, nous vous classerons parmi les sophistes, les menteurs et les imbéciles, car c’est ainsi que le président appelle les gens qui ne sont pas de son avis. Et il tombe sur ce pauvre Renaudel pour avoir dit qu’il faut prendre l’argent là où il est. Nous avions pris cola pour un truisme, mais notre président trouve que c’est criminel, digne d’un voleur ! Nous attendions alors que notre président nous expliquât comment on peut prendre l’argent là où il n’est pas. Mais, pour la première fois de sa vie il resta muet comme une carpe.

Tout compte fait, M. Paul Cavallier n’est qu’un économiste distinué de plus ; assez mal embouche au demeurant, comme vous venez de le constater.

Et si nous lui consacrons ces lignes, c’est à cause du titre dont il fait suivre son nom : il ne faut pas que les braves gens s’y laissent prendre.

 

Dans les Annales de la Société d’Economie Politique n° 8, on peut lire ceci :

« Le professeur Louis Baudin remarque que la théorie du pouvoir d’achat, malgré les critiques justifiées dont elle, est l’objet, est d’une étonnante vitalité. Il constate qu’en dépit des échecs subis par tous les réformateurs, la théorie du pouvoir d’achat est toujours soutenue avec succès, il déplore le fait que l’économiste soit obligé de combattre des erreurs qu’ il croyait avoir détruites et qui renaissent perpétuellement. »

Pauvre professeur ! Il a raison de dire que la théorie du pouvoir d’achat est inapplicable en régime capitaliste. Elle n’a même été imaginée que pour montrer l’impuissance du régime capitaliste. Mais ce n’est pas ce que pense le professeur Louis Baudin. qui ne voit dans cette thèse que l’importance du rôle que joue le consommateur, et il ne veut jamais entendre parler de cette horreur !

Vive l’orthodoxie ! Les consommateurs, on les ignore ! Leur pouvoir d’achat n’intéresse pas les économistes.


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