Un assassinat programmé


par  G.-H. BRISSÉ
Publication : avril 2004
Mise en ligne : 8 novembre 2006

Nommé le 22 juillet 2002 au poste de Haut Commissaire pour les Droits de l’Homme de l’ONU en remplacement de Mme Mary Robinson, Sergio Vieira de Mello considérait ce poste en lui-même comme “un champ de mines”.

J’eus le privilège de le voir à l’œuvre au Cambodge, alors qu’il était chargé par le Haut Commissariat aux Réfugiés de rapatrier en territoire khmer quelque 300.000 réfugiés, en majorité des vieillards, des femmes et des enfants installés dans des camps disparates le long de la frontière avec la Thaïlande. La grande majorité d’entre eux étant d’origine rurale, ils devaient être répartis dans des terrains jugés fertiles et en tout cas inhabités, préalablement repérés par le satellite Spot. Mais il fallut se rendre à l’évidence : ce petit paradis était truffé de mines !

Ce n’était pas aux yeux de ce haut fonctionnaire, qui avait l’étoffe d’un futur secrétaire général de l’ONU, un obstacle infranchissable. ll avait été confronté à des situations autrement redoutables : au Soudan, à Chypre, au Mozambique, au Pérou, au Liban. Plus tard, il sera affecté en Bosnie, au Zaïre, au Rwanda.

Puis il recevra la redoutable mission de gérer la reconstruction du Timor Oriental, avant d’accepter de se rendre à Bagdad, le temps de mettre en place une représentation de l’ONU. Polyglotte parfaitement francophone, Sergio était un ami dont j’ai pu apprécier le souci de l’organisation, la compétence, la transparence. C’était un réel plaisir de l’entendre exposer clairement tous les méandres de sa délicate mission, sans en éluder les aspects difficiles. Conscient du sort encore précaire de nombreux réfugiés, souvent à la recherche de familles déplacées, il m’avait avoué : « je laisse une bombe à retardement ».

En acceptant la tâche de remettre en place à Bagdad une structure de l’ONU, à l’issue d’un embargo imbécile, il était conscient des obstacles qui s’opposaient à l’exercice de sa mission. Il avait sollicité, mais en vain, un renforcement du dispositif de sécurité. Les terroristes ont eu raison de son obstination, en ce jour du 19 août 2003, avec à ses côtés la vingtaine de collaborateurs et collaboratrices victimes de ce lâche attentat.

La sécurité des services de l’ONU à Bagdad relevait de la puissance occupante, les États-Unis d’Amérique, et d’elle seule. Mais Washington avait-il intérêt à ce que l’ONU soit réellement présente et active à Bagdad ?

Et l’on peut se poser la question : qui est réellement responsable de l’assassinat de Sergio Vieira de Mello et de son équipe ? En premier lieu, les terroristes qui ont organisé cet attentat très meurtrier. Mais aussi ceux qui, en charge de sa sécurité, ont laissé faire et n’ont pas pris les mesures de protection qui s’imposaient.

Le retour de la paix en Irak émergera d’une Autorité qui ne peut être que l’ONU, et elle seule.

Une instance internationale renforcée, réellement représentative des rapports de force sur cette planète et non croupion d’une seule hyper-puissance. Sur la base d’un plan de paix élaboré par ceux là même qui, en Irak comme ailleurs, entendent faire prévaloir les valeurs de démocratie et d’anti-violence active sur les pulsions de guerre, de violence, de domination et de mort.


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