Quelles énergies renouvelables pour demain ?
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Publication : août 2002
Mise en ligne : 6 janvier 2007
…L’évolution de la vie sur terre dépend beaucoup du choix que fait l’homme de l’énergie qu’il utilise. Or l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques vient de faire le point sur nos ressources en énergies renouvelables. Jacques Hamon, que nos lecteurs ont déjà pu apprécier, nous a fait parvenir à ce sujet les informations essentielles qu’il a tirées de la lecture de revues spécialisées, telle que Renewable Energy World. Nous en avons retenu ce qui suit :
Qu’elle provienne du soleil ou du noyau terrestre, l’énergie sur notre planète n’a qu’une origine : nucléaire. La consommation mondiale annuelle en est de l’ordre de dix milliards de tonnes équivalent pétrole (tep), soit en moyenne l,67 tep par terrien. Environ 4% proviennent d’énergies renouvelables, le reste est assuré par des énergies fossiles (pétrole 40%, charbon 27%, gaz naturel 23%, uranium 235 6%), et l’on s’attend à un doublement de la demande d’ici 2050. Le prix des énergies fossiles les plus demandées va donc considérablement augmenter, permettant l’exploitation de gisements d’accès difficile, tandis que les émissions de gaz à effet de serre d’origine fossile, déjà trop élevées, pourraient doubler. Une meilleure utilisation de l’énergie et un recours massif aux énergies renouvelables sont donc essentiels.
La France métropolitaine consomme environ 250 millions de tep par an (soit 4,17 par résident), avec 11 % de renouvelables, 39% provenant du pétrole, 31 % du nucléaire, 13% du gaz naturel, et 6 % du charbon. Nous préparer à la disparition commerciale des énergies fossiles conventionnelles et contribuer efficacement à la stabilisation du climat sans chaos socio-économique va demander une réorientation énergétique majeure.
De quoi disposons nous pour ce faire ?
• L’hydrogène
Depuis quelques années, l’hydrogène est présenté comme le carburant de demain. Mais il faut le produire avant de pouvoir l’utiliser dans des piles à combustible, et sa production (dans des centrales thermiques conventionnelles ou nucléaires, ou par électrolyse de l’eau) consomme plus d’énergie que son oxydation n’en produit. L’hydrogène est donc, comme l’électricité, un simple vecteur d’énergie, mais il présente toutefois sur cette dernière la possibilité d’être stocké et transporté à longue distance sans trop de pertes en ligne.
• Les ressources hydrauliques
Environ 90% des ressources hydrauliques françaises sont exploitées. Hors du bassin de la Loire, qui dispose de quelques réserves, la microhydraulique pourrait offrir un potentiel limité d’intérêt local. Les barrages d’altitude pourraient être développés car ils constituent une des solutions éprouvées pour stocker l’énergie électrique lorsque la production excède la demande, et la relarguer lorsque la demande excède l’offre.
• Le bois de feu
Le bois de feu est employé depuis des millénaires et a alimenté des gazogènes il y a 60 ans. Les déchets industriels constituent une ressource de mieux en mieux utilisée. Le potentiel de production de bois peut être augmenté en traitant les espaces boisés non indispensables à d’autres titres. Dans les zones rurales boisées, l’option bois de feu parait la plus rentable. Les autres possibilités sont de plaquetter le bois sur place, pour alimenter des centrales thermiques locales dont chaleur et électricité seraient également rentabilisées, ou de pyrolyser les plaquettes pour obtenir du méthanol, d’autres molécules chimiques recherchées et du charbon de bois destiné à la production de gaz de ville.
Il s’agit là d’hypothèses de travail car la balance énergétique nette reste à établir.
• Ethanol et huiles végétales
Deux catégories de biocarburants liquides sont utilisées, de façon encore très modeste : l’éthanol, produit à partir de betteraves ou de céréales, et les huiles, produites surtout à partir de colza et de tournesol […].
La filière huile parait la meilleure ; avec des co-produits constituant d’excellents aliments du bétail, et des huiles devant pouvoir, à terme, être directement utilisées dans des moteurs de type diesel. Dans ce contexte le rendement énergétique brut est de l’ordre de 1,15 tep par hectare et par an, et le rendement net inférieur à 0,75. Assurer l’approvisionnement de notre présent parc automobile nécessiterait la mise en culture, à cette seule fin, de 80 millions d’hectares alors que la France ne dispose que de 28 millions d’hectares de terres cultivées dont on envisage mal que plus de 25% soient consacrés à la production de biocarburants. Il faudra donc soit renoncer aux avions, aux navires et à l’essentiel du parc automobile (tracteurs et engins de travaux publics inclus), soit utiliser un autre mode de propulsion. […] La production agricole d’éthanol, bien que moins compétitive, pourrait être valorisée par l’utilisation directe de cet alcool dans des piles à combustible associées à un réformeur approprié.
Ces options sont peu compatibles avec le maintien d’exportations agricoles notables. Différents pays utilisent les résidus végétaux solides et des excréments animaux pour alimenter des centrales thermiques. […] On peut utiliser des résidus d’origine animale et végétale pour alimenter des fermenteurs, produire du gaz naturel utilisable localement pour le chauffage ou la production d’électricité, et disposer de fertilisants organiques, la balance énergétique nette de cette approche restant à déterminer. Pour des raisons de sécurité les farines animales paraissent vouées à la production d’énergie thermique.
• L’énergie solaire
L’énergie solaire atteignant le sol français est relativement limitée, de l’ordre de 150 kWh par mètre carré et par an, exploitable partout, mais plus dans le sud que dans le nord et en été qu’en hiver. Le solaire thermique parait très prometteur partout où, au bénéfice d’un petit nombre de personnes, on peut placer une grande surface de panneaux solaires sur des toits ou même sur des murs extérieurs bien exposés ; sous réserve de quelques améliorations techniques et d’efforts de standardisation, il mérite une rapide valorisation. Les panneaux solaires n’ont qu’un modeste rendement car ils sont rarement orientés à la perpendiculaire des rayons : il faut donc suréquiper les surfaces disponibles et stocker les calories pour pallier aux absences d’ensoleillement. Les systèmes les plus simples comportent un liquide caloporteur (chauffé par le soleil et insensible au gel), une pompe électrique, un échangeur transmettant les calories de ce liquide à l’eau douce domestique, aux radiateurs en hiver, et à un volumineux ballon d’eau chaude assurant quelques jours d’autonomie. Un dispositif de chauffage auxiliaire est nécessaire.
Un stockage à long terme de l’énergie solaire est possible, en accumulant en sous-sol les calories des périodes excédentaires, ou en faisant appel, avec un second échangeur, à des solutions salines accumulant à volume égal beaucoup plus de calories que l’eau douce. Le solaire photovoltaïque est défavorisé par le coût très élevé du kwh produit. Sauf pour les sites non reliés au réseau électrique, son avenir dépend de percées techniques, dont certaines paraissent proches, pour réduire le coût de fabrication des panneaux. Il dépendra aussi de l’évolution du prix de l’énergie. Les panneaux solaires, thermiques ou photovoltaïques, peuvent fonctionner des dizaines d’années sans interventions de maintenance majeures.
• L’énergie éolienne
L’énergie éolienne est très inégalement répartie en France. Le rendement des aérogénérateurs varie avec le cube de la vitesse du vent ; en règle générale, les vents de moins de 4 m/s ont une productivité nulle et ceux de plus de 25 m/s entraînent l’arrêt de l’aérogénérateur pour des raisons de sécurité. Les gisements éoliens favorables se situent dans la basse vallée du Rhône, dans les Corbières littorales, le long de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, du sud de la Bretagne au Pas-de-Calais, et sur des lignes de crêtes, ici et là, à l’intérieur des terres. La technologie des aérogénérateurs a fait d’énormes progrès et, dans les bons gisements, le rendement effectif est de l’ordre de 30 à 45% de la puissance installée. Chaque engin requiert une maintenance, d’où la nécessité de voies d’accès. La stabilisation des pylones exige un contrepoids peu visible, mais notable, pouvant atteindre plusieurs centaines de tonnes de béton pour les engins situées en mer. Les aérogénérateurs ne peuvent pas être trop rapprochés les uns des autres, du fait de la nécessité d’orienter les pales face au vent, et des inévitables remous aériens. Bien entretenus, ces équipement ont une vie escomptée de 20 à 30 ans sur terre. et de l’ordre de 20 ans en mer peu profonde. […] Une puissance installée de l’ordre de 400.000 MW, correspondant à plus d’une centaine de milliers d’éoliennes, pourrait être requise. Assurer l’équilibre du marché sera beaucoup plus difficile qu’avec les centrales thermiques.
• L’énergie géothermique
Notre sous-sol est chaud. L’exploitation de l’énergie géothermique basse température, en cours ici et là, n’utilise qu’une portion des gisements d’eau chaude connus ; on devrait pouvoir faire beaucoup mieux. L’exploitation de l’énergie géothermique haute température à quelques milliers de mètres de profondeur, est expérimentée à Soultz, en Alsace, et pourrait ouvrir l’accès à une source presque inépuisable de chaleur et d’énergie électrique. Les courants marins, la houle et les vagues représentent une énergie pratiquement pas exploitée.
Des dispositifs bien moins lourds que le barrage sur la Rance sont en cours de mise au point et d’évaluation.
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Les énergies renouvelables précitées fourniront une quantité limitée de biocarburants, un peu de chaleur, et beaucoup d’électricité. Les principaux centres de consommation étant éloignés des bons gisements de vent et des sources éventuelles d’énergie marine, le présent réseau de lignes à haute et très haute tension restera indispensable. La situation la plus critique sera celle des DOM-TOM qui, à l’exception de la Guyane, ne pourront pas assurer leur autonomie énergétique. Peu de pays de la Communauté bénéficient d’autant d’atouts que la France en matière d’énergies renouvelables mais cet avantage ne sera que commercial car l’ouverture du marché de l’énergie implique que chaque production nationale ne constitue qu’un élément de la satisfaction des besoins communautaires
Dans le reste du monde
Dans les régions tropicales l’énergie solaire reçue par mètre carré est deux à trois fois plus importante qu’en France et peut être exploitée directement ou par l’intermédiaire de la biomasse. Comme de nombreuses réalisations le démontrent, solaire thermique, solaire photovoltaïque et fermenteurs de biomasse, isolément ou en association, sont rentables, notamment dans les zones rurales non reliées à un réseau électrique national. Les pompes à chaleur permettent d’assurer une climatisation solaire. Les zones tropicales désertiques conviennent à l’installation de centrales solaires thermiques produisant de l’électricité, le stockage de l’énergie diurne pour assurer les besoins nocturnes essentiels posant encore problème. Les zones tropicales humides peuvent produire des biocarburants, alcool de canne à sucre, huiles d’arachide et de palme, etc...
Les zones soumises au régime des alizés conviennent tout particulièrement à l’énergie éolienne. Il semble en outre que 70% du potentiel hydraulique mondial ne soit pas encore exploité. La géothermie profonde, à haute température, devrait être exploitable ici et là dans bien des pays dès que la technologie requise aura été mise au point. Les pays exportateurs de céréales et d’huiles végétales à des fins alimentaires pourraient exporter des biocarburants. Ceux disposant de gisements de vent exceptionnels ou d’une énergie hydraulique excédentaire pourraient devenir exportateurs d’hydrogène liquide.
Un nouveau monde énergétique reste à construire, très différent de celui dont nous avons pris l’habitude depuis moins d’un demi siècle.
Cette analyse est basée sur le climat de l’an 2002. L’augmentation de 5 à 6°C de la température moyenne escomptée dans le courant du siècle affectera les potentialités agricoles, éoliennes, hydrauliques et sylvicoles, donnant une grande priorité à l’exploitation de la géothermie et de l’énergie marine peu ou pas sensibles aux modifications climatiques. Bien qu’il ne s’agisse pas là d’une énergie renouvelable au sens habituel de ce terme, le potentiel des filières nucléaires à spallation (éclatement, en de nombreuses particules, du noyau d’un atome sous l’effet d’un bombardement corpusculaire assez intense) n’est pas à négliger, pouvant nous assurer quelques millénaires d’une énergie sans résidus à vie longue, assez de temps pour laisser le climat terrestre revenir à celui que nous connaissons aujourd’hui.